Manu Dibango anime un "Safari Symphonique" pour fêter ses 60 ans de carrière
Le célèbre saxophoniste présente ce vendredi soir à Saint-Riquier un nouveau spectacle mêlant jazz et musique classique.
La soirée s'annonce effervescente. Pour célébrer soixante années de carrière, Manu Dibango, 85 ans, colosse au dynamisme inoxydable et à la bonhomie inaltérable, a imaginé un voyage musical dans le temps et l'espace, abattant toute frontière et réunissant sur scène son groupe, le Soul Makossa Gang, et une phalange symphonique parisienne, l'Orchestre Lamoureux.
Au menu de cette rencontre initiée par Manu Dibango : un voyage entre l'Afrique et l'Europe, les rythmes de son Cameroun natal et ceux du jazz qui en sont les descendants, une odyssée entre les sons de la forêt équatoriale, du désert, et la musique européenne. Pour Emmanuel "Manu" Dibango, installé en France depuis 1949, cette nouvelle expérience est un jalon de plus dans une carrière internationale foisonnante, consacrée en grande partie à abattre les murs entre les genres musicaux.
Pour le natif de Douala, au Cameroun, artiste multi-instrumentiste, jouer avec un orchestre symphonique n'est pas une nouveauté. Il a déjà eu l'occasion de le faire aux Pays-bas, en Italie, ainsi qu'à Rio avec l'Orchestre symphonique du Brésil pendant les Jeux Olympiques de 2016, mais aussi avec l'Orchestre de Paris lors d'un événement ponctuel avec la mairie de la capitale.
Le "Papy Groove" - c'est l'un de ses surnoms - a entamé le 18 mai au Togo une tournée entre Afrique et Europe. Mais c'est donc dans la Somme, au Festival de Saint-Riquier (à guichets fermés), que Manu Dibango va étrenner sur scène ce vendredi soir, 5 juillet, son partenariat avec l'Orchestre Lamoureux, avant Jazz à Vienne une semaine plus tard et Paris en octobre.
Extraits d'une participation de Manu Dibango à un concert avec l'Orchestre symphonique du Brésil en 2016
- Franceinfo Culture : Comment le projet de Safari Symphonique s’est-il monté avec l’orchestre Lamoureux ?
- Manu Dibango : Ce genre de collaboration ayant déjà été mené dans d'autres pays, j'ai émis l'idée d'organiser quelque chose en France. Mon souhait serait que ce type de rencontre, d'expérience, se développe. C’est enrichissant pour tout le monde, surtout pour les jeunes qui s’intéressent à la musique. On peut collaborer, faire des choses ensemble plutôt que rester chacun dans son coin.
- Il y aura combien de personnes sur scène à Saint-Riquier ?
- Il y aura des musiciens d'un orchestre symphonique plus mon orchestre, je pense que l’addition des deux fera une quarantaine de personnes. L’Orchestre Lamoureux se présente dans une structure réduite à Saint-Riquier. Pour Jazz à Vienne, on aura la grosse machine ! Quelque soit l'effectif, le principe est le même : des cordes, tout un ensemble symphonique qui va dialoguer avec nous, avec nos rythmiques. L’essentiel, c’est le rythme qu’on va impulser et le rythme qui sortira de cette rencontre.
- Au fil de vos précédentes collaborations avec des orchestres symphoniques, qu’avez-vous retiré comme enseignement, vous et les membres de votre groupe ?
- Déjà, une curiosité mutuelle. La curiosité, parce que ça n'arrive pas souvent. Tout est fait pour que ça ne se fasse pas, pour que chacun reste dans son milieu… On ne développe pas ce type de rencontre. Au début, quand vous arrivez aux répétitions, on vous dit : "Est-ce que vous avez des partitions ?" Il y a toujours une méfiance naturelle. Quand ils voient les partitions, ils constatent alors que tout est fait, que les choses se passent normalement… Ce n’est pas toujours évident d’être normal… [ndlr : il éclate de rire] Ce genre d’expérience sert aussi à faire bouger les mentalités, car rien n’est plus ennuyeux que d’être dans la certitude. Je ne sais même pas si Dieu a la certitude.
- Tous les musiciens classiques n'aiment pas forcément improviser... Outre les parties écrites du Safari Symphonique, il y a certainement de l'espace pour l’improvisation dans vos arrangements... Comment a-t-il été réparti ?
- Il y a des plages dans des morceaux où il y a de bons improvisateurs, du côté des musiciens classiques. Vous savez, les compositeurs eux-mêmes étaient de bons improvisateurs, comme Bach, Mozart, Chopin...
Je rends des hommages à trois de mes héros
Manu Dibango
- Une œuvre classique a-t-elle été glissée dans le répertoire du programme, comme l’indique le dossier de presse ?
- Je peux juste vous dire que je rends des hommages à trois de mes héros. On a écrit des trucs à notre manière sur des morceaux de Count Basie, Duke Ellington et Lionel Hampton. Cela figure dans le répertoire commun aux deux orchestres, et c’est précisément l’intérêt. Avec mon orchestre on joue parfois des trucs de jazz, mais je fais des mélanges… Si on est riche en Afrique, c’est rythmiquement parlant. On a beaucoup de rythmes. On ne les met pas toujours en avant. Les Américains ont dû résumer tous les rythmes sur une batterie, il y avait une nécessité à le faire. Nous, on est encore dans la luxuriance du tambour. Et il n’est pas le même selon que vous vous trouviez au Gabon, au Sénégal, au Nigeria... On a cette richesse et à partir de là, on a des morceaux qu’on peut écrire en incluant deux ou trois rythmes différents, tandis que le "chabada" [ndlr : figure rythmique à la batterie], il est bien, mais il est unique...
- Peut-on s'attendre à des invités spéciaux sur scène ? Des surprises ?
- Il y aura peut-être une ou deux surprises... Je n’en dirai pas plus.
- Qu’avez-vous envie de dire aux gens pour les inciter à venir découvrir ce type de rencontre musicale ?
- S’ils sont curieux, s’ils aiment les rencontres, qu’ils viennent voir, qu’ils participent avec nous. C’est une expérience. Pour nous, quelque part, c’est quelque chose de logique, mais pour eux, ça ne s’est jamais fait et il n’est jamais trop tard pour voyager différemment. En route, vous allez rencontrer du piment, du gombo… Ça n’empêche pas que vous aurez aussi le sel et le poivre ! C'est ce voyage afro-européen qui me tient à coeur.
Manu Dibango en concert, version "Safari Symphonique"
Vendredi 5 juillet 2019, création au festival de Saint-Riquier, Abbatiale, 20H30
Vendredi 12 juillet, Jazz à Vienne, Théâtre Antique, 20H30 (avec la chanteuse Flavia Coelho et la bassiste Manou Gallo en invitées)
Jeudi 17 octobre, Paris, Grand Rex, 20H
> Son agenda-concert sur son site
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.