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On y était : Michel Legrand rejoue Les Demoiselles de Rochefort au Grand Rex

A l'occasion des 50 ans de la comédie musicale "Les Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy, Michel Legrand rejouait samedi et dimanche au Grand Rex à Paris les musiques éternelles composées par ses soins pour ce film en 1966. Nous assistions samedi à la première de ces deux soirées, qui comprenait la projection du film et quelques surprises. Souvenirs émus.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Michel Legrand en 1970, trois ans après la sortie des Demoiselles de Rochefort (1967).
 (Michael Ochs Archives / Getty Images)

Une soirée bien rythmée

Entamée par un long extrait en noir et blanc montrant Michel Legrand et Jacques Demy en pleine composition du thème des forains, la soirée a été bien rythmée. Dans ces images filmées en 1966 explosaient d'emblée toute la fantaisie créatrice du compositeur et la vitalité du couple enchanteur de cinéma qu'il formait avec le cinéaste, ce "frère de coeur" qui lui avait commandé une bande originale pleine d'allégresse.

Puis Michel Legrand, 50 ans plus tard, s'installe derrière son piano à queue, accompagné par son Big Band de 16 musiciens. "Nous sommes deux soeurs jumelles" résonne alors, dans une version très jazz où les 13 cuivres prennent le pouvoir. A 85 ans, Michel Legrand, tout de noir vêtu, a perdu sa vigueur et sa silhouette d'antan. Mais mettez-le au piano et le jeune homme reprend ses droits, ses mains véloces courant comme des oiseaux gracieux sur les touches.

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En de trop rares moments, comme pour "La chanson de Maxence", les cuivres se taisent et il se retrouve seul au piano, simplement accompagné d'un contrebassiste expressif : la magie est alors complète. Non pas que le Big Band nous déçoive, il joue parfaitement son rôle, y compris dans les clins d'oeil à la bossa nova et à la samba, mais on aurait rêvé quelque chose de plus subtil et de plus intime pour ces merveilleux morceaux toujours prêts à vous chavirer le coeur.

Pour clôre son set, Michel Legrand a réservé une surprise au public. Il invite sur scène Mélody Gardot et Lambert Wilson pour une interprétation en duo de "La chanson de Maxence" dans une version très swing. Il repart en trottinant doucement, main dans la main avec Mélody, sous une fiévreuse ovation. 

Michel Legrand en répétition avant le Grand Rex.
Reportage France 3 par M. Viard / P. Conte / L. Harper et M. Duquesne


Michel Legrand : "Jacques Demy ça a été un grand bonheur"

Passé l'entracte et une petite séance de signatures, Michel Legrand revient parler du "making off" des Demoiselles. "Je ne vis que pour les émotions, pour le bonheur", avoue-t-il. "Jacques Demy ça a été un grand bonheur. C'était un garçon très calme, très posé, et moi j'étais un type très exubérant. Le clown des deux, c'était moi."

Sur l'ambiance de camaraderie et d'euphorie du tournage, il dit :"C'étaient des moments heureux. On sautait, on dansait, on hurlait, on faisait les imbéciles. Parce qu'au fond qu'est ce qu'on fait dans la vie ? On joue. Et nous on s'amusait à faire du cinéma, parce qu'on ne sert à rien d'autre. "

Nouveau cadeau inattendu lorsque nous sont livrées les esquisses et premières propositions du thème musical des Demoiselles faites par Michel Legrand à Jacques Demy. Des versions amusantes, qui rappellent ici Ella Fitzgerald ou bien Nougaro. Dans le public, on est aux anges, et on rit de bon coeur. Quelle vitalité, quelle fantaisie ! 

Aujourd'hui, il n'a rien perdu de son humour. Et de son amour du bon mot. Ainsi, à la question de savoir à quel moment il a réalisé que ce film était en train de devenir un classique, il répond : "Je ne sais pas. Le passé ne me fait aucun effet. (...) Je n'ai jamais senti que ça deviendrait quelque chose. Simplement le film était fait, il était posthume. J'ai mis mon plus beau posthume pour vous en parler."

Une projection jubilatoire

Puis vient la projection des Demoiselles de Rochefort en version restaurée, sur écran géant. On y redécouvre des détails oubliés ou jamais remarqués dans le décor, dans les expressions des acteurs ou dans le travail des danseurs. On en apprécie aussi plus que jamais la modernité du sous-texte.

C'est un fait, tous les admirateurs de ce film ont un rapport intime puissant avec cette oeuvre. Surtout ceux qui l'ont connue jeune. Ce "juste dosage entre l'euphorie et la douleur", comme le résume bien le réalisateur de "La La Land" Damien Chazelle, a fait de nous d'incorrigibles romantiques dont la flamme résiste vaillamment aux déconvenues sentimentales comme aux vagues de cynisme.

Ce soir, ici réunis, 2.800 d'entre-nous avons l'occasion de partager ce point commun. Ainsi, nous jubilons dans nos fauteuils et applaudissons passionnément sans se concerter chaque moment clé du film, et en particulier l'avancée de l'histoire d'amour entre Gene Kelly et Françoise Dorléac. Puis deux mille huit cents coeurs d'artichauds, restés sourds pour quatre heures aux remugles du monde, sont rentrés par les rues en fredonnant et en dansant, sous l'influence des dieux Demy et Legrand.

Jacques Demy et Michel Legrand reçoivent la Palme d'or à Cannes en 1964 pour "Les parapluies de Cherbourg".
 (Keystone France / Getty Images)

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