Le Pass Culture entre dans sa phase d'expérimentation
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, ce pass doit permettre à terme, selon le ministre de la Culture Franck Riester, d'aider tous les jeunes à leur majorité à mettre "le pied à l'étrier pour démarrer leur chemin culturel autonome", au terme du parcours d'éducation culturelle à l'école. "On va les chercher là où ils sont, sur les supports numériques, les réseaux sociaux et on leur propose un contenu éditorialisé", explique-t-il à l'AFP.
Expérimentation dans 5 départements
Sur la base du volontariat, dans cinq départements (Bas-Rhin, Finistère, Héraut, Seine-Saint-Denis et Guyane), dix mille jeunes de 18 ans postulent depuis début février pour expérimenter cette application recensant des offres culturelles géolocalisées près de chez eux. Ils l'auront tous activée d'ici le 15 févier, pour un test sur plusieurs années.Sur l'application, les jeunes sont guidés via des onglets: "applaudir", "jouer", "pratiquer", "regarder", "écouter", "rencontrer". L'utilisateur, à partir d'une image, peut s'informer immédiatement de la localisation et du réel prix d'une activité, dont le montant, s'il la sélectionne, sera déduit en fonction de son crédit (500 euros au départ). Les offres numériques sont pour l'instant plafonnées à 200 euros, à l'instar des offres physiques comme les livres, oeuvres d'art, instruments de musique... Par contre, pour tout ce qui est spectacle vivant, cours de musique ou de dessin, il n'y a pas de plafond.
Bonus non négligeable : un bénéficiaire du Pass Culture allant à un spectacle pourra amener avec lui la personne de son choix (sans limite d'âge) et son entrée sera automatiquement prise en charge. Une incitation supplémentaire pour éviter que le jeune n'aille seul au spectacle ou y renonce.
Les acteurs culturels partie prenante
Afin de s'y insérer, les acteurs culturels continuent de négocier avec les équipes chargées de mettre en place ce Pass, dont l'actuelle version est loin d'être définitive. L'application va connaître mises à jour, étapes, modifications, évaluations qui décideront ou non de sa généralisation. Des centaines d'établissements et organisations (musées, théâtres, associations, médias...) sont parties prenantes. Des entreprises, notamment numériques, ont accepté, à l'issue d'une négociation avec l'Etat, de fournir gratuitement leurs offres, en espérant des retombées financières, une fidélisation et un rajeunissement de leur public.La plateforme de streaming Deezer assure ainsi ne recevoir "aucune rémunération dans cette phase de test". "L'intégralité de l'offre est financée par Deezer", indique à l'AFP une porte-parole de la plateforme. "Il n'est pas question d'avantage financier dans cette opération mais de participation à un projet de démocratisation de l'accès de tous les jeunes à la culture. Nous souhaitons que la conséquence vertueuse de cet objectif permette à Deezer de mieux faire connaître son offre", a-t-elle ajouté. "OK pour jouer au jeu de l'expérimentation mais il faudra vraiment faire un bilan sérieux dans quelques mois", a exhorté Matthieu Banvillet, directeur du théâtre de Brest, le Quartz. "L'idée de ce pass culture nous amènera à requestionner notre rapport à la jeunesse. Nous souhaitons avoir ces jeunes dans nos théâtres."
La deuxième phase sera cruciale
D'ici mai, le Pass Culture doit rentrer dans une deuxième phase d'expérimentation et être élargi à d'autres départements et surtout à des jeunes non-volontaires, dans l'idée de les ramener ou de les amener vers un parcours culturel. A terme, cette application pourrait même être proposée aux touristes, qui auraient ainsi toutes les offres culturelles à proximité, selon le ministère de la Culture.Point crucial : le financement du dispositif, qui reste très difficile à chiffrer, et qui reposera beaucoup sur la participation des entreprises. L'Etat compte sur le secteur privé pour accepter de faire des offres gratuites et de les maintenir. Pour la mise en route, une enveloppe de 39 millions d'euros est prévue dans la loi de finances 2019.
L'expérimentation en Alsace
A Sélestat (Bas-Rhin), l'un des cinq départements pilotes où va être testé le Pass Culture, Florian vient d'activer l'application sur son smartphone : "500 euros pour la culture, c'est clair, net, précis. Franchement, c'est pas mal". "Clairement, ça pourrait m'amener dans une salle" de spectacles, explique ce grand gaillard, photographe à la recherche d'un emploi et dont la principale activité culturelle consiste à aller "de temps en temps au cinéma".
Des conseillers sont là pour aider
Dans la première phase du test, 2.800 jeunes (sur les 12.000 au total dans 5 départements) ont été retenus dans le Bas-Rhin, selon Laurène Taravella, du ministère de la Culture, qui co animait aux Tanzmatten, la salle de spectacle de Sélestat, cet atelier, le premier dans le Bas-Rhin. D'autres sont prévus courant février et début mars. "On peut activer le Pass en ligne depuis chez soi" en scannant les documents demandés - pièce d'identité et justificatif de domicile - mais "nous sommes là pour aider et conseiller ceux qui le souhaitent", explique Laurène Taravella.
Vendredi après-midi, le 8 février, une douzaine de jeunes ont fait le déplacement pour valider leur Pass et glaner quelques renseignements sur le dispositif. Etudiante en sciences de la vie à Strasbourg, Gabrielle Kempf trouve l'idée "assez sympathique": "ça va nous permettre de nous ouvrir aux autres, de nous socialiser, de passer des moments hors de l'online", estime la jeune femme. Cette grande consommatrice de magazines et de films a déjà prévu son premier achat via le Pass : "Une place de musée !" Si les dossiers sont administrativement validés, l'application ne sera téléchargeable que dans quelques jours, phase de tests oblige. Vendredi 8, les jeunes ont pu toutefois se faire une première impression via une tablette mise à disposition lors de l'atelier.
"Une appli ergonomique"
"L'appli est pas mal ergonomique, c'est une version bêta mais c'est sur la bonne voie", résume, sa planche de skate sous le bras, Antoine Koenig, étudiant en informatique à Illkirch, près de Strasbourg. S'il se dit volontiers friand de "films et de musique en streaming", il se voit "bouger pourquoi pas dans d'autres activités comme l'opéra, le théâtre ou les cours de musique". Si ça "peut amener un autre public vers le spectacle vivant (...), alors c'est bien", estime Françoise Digel, directrice de la communication de L'Evasion, un établissement et service d'aide par le travail (Esat) de Sélestat, qui dispose de sa propre salle et propose ses programmations sur l'application Pass Culture. "Les jeunes ne viendraient pas forcément spontanément" au théâtre, abonde Alice Caspard, responsable de la billetterie aux Tanzmatten. Avec le Pass Culture, "on peut contribuer à former les spectateurs de demain", estime-t-elle.
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