Jazz à Vienne : les Ambassadeurs de l'Afrique font danser le Théâtre antique
"Une bénédiction". C'est ainsi que Cheick Tidiane Seck définit les retrouvailles avec ses anciens compères des Ambassadeurs, groupe africain phare des années 70 tout juste reformé pour une tournée européenne et qui s'est arrêté à Vienne samedi soir. Une bénédiction qui prend une dimension quasi mystique sous le regard de la madone qui trône au dessus du Théâtre Antique, "source d'inspiration" pour le clavier de la formation dont on ne compte plus les illustres collaborations, lorqu'il joue dans ce qu'il appelle "mon temple" (il est déjà venu à Vienne cinq fois, avec Hank Jones ou Manu Dibango notamment).
Aujourd'hui dans la force de l'âge, même s'ils avouent avoir "gardé un côté ado" quand ils sont ensemble, les "anciens" des Ambassadeurs ont mis de côté leurs égos pour cette tournée qu'ils ne veulent surtout pas nostalgique ou passéiste. A l'image d'un Salif Keita, figure emblématique et charismatique de la formation, Cheick Tidiane Seck, Amadou Bagayoko (du duo Amadou et Mariam) ou Ousmane Kouyaté pour ne citer qu'eux, ont des carrières musicales bien remplies. Et pour cause...
A l'origine de la world music
Les Ambassadeurs ont réuni dès leurs débuts, la crème des musiciens ouest-africains, maliens, ivoiriens, guinéens et sénégalais, dont plusieurs transfuges du Rail band de Bamako, autre formation culte de l'époque au Mali. "Des grandes écoles" souligne Cheick Tidiane, à l'origine de la world music grâce à un mélange des genres à l'époque inédit, puisant aussi bien dans le répertoire mandingue que dans les rythmes latins ou le pop-rock occidental.Quant à ceux dont les noms parlent peut-être moins de prime abord, ils ne sont pas pour autant moins actifs. Après avoir enseigné la musique pendant 18 ans à l'Institut des jeunes aveugles de Bamako (où il forme Eclipse, en 1978, avec Amadou et Mariam) et mené une carrière d'inspecteur de musique au ministère de l'éducation malien, Idrissa Soumaoro (qu'on aurait du mieux connaitre pour son titre connu sous le nom de "Ancien combattant", dont la gloire est allée au Congolais Zao) a toujours à coeur de transmettre.
"Il est très discret (deux albums sous son nom seulement) mais il a marqué l'évolution de la musique malienne, sans crier gare, sans être nombriliste" dit de lui Cheick Tidiane. Avant de monter sur scène, les deux musiciens se sont expliqués sur cette envie de retrouver la flamme qui a fait vibrer le Motel de Bamako où se produisaient les Ambassadeurs lors de leur formation.
Sur la scène du Théâtre antique, les douze Ambassadeurs ont égrené les titres qui ont fait leur succès."On avait l'embarras du choix", constate Idrissa Soumaoro. "On en a choisi une dizaine, ceux qui font bouger le plus, avec un bon feeling."
Concomitant avec cette reformation, le double CD paru à l'automne dernier "Les Ambassadeurs du Motel de Bamako" est une compilation de reprises des années 1975-1977. Sorti fin juin, "Rebirth" comporte lui aussi 4 reprises remises au goût du jour. Les fonds récoltés par cet album seront reversés à la fondation de Salif Keita qui soutient les personnes albinos au Mali.
De "Seydou Bathily" à "Mali Denou" en passant par "Mana Mana" ou "Tiecolom ba", les morceaux portés par la voix unique de Salif Keita se sont enchainés devant un parterre envouté par ces rythmes nonchalants et dansants. Les soirées africaines de jazz à Vienne ont ce pouvoir à nul autre pareil de faire se déhancher le public, de la scène où certains ont grimpé pour des démonstrations très convaincantes, jusqu'au sommet des gradins.
Malgré une moyenne d'âge honorable (le doyen, Modibo Koné aux congas, a 76 ans), les uns et les autres restent à l'écoute de la jeune génération. Après avoir travaillé avec le groupe de rap Assassin ou Oxmo Puccino, Cheik Tidiane s'est lancé dans une adaptation du "Hey Joe" d'Hendrix avec le batteur des Living Color... Pour eux, cela ne fait aucun doute, la relève est assurée.
Et maintenant que va-t-il se passer ? La tournée va les emmener à Sète, Marciac ou Saint-Nazaire pour la France. "On espère que ça va continuer" disent-ils en choeur. "On aimerait faire un tour d'Afrique, certains n'arrêtent pas de nous le demander".
Dakar années 70 avec l'Orchestra Baobab
Autre formation née dans les années 70, mais au Sénégal, l'Orchestra Baobab, du nom de la boite de Dakar où il est né, a lui aussi connu la gloire avant de se séparer et de renaitre de ses cendres en 2001. Un baobab ne meurt jamais... "On était jeunes, on n'était pas mariés, on jouait tous les jours entre 22 heures et 5 heures du matin" se rappelle Rudy Clément.Orchestre panafricain comme les Ambassadeurs, les musiciens ont, à l'image de leurs cousins maliens, fait exploser la musique du monde, mêlant rythmes traditionnels et cubains.
Sur la scène du Théâtre Antique, dans des tenues plus traditionnelles que les Ambassadeurs, ils ont chauffé l'ambiance avec leur musique chaloupée. Un petit air d'Afrique qui seyait bien à la température de l'air !
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