Jazz sous les pommiers : un concert-promenade dans un Coutances estival
Cette année, la météo aura été plus que bienveillante avec les organisateurs. Le concert-promenade de vendredi, qui incluait une bonne marche pour les mélomanes et des performances en plein air pour les musiciens, était programmé depuis des semaines. Ce vendredi restera la journée la plus chaude de la semaine à Coutances.
Vendredi, 10 heures. Des dizaines de festivaliers ont été convoqués devant le Magic Mirrors, l’un des lieux de concert de Jazz sous les pommiers, situé au pied de la cathédrale. Très vite, les encadrants bénévoles, véritable anges gardiens du festival, scindent tout ce beau monde en deux groupes. Deux sets de jazz sont programmés en deux lieux différents tenus secrets. Chaque groupe assistera à un premier concert, puis sera acheminé vers le second, occasionnant un chassé-croisé pédestre avec l’autre groupe.
La promenade ne concerne que le public, pas les musiciens qui joueront leurs deux sets sur le même site, et pour lesquels le déplacement d’instruments encombrants entraînerait d’évidents problèmes logistiques.
David Patrois trio, Jazz sous le soleil
Je me retrouve dans le groupe invité à descendre les rues de Coutances jusqu’à un site entouré d'anciennes bâtisses, le cloître de l’Hôpital. Nous y sommes attendus par le trio du vibraphoniste David Patrois, avec Jean-Charles Richard aux saxophones et Luc Isenmann à la batterie. Avec un premier morceau intitulé « Le cri de Rahan », ils entament un set composé d’extraits de leur album « Flux tendu » sorti en 2015. Une belle musique, entre swing et climats cinématographiques, parfois nerveuse, qui permet d'apprécier la savoureuse texture du vibraphone et des marimbas, agencés en angle droit face au leader du trio.Les improvisations de David Patrois, qui change de maillets pour faire varier les sons, et de Jean-Charles Richard, qui passe du baryton au soprano dans un même chorus, résonnent très agréablement dans ce site ancien. Mais très vite, il faut se rendre à l’évidence : le soleil de plomb qui a surgi au-dessus de l’édifice en face de nous veut notre peau. Toute photo est impossible du fait d’un impitoyable contrejour. Alors, de plus en plus de festivaliers quittent les bancs en quête d’un abri ombragé, sous des arcades voisines.
Le soleil poursuivant implacablement sa montée, certains spectateurs déplacent carrément leurs bancs vers une ombre providentielle mais éphémère.
Même éloignés de la scène, on entend toujours la musique attrayante du trio, ces citations de « Caravan » dans une improvisation musclée du saxophoniste, puis, plus tard en rappel, cette reprise efficace du célèbre « In walked bud » de Thelonious Monk (qui figure dans l'album du trio)... Mais écoutés de loin, les commentaires de David Patrois entre chaque morceau ne sont plus intelligibles. La musique du trio gardera ses mystères.
Luca Aquino et Carmine Ioanna, rêverie de midi
Déjà, sonne le moment de partir vers le second concert. Cette fois, on remonte de ravissantes mais abruptes rues campagnardes où l’on croise l’autre groupe de festivaliers embarqués dans la promenade. 11h30. Nous sommes accueillis dans le jardin très spacieux, beaucoup plus ombragé, d’un particulier, rue Quesnel-Morinière. Un véritable petit parc cerné d’arbres, de fleurs, enrichi d’une serre. Vers le fond, sur une estrade placée sur la pelouse, deux artistes italiens nous attendent : le trompettiste Luca Aquino, chemise bleue et chevelure frisée grisonnante, et l’accordéoniste Carmine Ioanna, tee-shirt jaune, pieds nus (ce qui nous rappelle un certain Vincent Peirani, lui-même accordéoniste), pour leur projet « aQustico » qui vient de faire l'objet d'un deuxième enregistrement.Luca Aquino donne le coup d’envoi du concert, posant un climat de mystère en sifflant dans l’embouchure de sa trompette, avant de reprendre le thème à son compte, accompagné par Carmine Ioanna. Le duo propose un répertoire mélodieux, d’une belle unité, ponctué de mélodies traditionnelles qui nous embarquent du côté de la Méditerranée, dans des arrangements propices à une rêverie estivale, éveillant parfois une douce mélancolie.
Contrairement à David Patrois sur l'autre scène, Luca Aquino ne prend quasiment pas la parole, laissant la musique s'exprimer. Parfois, l’accordéon d’Ioanna sonne comme un orgue, tandis que la trompette d’Aquino traverse des mondes parallèles grâce à des effets électro oniriques. A midi précises, la cloche de l’église voisine sonne pile à la fin d’un morceau, et accompagne avec entêtement le début du suivant...
Après le swing nerveux du trio de David Patrois, la musique aérienne du duo aQustico sonne comme un très beau dénouement à cette double expérience musicale, et donne très envie d’écouter les disques de ces deux formations inspirées.
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