Michel Portal chasse ses doutes sur la scène d'Europa Jazz
Le quintet formé pour la création de vendredi soir, succédant en deuxième partie de soirée au trio de Roberto Negro, comprend des musiciens habitués à jouer aux côtés de Michel Portal comme le pianiste franco-serbe Bojan Z et le contrebassiste Bruno Chevillon. Mais c’est à un jeune batteur belge, Lander Gyselinck, que l’on doit la genèse du projet. Michel Portal avait repéré cet artiste de 29 ans – qui en fait facilement dix de moins – lors de ses pérégrinations musicales. Depuis, il souhaitait travailler avec lui et son vœu s’est concrétisé à Europa Jazz. Le groupe a été complété par le tromboniste allemand Nils Wogram, 44 ans, qui, lui, connaît bien Bojan Z.
Vendredi après-midi, à quelques heures du concert, Michel Portal est inquiet. Le quintette n’a répété que trois heures la veille, c’est fragile pour un groupe qui découvre un répertoire en grande partie inconnu. Le clarinettiste est stressé lors des balances [ndlr : tests et équilibrage des micros], ultime occasion de répéter avant le concert. Pourtant, le musicien est friand de ces rencontres avec des artistes de contrées et d’univers parfois très éloignés. Mais si elles sont très enrichissantes, elles poussent inévitablement à se mettre en danger.
Michel Portal pense-t-il à ce paradoxe quand, quelques secondes avant le coup d’envoi, il esquisse sur scène une moue dubitative ? Soudain, il balaye ce doute en arborant un sourire de gamin, et, semblant rire de lui-même, il se saisit du bec d’un des saxophones posés sur une table près de lui et le porte à son oreille comme s’il s’agissait d’un coquillage !
Le groupe entame le concert par un morceau au groove prometteur et d’emblée, Lander Gyselinck capte l’attention. Le jeune batteur, très concentré, gestes félins et élégants, propose une palette de sons subtile, riche de nuances et de couleurs. Le quintet enchaîne avec un thème splendide de Bojan Z, "Full Half Moon". Michel Portal expose le thème en solo, yeux fermés, tandis que le pianiste, au Rhodes et au piano, l’agrémente d’effets électro et de percussions en tapant sur le bois du piano.
Le goût du risque, plus fort que les doutes
Plus tard, Michel Portal, semblant oublier ses inquiétudes, s’agite et s’enflamme à l’écoute d’une improvisation du tromboniste Nils Wogram. Ainsi se poursuit le concert. Michel Portal, qui a fêté ses 81 ans fin novembre, en vit pleinement chaque instant. Il vit comme il joue, il joue comme il vit, et bien des sentiments transparaissent sur son visage : joie, malice, insatisfaction s’il n’est pas content de lui-même, humour au moment de présenter les titres de morceaux comme "Cuba si, Cuba no" : "Je ne suis jamais allé à Cuba, mais je pensais y aller… Ce n’est pas très original comme titre, ça ne plaît à personne !" Bien sûr, tout n'est pas parfait. Certains passages très rapides joués à l’unisson de deux ou trois instruments trahissent le manque de répétitions d’un groupe dispersé sur trois pays. Parfois, Nils Wogram a l’air inquiet, tandis que Bojan Z et Bruno Chevillon, en vieux routiers, sont impériaux. Le public applaudit très chaleureusement la performance.Alors en rappel, Michel Portal se decide à lancer “un thème que l’on a à peine regardé”... Le gout – et le plaisir – du risque, plus fort que les doutes.
Set-list du concert (non exhaustive)
"No Hay" (Portal)
"Full Half Moon" (Bojan Z)
"Split the Difference" (Nils Wogram)
"African Wind" (Portal)
"Mino Miro" (Portal)
"Cuba si, Cuba no" (Portal)
"Jazzoulie" (Portal)
> Michel Portal et Bojan Z bientôt en interview sur Culturebox et Oléo Films
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