Paris Jazz Festival 2018 : un final en apothéose avec Émile Parisien et son All Star de rêve
Pour clôturer en beauté l'édition 2018 du Paris Jazz Festival et l'ultime mandature de Pierrette Devineau et Sebastian Danchin, le saxophoniste Émile Parisien, dont la première participation au festival remonte à 2009, a été invité à concocter une Carte blanche. Il s'est entouré d'une brochette d'artistes qui ont compté dans sa carrière. Une affiche prestigieuse et intergénérationnelle : Michel Portal (clarinette basse), François Jeanneau, Thomas de Pourquery, Géraldine Laurent (saxophones), Daniel Humair, Mario Costa (batterie), Bruno Chevillon, Simon Tailleu (contrebasse), Vincent Peirani (accordéon), Roberto Negro, Julien Touéry, Bojan Z (piano et Rhodes), Fabrice Martinez (trompette, bugle), Manu Codjia (guitare) et, un peu plus tard, Leïla Martial (voix), très probable benjamine du groupe.
Dans un espace Delta plein à craquer, le concert démarre en douceur avec la majorité des invités de la Carte blanche. Un solo du guitariste Manu Codjia donne le ton sur des grincements de cymbales, laissant bientôt la place à une série de solos d'humeur free jazz signés Michel Portal, Géraldine Laurent, puis Émile Parisien et deux pianistes, Julien Touéry et Roberto Negro, radieux... C'est ainsi que se déroulera le concert : beaucoup de thèmes joués à l'unisson de plusieurs instruments, ponctués de solos connectés à de lointaines constellations.
"Transmitting", très belle composition du pianiste allemand Joachim Kühn, qui a beaucoup travaillé avec Émile Parisien, en est un autre bel exemple : intro mystérieuse du bassiste Bruno Chevillon, entrée en scène de l'éminent François Jeanneau au saxophone soprano, puis, après l'exposition du thème principal, enchaînement de solos dont ceux de Bojan Z aux claviers et Fabrice Martinez à la trompette... voilà qui en dit long sur la richesse exceptionnelle de ce concert foisonnant.
Un duo avec Vincent Peirani... et la voix de Leïla Martial
Émile Parisien s'offre ensuite un moment en duo avec son grand ami Vincent Peirani. Ils reprennent "Temptation Rag", l'un des morceaux de leur album commun "Belle Époque" (2014). Resté au fond de la scène, Michel Portal les écoute attentivement, le regard perdu vers l'horizon. Tous les autres musiciens se sont éclipsés le temps de ce duo flamboyant qui s'achève sous les ovations après plusieurs faux finals orchestrés par Vincent Peirani, le blagueur virtuose.Dès le morceau suivant, "Balladibiza" (composition d'Émile Parisien), la chanteuse Leïla Martial entre en scène. Non pas pour poser quelques paroles sur une musique jusque-là instrumentale, mais pour faire de sa voix un instrument comme un autre, chantant à l'unisson avec les soufflants - entre autres - ou se lançant dans des improvisations audacieuses ponctuées d'aigus vertigineux, de percussions vocales, avec renforts de discrets effets électro. Après des solos de Thomas de Pourquery et Manu Codjia, Roberto Negro s'abandonne à un moment d'introspection entre écriture classique, furtifs clins d'œil orientaux et humeurs rappelant un Thom Yorke en version acoustique. Au bout de deux heures de concert, après une longue ovation, puis un rappel avec l'ensemble du All Star, le show s'achève dans une standing ovation euphorique.
Alors qu'on ignore qui reprendra le flambeau, on espère bien retrouver le Paris Jazz Festival l'année prochaine...
La "morosité" de Sebastian Danchin
Juste avant le concert, Sebastian Danchin s'est exprimé pour la dernière fois, face au public, en tant que directeur artistique du Paris Jazz Festival. De mémoire d'habitué du Parc Floral, on n'avait peut-être jamais entendu un discours aussi long. D'habitude, il surgissait sur scène à l'heure précise du concert - 16h ce dimanche - pour présenter en quelques mots les artistes qui allaient se produire. Cette fois, il en avait gros sur le cœur. Pendant dix minutes, il a agité le chaud et le froid sur la scène de l'espace Delta du Parc Floral de Paris.
D'abord, à l'heure où s'achèvent dix années de codirection du célèbre festival parisien de jazz, il a exprimé en guise de bilan son sentiment du devoir accompli : "Je voulais que le public du festival ne soit pas seulement celui des aficionados. Je voulais un public rajeuni. Et je voulais que ce lieu devienne la vitrine du jazz français. Ce festival nous a fait beaucoup voyager [ndlr : avec des week-ends consacrés à de nombreux pays et continents, d'Israël à Cuba, de l'Arménie à l'Afrique...] et nous avons montré que le jazz français était capable de dialogue."
Après le temps du satisfecit, est venu celui de "la morosité". Euphémisme. Rappelons que l'édition 2018 a dû diminuer sa durée de manière conséquente et supprimer ses nocturnes. "En dix ans, on a réduit nos subventions de 70%. On a perdu 55% de budget depuis un an, soit quatre week-ends en moins", a déploré Sebastian Danchin. Les équipes municipales successives à la mairie de Paris en ont pris pour leur grade, avec une attention toute particulière à celle actuellement en place. "On a cherché à rencontrer Anne Hidalgo [maire PS de Paris, ndlr] : on n'a jamais eu de réponse. On s'est tourné vers Bruno Julliard [1er adjoint d'Anne Hidalgo en charge de la Culture] : il n'avait pas le temps de nous recevoir. En vingt ans, on n'a pas vu un maire ou un adoint à la Culture au festival", a asséné notamment Sebastian Danchin, le public réagissant par des sifflets à ces témoignages de l'indifférence des édiles parisiens.
Tentant de résumer les raisons des réductions de budget qui lui avaient été invoquées, Sebastian Danchin a conclu : "On nous a dit que notre public n'était +pas assez parisien+... On a reproché au jazz d'être un peu +élitiste+... Mais vous êtes l'élite car vous savez que le jazz est une musique populaire", a-t-il lancé au public de l'espace Delta avant de céder la place à Émile Parisien et ses quinze invités...
La set-list du concert
PréambuleMissing a Page
Transmitting
Temptation Rag
Balladibiza
Arfia
Le clown tueur de la fête foraine
B&H
IRA
Cuba si Cuba no
Bunauara
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