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Kyle Eastwood, musicien voyageur et francophile, en concert à Paris mardi

Kyle Eastwood, bassiste, contrebassiste et compositeur américain, a sorti mi-mars son sixième album, "The View from here", enregistré en France, un pays qu'il affectionne particulièrement. Un disque dont les titres et les rythmes invitent au voyage, de Rio à Louxor, du sirocco au mistral... Il le présente mardi soir à Paris, au Trianon, parmi d'autres dates. Nous avons rencontré Kyle Eastwood.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Kyle Eastwood et sa contrebasse
 (Jean-Baptiste Millot)

Kyle Eastwood, jazzman, compositeur de musiques de films (notamment pour son père, Clint), parfois acteur (mais la musique a pris le dessus), se passionne pour de nombreux genres musicaux qui dépassent largement les frontières du jazz. Amateur de voyages et de sons africains, il leur rend hommage dans son dernier album qu'il a enregistré dans le Vaucluse, dans les studios de La Buissonne. Un disque séduisant où alternent morceaux très rythmés et phases plus mélancoliques, voire nocturnes...

La rencontre
Un après-midi de février, dans un café de la rue la plus jazz de Paris, la rue des Lombards. Une petite demi-heure avec Kyle Eastwood, décontracté, avenant, (irrémédiablement) charmant, voix grave et séduisante, mais ne se hasardant que rarement à parler français. Et cet air de famille qui vous rappelle de temps en temps qui vous savez, mais à propos duquel vous vous refusez (jusqu'en fin d'interview...) à l'importuner, car Kyle Eastwood s'est depuis longtemps fait un -très respectable- prénom...
Kyle Eastwood
 (Jean-Baptiste Millot)
- Culturebox : Vous avez enregistré votre dernier album avec un groupe entièrement composé de musiciens anglais (Andrew McCormack, Martyn Kaine, Quentin Collins et Graeme Blevins). Comment les avez-vous connus ?
- Kyle Eastwood : Je les ai rencontrés à Londres il y a six ou sept ans, j'ai vécu là-bas un peu plus d'une année. Je partageais mon temps entre Londres et Paris où ma fille était scolarisée. J'ai également enregistré l'album précédent, "Songs from the Château" (2011), avec eux. Quant au pianiste (Andrew McCormack, ndlr), il était déjà présent sur le disque d'avant ("Metropolitan", 2009). Avec les années, à force de jouer ensemble, nous avons développé un bon son et avons écrit ensemble certains morceaux des deux derniers disques. Quand j'étais plus jeune, j'avais plutôt tendance à composer seul et à apporter les morceaux au groupe. Aujourd'hui, j'aime bien cette dynamique collective qui consiste à commencer à écrire un morceau ensemble, apporter chacun des idées. Dès qu'Andrew, le pianiste, et moi-même nous réunissons, nous trouvons quelques idées. Parfois, c'est moi qui viens avec une idée au piano, puis les autres peuvent apporter de nouvelles choses ou des changements.

- Les titres de votre album "A View from here" évoquent des lieux très lointains, pour certains, comme "Luxor" (Louxor, en Egypte), "Une nuit au Sénégal", "From Rio to Havana"... Ces musiques traduisent-elles des souvenirs de voyage ?
- Pour être honnête, je ne suis pas allé à Rio, ni à Cuba... Pour ce morceau, j'ai ajouté une sorte de "vibe" brésilienne, qui se termine à la fin avec un genre de saveur cubaine. En fait, je pense que l'influence de La Havane provient essentiellement du Havana-Club (il éclate de rire) ! Lors de l'enregistrement du disque, à la fin de la journée, nous avions au studio une grande bouteille de ce breuvage... Concernant les autres destinations, en revanche, j'y suis bien allé !

- Certains morceaux font également des clins d'oeil à la France, comme "Mistral", ou encore le dernier titre du disque, "Route de la Buissonne". Qu'en est-il de "The Way home" ou "The View from here" ?
- "Route de la Buissonne", c'est en effet une allusion à la rue du studio où nous avons enregistré. "The Way home" est un morceau que j'ai écrit avec le saxophoniste (Graeme Blevins). J'aimais bien ce titre, alors qu'au début, je pensais appeler le morceau "A long way from home". "The view from here" fait simplement allusion à la vue que j'avais depuis le lieu où nous enregistrions.
- Quand on écoute le disque, on y entend toutes sortes de rythmes et d'influences (africains, sud-américains, orientaux...). Et pourtant, l'album dégage une unité, une homogénéité. Comment travaille-t-on pour arriver à ce résultat ?
- Ce n'est pas quelque chose que nous avons fait consciemment. Nous avons écrit tous les morceaux sur une courte période, en quelques semaines, peut-être un mois. Puis nous avons commencé à les répéter, les pratiquer, à faire pas mal de balances. Ils ont presque tous été écrits de manière collective, ce qui peut expliquer cette impression dont vous parlez.

- Qui est "M.E.", à qui le deuxième morceau du disque est dédié ?
- C'est ma mère, en fait (Maggie Johnson, ndlr).

- Vous avez grandi dans une famille de passionnés de jazz... Vous souvenez-vous de votre plus ancien souvenir lié à cette musique ?
- Je me souviens de cette musique que mes parents écoutaient, un disque de Duke Ellington avec Count Basie... C'est probablement mon tout premier souvenir musical. Je me rappelle aussi de Miles Davis... Et je me souviens que pour mon tout premier concert de jazz, je suis allé voir Count Basie, en 1976 ou 1977, au festival de jazz de Monterey. Avec mon père, nous avions assisté à une partie du show dans le public, puis nous nous étions rendus backstage pour la fin du spectacle. A l'époque, j'étais très intéressé par la batterie, alors je regardais le batteur... C'est peut-être à ce moment que j'ai ressenti l'envie d'apprendre un instrument. J'ai d'abord commencé par le piano. Mais je n'aime pas que le jazz. J'aime également le rhythm and blues, les disques de Motown et Stax (légendaires labels soul, ndlr), James Brown, des groupes de funk, les musiques d'Afrique du Nord, d'Inde... J'ai également passé du temps en Afrique du Sud pour y étudier les musiques locales, pour composer la bande originale du film "Invictus" (réalisé par son père Clint Eastwood en 2009, ndlr).

- Par la suite, avez-vous été marqué par d'autres musiciens, d'autres concerts ?
- A Monterey, j'ai vu beaucoup de concerts qui allaient rester des sources d'inspiration pour moi. Je me souviens de Stan Getz (saxophoniste américain, ndlr) sur scène avec Astrud Gilberto (chanteuse brésilienne). Malheureusement, beaucoup de musiciens que j'ai eu la chance de voir à ce festival ne sont plus là.
- Y a-t-il un musicien avec qui vous rêviez de jouer ou enregistrer un jour ?
- Bien sûr. Stevie Wonder, par exemple. Prince aussi !

- Qui programmeriez-vous dans un festival idéal, hors du temps ? Et côté contrebassistes ?
- John Coltrane, ainsi que Charlie Parker, tous ces artistes qui sont morts avant que je vienne au monde... (Kyle Eastwood est né en 1968, ndlr) Chez les contrebassistes, Paul Chambers, Ray Brown, Ron Carter, que j'ai beaucoup écoutés... Et chez les bassistes, Jaco Pastorius, bien sûr, Anthony Jackson, parmi d'autres.

- Vous êtes connu pour être francophile. Y a-t-il des musiciens français que vous admiriez particulièrement ?
- Il y a beaucoup de formidables musiciens de jazz à Paris, comme Manu Katché, Eric Legnini, j'adore jouer avec eux. Je pense que j'en aurai l'occasion cet été.

- Pouvez-vous nous expliquer ce lien si particulier qui vous unit à la France ?
- C'est une bonne question ! Je ne sais pas, je dirais juste que j'aime être ici, y passer du temps. La première fois que je suis venu en France, c'était dans les années 70 avec mes parents. Pour un simple voyage. J'ai commencé à venir ici assez souvent il y a environ vingt ans, quand j'ai commencé à y jouer. Je venais une ou deux fois par an. Je vivais alors à New York et je venais pour les festivals. Il y a de grands festivals de jazz en France. Aujourd'hui, je loue un petit appartement à Paris (il le dit en français). L'année dernière, celle de l'enregistrement du disque, j'ai dû passer sept ou huit mois en France, mais aussi dans le reste de l'Europe.

- Avez-vous un souvenir à nous faire partager de votre dernier séjour en France, un souvenir de studio par exemple ?
- (Il rit) Je me souviens juste que j'avais la sensation d'être en vacances ! Nous étions à Pernes-les-Fontaines, c'est à 30 minutes d'Avignon (il le dit en français). En septembre, c'est très agréable. Nous enregistrions et nous prenions nos repas dehors, relax... C'est bien ici... J'aime bien le rythme d'ici (en français), ça devrait être comme ça partout ailleurs (rires) ! Nous avons enregistré pendant quatre jours, puis le groupe est reparti et je suis resté quelques jours de plus pour le mixage. Je suis resté en tout un peu plus d'une semaine, c'était très sympa.

- Une toute dernière question  que je ne peux m'empêcher de vous poser... J'imagine qu'on vous parle toujours de votre père ? Est-ce que parfois, vous en avez assez ?
- Pas vraiment... A partir du moment où vous êtes apparenté à quelqu'un d'aussi célèbre, c'est toujours comme ça. Vous savez, je suis très fier de lui. Il a une carrière incroyable. Il vient me voir sur scène si je joue et que nous nous trouvons dans la même ville. C'est le cas, parfois, si je donne un concert en Californie. Il joue toujours du piano et nous jouons parfois ensemble, quand je lui rends visite à Carmel, en Californie, pour les vacances. En ce moment, il va bien mais il prend une longue pause, d'un an, par rapport à son travail. Mais je pense qu'il va bientôt revenir.

- J'avoue que j'étais très inquiète quand je l'ai vu parler à cette fameuse chaise vide, lors d'un meeting politique...
- (il éclate de rire) Non, je vous assure qu'il va bien ! Moi, j'ai trouvé que c'était plutôt drôle en fait !

(propos recueillis par A.Y.)
L'affiche du concert au Trianon du 23 avril 2013 (détail)
 (Jean-Baptiste Millot)
Kyle Eastwood en concert à Paris
Mardi 23 avril 2013, Le Trianon, 20H
(Une soirée Sunset hors les murs)
80, boulevard Rochechouart
75018 Paris
Tél : 01 44 92 78 00

Kyle Eastwood : basse, contrebasse
Andrew McCormack : piano
Graeme Blevins : saxophones
Quentin Collins : trompette
Martyn Kaine : batterie

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