Décès du trompettiste Hugh Masekela, légende sud-africaine du jazz et engagé contre l'apartheid
"C'est avec une immense tristesse que la famille de Ramapolo Hugh Masekela annonce son décès. Après une courageuse bataille contre un cancer de la prostate, il est décédé paisiblement à Johannesburg, entouré de ses proches", indique un communiqué de sa famille.
"Un baobab est tombé"
"La nation pleure un de ses talents à la signature la plus caractéristique", a réagi le président sud-africain Jacob Zuma. "C'est une perte incommensurable pour le monde de la musique et le pays tout entier. On n'oubliera pas sa contribution à la lutte pour la libération."
"Un baobab est tombé", a réagi le ministre sud-africain de la Culture Nathi Mthethwa. "La nation a perdu un musicien d'exception (...) On peut sans hésitation dire que frère Hugh était un des grands architectes de l'afro-jazz et qu'il a élevé l'âme de notre nation grâce à sa musique intemporelle."
"Un géant (de la musique) nous a quittés", a réagi le musicien sud-africain Johnny Clegg. "Extraordinaire ambassadeur de l'Afrique du Sud pendant six décennies, en tant que musicien et militant politique", il a "inventé son propre style qui a profondément marqué le jazz sud-africain".
Hugh Masekela avait fui le régime de l'apartheid dans les années 1960 et n'était rentré dans son pays qu'après la libération en 1990 de Nelson Mandela, fer de lance de la lutte contre le racisme.
Parmi ses plus grands titres figurent "Bring Him Back Home" (Le ramener à la maison), où il demandait la libération de Nelson Mandela, et "Grazing in the Grass".
Adolescent, Hugh Masekela avait reçu sa première trompette d'un prêtre engagé dans la lutte contre l'apartheid, Trevor Huddlestone. "Je l'ai prise et je me suis senti comme un poisson dans l'eau", racontait-il. Élevé par sa grand-mère dans la petite ville de Witbank (nord), il expliquait que c'était là, entouré de mines de charbon, que son "âme avait été emportée par la musique".
Une vie d'exil
Il grandit pendant les pires heures du régime ségrégationniste et ne rêve que d'une chose : l'exil. "Quand l'avion a décollé, c'était comme si j'étais libéré d'un poids énorme. Comme si pendant vingt-et-un ans, j'avais été constipé", se souvient-il crûment dans son autobiographie "Still Grazing". Après un passage à Londres, il étudie à New York, à la Manhattan School of Music.
Aux États-Unis, il fréquente des géants de la musique, comme Jimmy Hendrix, David Crosby, Marvin Gaye, Dizzy Gillepsie ou "Mama Africa", la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba, dont il tombe amoureux. Leur mariage durera deux petites années. Il chante l'oppression et le combat. Dans le titre "Stimela", il rend hommage aux travailleurs noirs qui partent en train vers les mines. Dans le très entraînant "Thanayi", il raconte le combat d'une femme pour trouver de la nourriture.
Et d'excès
La vie de Hugh Masekela a été marquée par les excès. "J'étais accroc à l'argent - quand je pouvais en trouver - accroc aux drogues, qui n'étaient jamais dures à trouver, accroc à l'amour, accroc au sexe et à la musique, et pas du tout pressé de devenir sobre. En réalité, il m'a fallu plusieurs décennies avant de me réveiller", écrivait-il. De retour sur le continent africain, il joue avec le roi de l'afrobeat, le Nigerian Fela Kuti, et participe en 1974 à l'organisation du festival en amont du duel de boxe historique entre Mohamed Ali et George Foreman à Kinshasa.
Dans les années 1980, il construit un studio d'enregistrement mobile au Botswana et part en tournée avec Paul Simon pour le fameux album "Graceland". Marié à quatre reprises, il rafle en 2016 le prix de "légende de l'année" au MTV Africa Music Awards et joue, la même année, pour le président américain Barack Obama.
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