Jazz à Vienne : surprises party avec Melody Gardot et Tigran Hamasyan
Bientôt 22h30, la nuit s'est installée à Vienne mais la chaleur caniculaire n’est pas prête de retomber. Après un court préliminaire musical très groovy, Melody Gardot fait son entrée sur scène avec "She dont know", l’une des belles surprises rythm’n blues de son dernier album "Currency of man". Très hauts et fins talons, pantalon de skaï extra slim et strass, le ton est donné : la féminité et l’amour- thèmes importants de ce disque - seront au cœur du concert.
Visiblement très heureuse de retrouver le public du Théâtre Antique - "ça faisait trop longtemps !", elle prévient aussi en français "qu’il faudra danser" dans un de ses éclats de rire qui rythment parfois ses chansons. Guitare en bandoulière, la belle Américaine et ses musiciens se lancent dans un long prélude à "Same to you", titre phare de l’album que l’on imagine spécialement taillé pour la scène tant l’énergie est instantanément communicative.
Melody Gardot se tourne à nouveau vers le public pour l’inviter "à se déconnecter", à vivre pleinement les choses à l’image de l’éblouissante version de "March for Mingus" qui va suivre avec un spectaculaire solo du jeune Irwin Hall qui parvient à jouer avec deux saxophones en même temps ! Ce morceau enivrant marque une césure dans le spectacle qui entre dans une période plus calme. En crooner au féminin, la chanteuse se rapproche doucement, au plus près du micro, pour entonner "Morning Sun" comme une prière, sous un ciel étoilé de circonstance.
Le public commence à chavirer totalement, les applaudissements sont de plus en plus longs et chaleureux. La chanteuse à la mine réjouie en profite pour boire un verre. On savoure encore une magnifique version de "Don’t Misundesrtand" avant de quitter un court moment le répertoire de son dernier disque.
C’est l’occasion pour Melody Gardot de s’adresser une nouvelle fois au public, dans un mélange de français et d’anglais, dans une généreuse invitation à profiter de la vie. "I want you, ça veut dire que je te veux dans mon lit !". Elle rappelle aussi, qu’il n’y a pas si longtemps, elle avait besoin d’une canne pour s’approcher de son tabouret des suites d’un accident de la route à 18 ans dont elle s’est rétablie grâce à la musicothérapie.
Les deux titres "Our love is easy" et "Baby I’m a fool" avec une délicate introduction a cappella - tous deux tirés de son second album studio "My one and only thrill" - sont accueillis comme des tubes. Autre moment fort du concert : l’invitation à lutter contre les violences et le racisme sur le très entraînant "Preacherman" qui reprend la tonalité rock du début du concert.
Mais ce n’est pas tout à fait fini, l’artiste nous réserve un étonnant rappel très sexy et plein d’humour sur "It gonna come" en invitant le public à préférer les "cul à cul aux tête à tête" avant de se lancer dans une surprenante leçon très caliente de danse suggestive du postérieur, façon Beyoncé.
Un très grand Tigran Hamasyan
Dans un registre très différent, Tigran Hamasyan sait lui aussi amener son public de surprises en surprises, mais sur un terrain purement musical. Habitué des lieux - le directeur de Jazz à Vienne Stéphane Kochoyan l’a découvert en Arménie dont ils sont tous deux originaires – le jeune pianiste a signé un concert tout simplement époustouflant.
Habillé d’un tee-shirt dont l'inscription fait directement référence au génocide de 1915 "Our wounds are still open » (nos plaies sont toujours ouvertes), Tigran donne le ton dès le premier morceau : ce voyage n’aura aucune frontière, dans le style comme dans l’engagement physique et musical.
Des intros de piano sage peuvent découler de fulgurantes bouffées d’inspiration métal mais aussi dub ou de tradition plus classique ou balkanique. Ce mélange très naturel, plein de force physique et de finesse repose sur les compositions de départ, mais aussi sur l’intense complicité de ce trio piano/basse/ batterie et sa capacité à inventer de l’énergie et du son. Le bassiste Sam Minaie étant un véritable phénomène en la matière.
Au delà de la réelle performance de créativité et d’inventions – Tigran est aussi à l’aise sur les touches de son piano que devant les boutons d'un mini clavier électro - on est aussi frappé par l’émotion intense que dégage par moment cette musique qui évolue par flots, à l’image du chant sans mots de Tigran, qui va et vient et nous emmène très loin, dans des paysages inconnus et pourtant familiers, comme lors du saisissant "The apple Orchard in Saghmosavanq". Un très grand moment.
Cyrille Aimée, voix de la joie de vivre
C’est une jeune chanteuse française, plus connue aux États-Unis où elle vit que dans son pays d’origine, qui a eu l’honneur d’ouvrir cette soirée décidément très éclectique. Artiste en résidence du festival, Cyrille Aimée étonne tous ceux qui la découvrent par la fraîcheur et la tonicité de sa voix.
Avant d’étudier le jazz à New York, elle a grandi chez ses parents à Samois-sur-Seine, près de la maison natale de Django Reinhardt où se déroule chaque année un festival dédié à la musique manouche, un style que l’on retrouve par moment dans son dernier album "It’s a good day" mais aussi sur scène où cette jeune chanteuse dégage une belle énergie très positive.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.