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Le trio Ponty-Lagrène-Eastwood à Vienne : une virtuosité aérienne

C'est un trio de virtuoses qui s'est produit ce dimanche à Jazz à Vienne : Jean Luc Ponty, Biréli Lagrène et Kyle Eastwood nous ont offert un spectacle à la fois technique et mélodique, complexe et accessible, intimiste et entraînant. Trois très grands du jazz actuel, si besoin était encore de le démontrer.
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le trio sur scène à Vienne, dimanche 9 juillet (Jean-François Convert)
Ce qui transpire dès les premières notes, c'est à la fois le plaisir de jouer ensemble, et la sensation d'un profond respect mutuel entre ces trois grands musiciens, par les regards notamment. des regards complices, sourieurs, mais aussi admiratifs. On est en présence de monstres de technique, mais qui n'en font jamais des tonnes. Chacun semble écouter les deux autres et prendre autant de plaisir que le public à savourer les solos de ses deux compères. Comme toujours dans les concerts de jazz, chaque solo est applaudi par le public, mais on sent que chacun aurait presque envie d'applaudir les deux autres s'il le pouvait.
Trois grands maitres du jazz
 (Pierre Corvaisier)
La technique est phénomènale, mais sans aucune lourdeur, toujours aérienne, légère.
Biréli Lagrène donne très souvent le rythme avec des riffs syncopés bien sentis, tandis que Kyle Eastwood occupe l'espace avec une contrebasse atypique, raccourcie sur le bas. "C'est pour le voyage" nous a-til confié, en français, avant le concert. Enfin Jean-Luc Ponty s'envole dans les limbes en tirant de son violon (4 ou 5 cordes c'est selon) des mélodies stratosphèriques.
Kyle Eastwood et sa contrebasse "de voyage"
 (Jean-François Convert)

Une setlist riche et variée

Le concert démarre avec une version virevoltante du "Blue train" de John Coltrane suivi de "To and Fro" de Jean-Luc Ponty. On enchaine avec le vibrant "Samba de Paris" de Kyle Eastwood : 

Puis l'émouvant "Childhood memories" de Jean-Luc Ponty, et "Stretch" de Biréli Lagrène, plus funky. La setlist mélange harmonieusement les reprises et les compositions originales des trois artistes.

Le public frappe des mains sur un rythme mélangeant orient et jazz, parfois légèrement dissonant, juste ce qu'il faut pour susciter le mystère et suggérer un ailleurs : "Andalucia" de Eastwood.

Jean-Luc Ponty et Kyle Eastwood
 (Jules Azelie)

Suit un morceau en solo de Lagrène : "Saint Jean", avec de légers effets guitare synthé. Cascades de notes mais toujours raffinées, sans emphase. Ici, on est très loin du shredding des métalleux, même si la vitesse d'exécution n'a rien à leur envier et est tout aussi impressionante. Le guitariste est applaudi par le public mais aussi par ses deux comparses venus le rejoindre sur scène pour une reprise du classique "Mercy mercy mercy" du Cannonball Adderley Quintet. Le public, définitivement conquis, accompagne le trio en cadence.

Bireli Lagrène, virtuose de la guitare
 (Pierre Corvaisier)

On revient dans une atmosphère plus initmiste avec "Desert crossing" de Ponty, commençant par des effets donnant l'impression qu'il est un orchestre de cordes à lui tout seul, avant qu'il ne se lance dans un enchaînement de virtuosités mêlant improvisations et citations musicales. Ovation du public. 

Jean-Luc Ponty et son violon magique
 (Jules Azelie)

Lagrène nous démontre ensuite que le slap peut aussi se pratiquer à la guitare sur l'intro de ce qui est déjà le dernier morceau : "One take". Heureusement le public rappelle le trio qui revient pour un dansant "Oleo" de Sonny Rollins. Puis c'est un deuxième rappel qu'obtient le public à force de persévérance : "Parisian thoroughfare" de Bud Powell, reconnu par le public dès les premières notes jouées par le violoniste .

Le seul reproche qu'on peut faire à ce concert, c'est qu'il a été trop court (1h15 environ) et qu'on aurait tellement aimé en entendre plus.
 

Une parenthèse dans la carrière de chacun

Le trio avant le concert
 (Jean-François Convert)
Comme l'explique Jean-Luc Ponty, "l'idée de ce projet est de se retrouver avec trois musiciens qui ont chacun créé leur propre son, qui ont une expérience musicale, une personnalité, et de voir ce qu'on peut faire ensemble, se stimuler et repousser nos limites". Bireli Lagrène confirme "c'est un peu un mélange de toutes les musiques qu'on aime jouer, on retrouve un ou deux standards et des choses un peu plus osées". Kyle Eastwood confie en français : "je suis très content d'être ici, entre eux deux".
Il a d'ailleurs enregistré son dernier album à Paris avec son quintet habituel, et la sortie est prévue à l'automne. Biréli Lagrène, quant à lui, prévoit de retourner en studio en décembre sans idée précise, en révant de se laisser surprendre. Enfin, quand on demande à Jean-Luc Ponty quel est son prochain projet, il répond, détendu, qu'après deux années intenses, il a prévu... de partir en vacances. Espérons qu'il reviendra vite pour nous illuminer de sa musique, entre grâce et virtuosité. Et comme il nous l'a dit avant de monter sur scène : "le talent, c'est l'intelligence musicale". Le concert de dimanche soir en a été la preuve vivante.

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