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Lee Konitz, légendaire saxophoniste de jazz, est mort à 92 ans, victime du coronavirus

Il a joué avec les plus grands de Miles Davis à Martial Solal en passant par Lennie Tristano, Stan Getz, Bill Evans ou Elvin Jones, et il a influencé des générations de musiciens de jazz. Atteint par le covid-19, Lee Konitz est mort d'une pneumonie à 92 ans.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Lee Konitz en concert le 31 mars 2007 à Cape Town, en Afrique du Sud (NIC BOTHMA / EPA / MaxPPP)

Déjà durement touché par le covid-19, le monde du jazz vient de perdre un saxophoniste américain de légende, Lee Konitz, victime d'une pneumonie consécutive au coronavirus. Le légendaire musicien s'est éteint mercredi 15 avril dans un hôpital de Greenwich Village, un quartier de New York.

Au saxophone alto, Lee Konitz a pris part à des enregistrements historiques et iconiques du jazz, à commencer par le mythique Birth of the Cool de Miles Davis (enregistré en 1949 et 1950, sorti en 1957), mais aussi Miles Ahead (1957). Reconnaissable par un son pur et aérien, improvisateur hors du commun, il a su très tôt se démarquer de l'influence colossale de Charlie Parker, inspirant au fil des ans des générations de musiciens. Au cours d'une carrière longue de 75 ans, il a abordé différents styles, du bebop à un jazz plus expérimental, sans oublier le cool jazz dont il est devenu une grande figure.

Des collaborations légendaires

Né le 13 octobre 1927 à Chicago, Lee Konitz étudie la clarinette à partir de l'âge de 11 ans, avant de se tourner vers le saxophone. Il fait ses premiers pas professionnels vers l'âge de 17 ans. C'est le début d'une carrière aussi longue que foisonnante et d'une série de rencontres et de collaborations qui marqueront l'histoire du jazz. À ses débuts, il intègre un big band avant d'être engagé par le pianiste Lennie Tristano (il jouera dans trois de ses disques). Il participe à ses premières sessions d'enregistrement à partir de 1947 avec Miles Davis et Tristano, avant de prendre part à l'enregistrement collectif, en trois phases entre 1949 et 1950, de Birth of the Cool du trompettiste, qui a formé pour l'occasion des nonets.

Au cours de sa carrière, Lee Konitz travaille avec les saxophonistes Warne Marsh, Stan Getz, Gerry Mulligan et Ornette Coleman, le trompettiste Dizzy Gillespie, le contrebassiste Charles Mingus... Il participe à sept albums du pianiste et arrangeur Stan Kenton, enregistre de nombreux albums en duo, une formule qu'il apprécie, notamment avec les pianistes Chick Corea en 1981, Martial Solal avec lequel il a noué une amitié au long cours, ou encore Michel Petrucciani en 1982 dans l'album Toot Sweet.


S'il compose, Lee Konitz semble prendre davantage de passion à recréer avec grâce et une intense créativité les grands standards, toujours très bien entouré, comme avec le pianiste Bill Evans au Danemark en 1965... "Je suis toujours étonné par le miracle de l'improvisation", déclarait-il en 2000, cité par The Guardian.

Parmi ses autres partenariats marquants, on peut également citer le pianiste Brad Mehldau et le contrebassiste Charlie Haden avec lesquels Konitz réalise les albums Alone Together (1996) et Another Shade of Blue (1997). Avec le batteur Paul Motian et le bassiste Steve Swallow, il enregistre Three Guys en 1999...

Toujours avec Paul Motian, ainsi que Brad Mehldau et le contrebassiste Charlie Haden, Lee Konitz enregistre un Live at Birdland à New York fin 2009, qui sortira en 2011.

Il était toujours en activité

Malgré des ennuis de santé, il n'a jamais rangé son saxophone. Toujours actif ces dernières années, on l'a vu dialoguer en musique et improviser avec le brillant pianiste Dan Tepfer, de 55 ans son cadet, et avec lequel il a sorti deux albums en duo en 2009 et 2018. Il avait par ailleurs lancé un album sur le label Impulse! en 2017, Frescalalto, à la tête d'un quartette incluant entre autres le pianiste Kenny Barron.

Si Lee Konitz s'était lié d'amitié avec le saxophoniste Charlie Parker, l'une des figures tutélaires du bebop, il a su se forger une identité et un style personnel qui ont inspiré d'innombrables musiciens jusqu'à nos jours, des musiciens dont beaucoup se sentent un peu orphelins aujourd'hui.

Le monde du jazz paie un lourd tribut au coronavirus. Avant Lee Konitz, d'autres musiciens ont été emportés, dont le saxophoniste Manu Dibango, le trompettiste Wallace Roney, le pianiste Ellis Marsalis, le guitariste Bucky Pizzarelli... Et le club parisien Baiser Salé a été endeuillé par la disparition de son gérant, le batteur Patrick Francfort.

Hommages

La Philharmonie de Paris a mis en ligne, jusqu'au 20 avril, le concert (audio) donné par Lee Konitz et Martial Solal en mars 2003.


Sur France Musique, Alex Dutilh a rendu hommage à Lee Konitz jeudi à 18 heures dans l'émission Open Jazz. Le producteur a salué sa mémoire sur Facebook : "L'imprévisible en philosophie musicale, l'humour en philosophie de vie, la fraicheur en discipline permanente. Sa musique s'écoutait avec le sourire aux oreilles."



Le saxophoniste Charles Lloyd a rendu un émouvant hommage, jeudi sur Twitter, à Lee Konitz, "une voix singulière. Une âme singulière. Je l'aimais depuis mon adolescence à Memphis. Toujours une joie quand on se retrouvait. Son élan, son génie inventif (...) faisaient partie de sa signature unique dans le son et dans la vie."


Le contrebassiste Christian McBride lui a rendu hommage sur Twitter.


L'équipe qui alimente le compte Twitter de Louis Armstrong a posté une photo du saxophoniste venu se recueillir sur la tombe de l'illustre trompettiste.


Le saxophoniste Jean-Philippe Scali lui a rendu un hommage plein de gratitude sur Facebook.



La page Facebook de Jazz in Marciac a rendu hommage au "plus discret des géants du saxophone".


La radio TSF Jazz a salué jeudi matin "une voix à part, unique et ô combien précieuse du jazz".



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