L'accordéoniste Vincent Peirani sacré par l'Académie du jazz
Vincent Peirani, 34 ans, est le premier accordéoniste à recevoir ce trophée depuis Richard Galliano en 1992. Il restera l'un des artistes français les plus marquants de l'année 2013 grâce à son album "Thrill Box" (Act). Outre l'Académie du jazz, il a également été sacré musicien français de l'année par le mensuel "Jazz Magazine/Jazman".
Lauréat du Premier Prix d'orchestre du Concours national de jazz de la Défense en 2003, Vincent Peirani a collaboré à plus de trente disques dans des domaines variés. Avec Lionel Suarez, David Venitucci ou Didier Ithusarry, il donne un coup de jeune et de neuf à l'accordéon. Il collabore par ailleurs au groupe de la chanteuse Youn Sun Nah et au quintette de Daniel Humair, présent à la cérémonie.
Après la cérémonie, Vincent Peirani a confié que l'émotion l'avait cueilli en recevant son prix : "Je me suis laissé surprendre par la gorge nouée. Ça m'a fait bizarre. C'est important, quand même. C'est une sacré reconnaissance et c'est super pour l'accordéon. Je suis toujours en train de dire : 'l'accordéon, c'est bien !' Je reçois ce prix grâce à tous les gens que j'ai pu rencontrer, qui sont comme une famille : il y a eu Daniel (Humair), mon parrain, je pense aussi à Youn Sun Nah, ma grande-soeur, qui m'a aussi donné confiance, Émile Parisien, mon frère (lauréat du précédent prix Django Reinhardt, ndlr). Beaucoup d'expérience de partage, avec Michel Portal aussi. Je gravite autour d'eux, ils gravitent autour de moi, je pense vraiment à eux quand je reçois ce prix."
Vincent Peirani sortira le 11 mars un nouveau disque en duo avec son ami saxophoniste Émile Parisien, avec des hommages qui s'annoncent étonnants à Sidney Bechet (1897-1959), entre autres. Auparavant, le 24 janvier, il donnera un concert "Double Duo" avec Michel Portal et Bojan Z à la Dynamo de Pantin.
Une adaptation jazz de "Pierre et le Loup" récompensée
Autre trophée convoité de l'Académie, le Prix du Disque français de l'année est revenu au "Pierre et le Loup" de l'Amazing Keystone Jazz Big Band (chez Le Chant du Monde), une relecture jazz du célèbre conte musical de Prokofiev. Ce projet plein d'énergie et de charme a devancé des finalistes de haut nouveau, Ping Machine (et leur puissant live "Encore") et le projet "B2Bill" de Bex, Morelli et Ladd. Ping Machine était pourtant présent, en partie, parmi les lauréats. L'un de ses membres, le tromboniste Bastien Ballaz, n'est autre que le directeur artistique du projet "Pierre et le Loup" : "On est très heureux d'avoir reçu ce prix. Cette réadaptation représente un an et demi de travail, de la première note posée à la fin de l'enregistrement, et pas moins de quatre à cinq mois d'écriture. Ce projet marche bien, on se produit énormément. Le groupe englobe quatre tête pensantes, trois dédiées à l'artistique et logistique interne, et une quatrième personne, David Enhco, en charge de la promo. Si l'on comprend l'ingé-son et la récitante, l'équipe réunit jusqu'à 20, 21 personnes. Ce n'est pas rien. On se débrouille comme on peut pour monter une tournée qui avoisinne les 40, 50 dates."
Cécile McLorin Salvant et Eric Bibb, deux voix récompensées
Cécile McLorin Salvant, absente mardi soir, a chanté quelques notes par écran interposé pour remercier l'Académie du Jazz pour son Prix du Jazz vocal. Pour ce trophée, la chanteuse a notamment devancé Youn Sun Nah, l'une des finalistes de cette catégorie. Sa participation remarquée à l'album "Gouache" de Jacky Terrasson, puis la sortie de son album "Woman Child" (Mack Avenue/Universal) ont fait de cette jeune Franco-Américaine de 24 ans une voix incontournable de la scène jazz.
Autre belle voix, celle de l'Américain Eric Bibb qui a reçu le Prix Blues grâce à son disque "Jericho Road" (Dixiefrog / Harmonia Mundi). L'occasion pour lui de chanter deux morceaux, sa guitare en bandoulière, dont un hommage à Nelson Mandela. Pierre Richard et Jean Becker parmi les remettants
Mardi soir au grand foyer du Théâtre du Châtelet, on a pu noter la présence de nombreuses personnalités du jazz et d'ailleurs, dont le compositeur Vladimir Cosma, le cinéaste Jean Becker, l'acteur Pierre Richard et le dessinateur Cabu. Pierre Richard a réjoui l'audience en comptant ses tentatives malheureuses -antérieures à ses débuts au cinéma !- de se mettre à la trompette ou au piano. Dès qu'il soufflait dans sa trompette, son chien se mettait à hurler à la mort, s'est-il souvenu. "Vous pouvez remercier mon chien !", a lancé au public ce fou de jazz. Quant à Jean Becker, il a quelque peu stupéfié l'assistance en relatant une improbable (et inracontable) anecdote relative à Louis Armstrong...
Parmi les temps forts musicaux de la cérémonie, Vincent Peirani a donné une poignante version à l'accordéon du "Throw it away" d'Abbey Lincoln. Grand Prix de l'Académie du Jazz (meilleur disque de l'année) avec l'album "Duke at the Roadhouse" (Ipo), le clarinettiste américain Eddie Daniels, radieux, a offert à l'assistance une démonstration de virtuosité et de classe, avec le concours d'Alain Jean-Marie. Avec l'humilité et la délicatesse qui le caractérisent, Alain Jean-Marie, formidable pianiste, a participé à la plupart des moments musicaux de la soirée : en tandem avec le guitariste Christian Escoudé pour un hommage à Jim Hall, ou avec le contrebassiste Riccardo Del Fra, puis la chanteuse Rachel Gould, pour se souvenir du 25e anniversaire de la mort de Chet Baker (1929-1988).
À l'issue d'une cérémonie un petit peu longue, François Lacharme, facétieux président de l'Académie du Jazz, a conclu sa mission de Monsieur Loyal -ponctuée de quelques blagues de collégien- par sa traditionnelle devise : "Après le blabla, place au glouglou !" De quoi ranimer une assistance pressée de se désaltérer avec un fameux cru de Bordeaux qui a donné son nom à un festival de jazz. Une joie de courte durée, tout ce beau monde étant mis un peu vite à la porte du théâtre. Un membre de l'Académie conclut, mi-agacé, mi-hilare : "On est viré comme des malpropres sans avoir eu le temps de boire ! Beaucoup de blabla et pas beaucoup de glouglou !" À l'année prochaine...
Un jury éclectique de 55 votants
Fondée en 1954, présidée depuis 2005 par François Lacharme, l'Académie du Jazz comptait cette année cinquante-cinq votants, journalistes spécialisés, écrivains, musicologues, photographes, programmateurs, animateurs... dont deux femmes.
Le palmarès 2013
- Prix Django Reinhardt (musicien français de l'année) : Vincent Peirani (accordéon)
- Grand Prix de l'Académie du Jazz (meilleur disque de l'année): Eddie Daniels (clarinette) et Roger Kellaway (piano) pour "Duke at the Roadhouse" (Ipo)
- Prix du disque français (meilleur disque enregistré par un musicien ou groupe français) : Amazing Keystone Big Band pour "Pierre et le Loup" (Le Chant du Monde/Harmonia Mundi)
- Prix du jazz vocal : Cécile McLorin Salvant pour "Woman Child" (Mack Avenue/Universal)
- Prix du musicien européen (récompensé pour son oeuvre ou son actualité récente) : Tomasz Stanko (Pologne, trompette)
- Prix du jazz classique : Tuxedo Big Band pour "Lunceford Still Alive !" (Jazz aux Remparts)
- Prix soul : Charles Bradley (chant) pour "Victim of Love" (Daptone/Differ Ant)
- Prix blues : Eric Bibb (guitare/chant) pour "Jericho Road" (Dixiefrog/Harmonia Mundi)
- Prix de la meilleure réédition ou du meilleur inédit : "Classic Earl Hines Sessions 1928-1945" (Coffret 7CD Mosaïc)
- Prix du livre de jazz : Hampton Hawes avec Don Asher pour "Lâchez-Moi" (Note Editions)
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