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Le pianiste Yonathan Avishai dans une "Parade" musicale aux sources du jazz

Les amateurs de jazz l'ont repéré auprÚs du trompettiste Avishai Cohen ou d'Omer Avital. Le pianiste franco-israélien Yonathan Avishai s'est lancé dans son propre projet musical, le trio Modern Times. AprÚs un excellent premier album, le trio s'est mué en quintet pour porter un deuxiÚme opus réjouissant, "The Parade", suite de pérégrinations entre la Nouvelle-Orléans, l'Afrique et Cuba. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le pianiste Yonathan Avishai
 (Éric Garault)

Né le 29 mars 1977 à Tel-Aviv, de pÚre israélien et de mÚre française, Yonathan Avishai a étudié le piano trÚs tÎt et s'est lancé dans une carriÚre de jazzman professionnel dÚs ses 14 ans. En 2000, le musicien, par ailleurs passionné de pédagogie, est venu vivre en France, d'abord prÚs de Strasbourg, puis en Dordogne pendant presque onze ans, et enfin dans l'Yonne, depuis quatre ans.

Ces derniÚres années, on l'a vu évoluer dans différentes formations musicales auprÚs du trompettiste israélien Avishai Cohen - un camarade de collÚge, avec qui il a commencé à jouer en Israël dÚs l'ùge de 13 ans et avec qui il travaille toujours - ou encore au sein du groupe du contrebassiste Omer Avital. Sorti pendant l'hiver 2015, son premier disque en leader, "Modern Times", lui a valu l'été suivant une nomination aux Victoires du Jazz dans la catégorie Révélations. Aux antipodes de l'esbroufe et de l'ostentation, Yonathan Avishai met sa virtuosité au service d'un discours d'une grande délicatesse, à la recherche de la note juste, fût-elle enrobée de silence, ce qui lui donne encore plus de force.

Fresque musicale festive

Sorti le 18 novembre 2016 sur le label participatif Jazz&People de Vincent BessiĂšres, qui suit le trio depuis ses dĂ©buts, "The Parade" pousuit sur la lancĂ©e de "Modern Times". Le jeu subtil de Yonathan Avishai s'Ă©panouit dans une fresque musicale lumineuse, Ă©vocation des fĂȘtes populaires de la Nouvelle-OrlĂ©ans, de la CaraĂŻbe, de Cuba ou d'Afrique, au swing infaillible mais non dĂ©nuĂ©e d'instants de mĂ©lancolie. Le trio que le pianiste a formĂ© avec le batteur Donald Kontomanou et le contrebassiste Yoni Zelnik a invitĂ© deux nouveaux protagonistes, le percussionniste cubain Inor Sotolongo et le saxophoniste et clarinettiste CĂ©sar Poirier.

À la tĂȘte du quintet qui a enregistrĂ© le disque "The Parade", Yonathan Avishai se produit mercredi soir Ă  Paris, au Studio de l'Ermitage, en seconde partie d'une soirĂ©e Jazz&People Ă  laquelle participera aussi le saxophoniste Christophe Panzani, autre brillant artiste du label.


- Culturebox : Vous avez baptisé votre projet musical Modern Times, un titre qui fait penser au célÚbre film de Chaplin "Les Temps modernes". Que vouliez-vous exprimer ?
- Yonathan Avishai : Le terme "moderne" est souvent utilisĂ©. Parfois, il s'agit de donner une couleur... Pour ma part, je ne revendique rien du tout. Quant Ă  Charlie Chaplin, c'est quelqu'un que j'adore et qui est trĂšs important pour moi. J'adore son film "Modern Times". Il y a un cĂŽtĂ© un peu nostalgique dans ce nom... Il y a l'idĂ©e que chaque gĂ©nĂ©ration a sa notion de modernitĂ©. Au dĂ©but du siĂšcle, Louis Armstrong faisait de la musique trĂšs moderne. Par la suite, Charlie Parker a fait de mĂȘme. S'il y a un clin d'Ɠil, c'est par rapport Ă  cette notion, plutĂŽt qu'une revendication de faire une musique moderne ou une allusion Ă  Chaplin.

- Comment s'est formé votre trio ?
- Le trio est nĂ© dans la pĂ©riode oĂč je me rapprochais de Paris, aprĂšs de nombreuses annĂ©es passĂ©es loin et un peu isolĂ©, artistiquement, de la capitale et d'une certaine scĂšne française. MĂȘme si je vivais en France depuis plusieurs annĂ©es, je ne connaissais pas tellement de musiciens. J'avais entendu parler de Yoni (Zelnik, ndlr). Je l'ai rencontrĂ© un peu par hasard. C'est lui qui m'a permis de faire la connaissance d'un certain nombre de musiciens quand je me suis installĂ© en Bourgogne, donc un peu plus prĂšs de Paris que je ne l'avais Ă©tĂ© auparavant. On faisait alors pas mal de sessions avec diffĂ©rents musiciens. J'ai su assez rapidement que j'aimerais travailler avec Yoni. J'ai ensuite rencontrĂ© Donald (Kontomanou), ça s'est fait trĂšs naturellement. J'ai Ă©normĂ©ment d'estime pour ces musiciens, pour leur talent, leur engagement et leur disponibilitĂ©, exceptionnels Ă  mes yeux.

Nous avons eu la volontĂ© d'enregistrer les deux albums en acoustique, comme pour de la musique de chambre. On est assis les uns Ă  cĂŽtĂ© des autres, sans sĂ©paration ni casque, ce qui est plutĂŽt rare pour de la musique oĂč il y a de la batterie. C'Ă©tait un choix trĂšs important pour avoir une certaine qualitĂ© sonore, une certaine perspective, ce que j'appelle du relief. On a travaillĂ© avec un grand ingĂ©nieur du son, Philippe Teissier du Cros. C'est un grand Monsieur, je le considĂšre comme un membre du groupe pour ce qui concerne la rĂ©alisation. La prise de son sur les disques est remarquable.


- "The Parade", votre deuxiÚme album, célÚbre des musiques festives, de rue et de défilé, en écho aux traditions des Caraïbes, de la Nouvelle-Orléans. Quelle était votre idée de départ ?
- D'abord, qu'il s'agisse du premier ou du deuxiÚme album, je les ai pensés chacun comme une suite, comme un récit entier. Pour le premier album, j'ai composé quelques nouveaux morceaux et j'ai utilisé pas mal de musiques qui existaient déjà, j'ai façonné et organisé l'ensemble pour créer cette sorte de suite. Pour le deuxiÚme album, c'était différent. J'ai composé pratiquement toute la musique dans l'idée d'une suite, chaque morceau ayant sa place précise. J'ai trouvé un grand plaisir à organiser divers éléments d'une certaine maniÚre, de façon à raconter une histoire.

Le format du trio est exigeant tout en possĂ©dant un aspect confortable pour le pianiste. On a une grande libertĂ©. On peut Ă©normĂ©ment façonner la construction, l'orchestration. Pour le deuxiĂšme album, j'avais Ă  l'idĂ©e une forme de dĂ©fi : comment travailler cette mĂȘme sensibilitĂ©, ce mĂȘme jeu de groupe qu'on essaye de dĂ©velopper, cette fois avec un ensemble un peu plus important, accueillant des percussions, un saxophone et une clarinette. Quant au thĂšme de la parade, du dĂ©filĂ©, il est venu trĂšs naturellement en m'inspirant de la tradition du jazz, de l'histoire de cette musique de source africaine et autre. Pour moi, les percussions reprĂ©sentent une sorte de prolongation de la batterie, celle-ci Ă©tant elle-mĂȘme au dĂ©part un ensemble de percussions organisĂ©es. Mais on peut aussi les voir comme la source : les tambours sur lesquels on joue Ă  mains nues sont Ă  l'origine de la batterie... Le rapport aux traditions m'intĂ©resse beaucoup.

- "The Parade" comporte une seule reprise, un morceau de John Lewis, "Django". Pourquoi ce choix ?
- C'est un grand pianiste, un grand compositeur qui a aussi crĂ©Ă© le Modern Jazz Quartet. C'est un musicien important pour moi, qui me nourrit beaucoup. "Django" est une composition magnifique. Cette version est un double clin d'Ɠil car j'ai repris non seulement le thĂšme de "Django", mais je me suis aussi beaucoup inspirĂ© d'un arrangement qu'il en avait fait en piano solo et qu'il avait enregistrĂ© trĂšs tard dans sa vie.


- Avez-vous d'autres grandes sources d'inspiration parmi les musiciens de jazz ?
- Il n'y a pas une ou deux personnes qui m'accompagnent tout le temps... Je dirais que ça varie selon les périodes. Ces derniÚres années, il y a donc John Lewis. C'est une source d'inspiration forte, surtout par rapport à sa vision de la musique, à sa façon d'organiser le jeu en groupe. Il y a aussi les premiers grands pianistes de jazz, des gens comme Jelly Roll Morton, Earl Hines, Teddy Wilson, pour leur importance dans l'évolution de la musique, mais aussi au niveau du piano. Leur jeu m'inspire énormément.

- Comptez-vous enregistrer un nouveau volet de l'aventure Modern Times ?
- Je vais continuer d'Ă©voluer dans ce projet. C'est devenu un espace oĂč je me sens bien, Ă  la fois avec les musiciens et dans notre approche de la musique. C'est sous ce "toit" que j'ai envie de travailler. Pour moi, c'est comme un atelier...

Jonathan Avishai Modern Times "The Parade" en concert Ă  Paris
Mercredi 22 février 2017, Studio de l'Ermitage, 20H30
Une soirée sous l'égide du label Jazz&People
8, rue de l'Ermitage, Paris 20e
TĂ©l : 01 44 62 02 86
PremiĂšre partie : le saxophoniste Christophe Panzani, "Les Ăąmes perdues"

Le quintet qui a enregistré "The Parade" : de gauche à droite, Donald Kontomanou (batterie), César Poirier (saxophone alto, clarinette), Yonathan Avishai (piano), Inor Sotolongo (assis au 1er plan - percussions), Yoni Zelnik (contrebasse)
 (Éric Garault)

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