Joe Bonamassa, Norah Jones et Pat Metheny : trois couleurs musicales du festival Jazz à Vienne
Les concerts de Jazz à Vienne se suivent mais ne se ressemblent pas. Des ambiances bien différentes sur ces trois soirées avant la clôture avec Goran Bregovic ce jeudi 13 juillet. Joe Bonamassa, Norah Jones et Pat Metheny ont confirmé l'éclectisme de ce festival dont la renommée internationale n'est plus à rappeler.
1Joe Bonamassa
Ce lundi 10 juillet était sans doute parmi les jours les plus chauds de la semaine, mais le guitariste américain Joe Bonamassa ne s'est pas privé pour faire monter encore plus la température qu'il a lui même qualifiée de "fuckin' hot !".
Après une première partie avec un blues de facture classique assurée par le vétéran Joe Louis Walker, le virtuose "Big Joe" a mis le feu aux poudres avec un show dévoilant toute sa palette de dextérité. Solos à rallonge, volume poussé à fond et nécessitant de calfeutrer l'impressionnante batterie d'amplis derrière un mur de plexiglas, déluge de notes en cascade, et surtout un florilège de guitares prestigieuses millésimées des meilleures années de Gibson et Fender. Bonamassa est connu pour collectionner les instruments de valeur, pour ce concert il a tout bonnement joué une guitare différente à chaque chanson ! Des modèles mythiques dont certains atteignent bientôt les 80 ans d'existence comme une Stratocaster de 1955, ou plusieurs Les Paul fin fifties et début sixties.
Abordable en coulisse en toute simplicité, le guitar-hero était accompagné par la fine fleur du blues-rock actuel, notamment le guitariste Josh Smith ou encore la "légende vivante" Reese Wynans, ancien claviériste de Stevie Ray Vaughan, et pour qui Bonamassa a demandé au public une standing ovation. Ce même public s'est retrouvé un peu décontenancé durant l'ouverture du show plutôt étonnante où les musiciens rentrent sur scène au son d'une musique d'ambiance, un morceau de Tom Petty. Mais c'est surtout la fin du concert qui a frustré le théâtre antique de Vienne plein à craquer, quand Bonamassa et son groupe ont dû renoncer à un rappel en raison des horaires du festival.
2Norah Jones
Après le déluge sonore, place à une atmosphère intimiste avec Norah Jones et son jazz-pop feutré. La soirée avait d'abord commencé sous les auspices soul en invitant la doyenne Mavis Staples. On l'avait déjà fortement appréciée aux Nuits de Fourvière il y a quatre ans, mais ce mardi 11 juillet, en plus des classiques For what it's worth et Respect yourself, la chanteuse américaine a interprété le célébrissime The Weight du groupe The Band qu'elle avait accompagné en 1976 lors du mythique concert The last waltz, filmé par Martin Scorsese. Un titre qui avait manqué en 2019 et qui a été chaleureusement accueilli par le public. Mavis Staples fêtait ses 84 ans lundi soir, et le théâtre antique de Vienne a entonné un Happy Birthday vibrant pour cette grande dame de la Soul.
Norah Jones n'a pas manqué de lui rendre à nouveau hommage en deuxième partie de soirée. La fille de Ravi Shankar a séduit l'assistance avec sa voix suave et ses arrangements parfois à la frontière du folk voire de la country. Après une ouverture au chant seul, accompagnée par son formidable trio de musiciens, elle s'est assise au piano, avant de prendre la guitare plus tard sur quelques morceaux.
Malgré la scène très large, le quatuor a joué de façon resserrée, comme s'il se trouvait à l'étroit dans un club amateur. Une cohésion parfaite qui sied bien à l'univers musical de la chanteuse. Norah Jones a conquis le public sans difficulté avec ses tubes Sunrise, Come away with me et l'inévitable Don't know why en clôture de set. Contrairement à Joe Bonamassa, l'artiste a elle pu revenir pour un rappel, une reprise de Jesse Harris I've Got to See You Again. Un ange est passé ce soir-là Vienne, et plusieurs voix dans l'assistance ont crié "we love you !". Norah Jones a confirmé son attachement au public français en lui retournant la pareille : "je vous aime aussi".
3Pat Metheny
Autre style, autre ambiance mercredi soir 12 juillet. À la différence des deux précédents, le concert de Pat Metheny était entièrement assis. Avec une telle configuration, on aurait pu craindre un jazz quelque peu select et élitiste, réservé aux initiés. Mais au contraire, le guitariste virtuose met de suite tout le monde à l'aise par sa simplicité et sa décontraction. En short, baskets et sweat-shirt, Metheny joue devant le public comme s'il était dans notre salon. Bien que présenté comme nom principal de la soirée, il est passé en première partie avant le groupe de jazz-rock-fusion quarantenaire Sixun. Il est sans doute la seule tête d'affiche du festival à être monté sur scène alors qu'il faisait encore jour.
Seul en scène pour débuter, il officie sur une guitare unique au monde, le modèle Picasso avec pas moins de 42 cordes ! Des sonorités de harpe celtique et de Koto japonais se mêlent aux couleurs de guitare plus traditionnelle. Mais plutôt que de faire étalage de sa technique, Metheny brode des mélodies aériennes et magiques. Une entrée en matière magistrale.
Il est ensuite rejoint par ses deux musiciens tout aussi virtuoses l'un que l'autre, le batteur Joe Dyson et le claviériste Chris Fishman qui assure également les parties de basse avec un rendu sonore bluffant, digne d'une véritable contrebasse. Sur un seul titre du set, c'est le guitariste qui fera office de bassiste par le biais d'un effet octaver. Les sonorités du musicien semblent par moments provenir d'une autre planète, que ce soit à travers sa guitare-synthé ou son dispositif d'automates mécaniques actionnant divers instruments.
Le trio se fait duo à deux reprises, Metheny jouant un morceau avec chacun de ses musiciens. Le titre en duo avec le batteur est l'occasion d'une performance surprenante où le guitariste démontre qu'une guitare classique aux cordes nylon peut aussi sonner rock en étant amplifiée de façon distordue !
Après une heure trente de concert environ, un rappel en solo offre un instant de grâce dans le théâtre antique de Vienne. Seul à la guitare acoustique, Metheny revisite plusieurs de ses mélodies les plus connues et enchante le public. Une voix à la fin crie "Merci !" tandis que tout le monde se lève pour acclamer le guitariste.
Le trio revient une dernière fois, accompagné du système d'automates, pour délivrer un final majestueux et qui amène le public à se relever une nouvelle fois. Une standing ovation sincère et largement méritée pour ce grand moment.
Trois concerts, trois couleurs bien distinctes qui ont donné un aperçu représentatif et fidèle du festival Jazz à Vienne, toujours soucieux de proposer une programmation riche et variée, à destination de tous les goûts. Pari réussi à nouveau pour cette édition 2023.
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