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Pourquoi le pianiste Ahmad Jamal mort le 16 avril est une légende du jazz

L'immense figure du jazz, Ahmad Jamal, s'est éteint à l'âge de 92 ans. Véritable légende, il a inspiré de nombreux musiciens grâce à son style, son talent et sa longévité.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
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Le pianiste Ahmad Jamal à l'Olympia, en juillet 2011. (SADAKA EDMOND/SIPA / SIPA)

Ahmad Jamal, disparu le 16 avril, était une grande étoile du jazz mondial. La légende du célèbre pianiste, compositeur et chef d’orchestre américain a commencé en 1958 grâce au très grand succès  de sa version du titre Poinciana. Autre album culte, Awakening, sorti en 1970, fait partie de la culture musicale universelle. Très vite, Ahmad Jamal s'est imposé comme source d'inspiration pour beaucoup d'artistes... A commencer par les grands du jazz, comme Miles Davis, jusqu'à la scène hip-hop d'aujourd'hui : un grand nombre de ses morceaux ont été repris par des rappeurs tels que Nas, Common, Jeru The Damaja ou encore Kanye West. Quelque soit le secteur musical, Ahmad Jamal  laisse derrière lui un immense héritage pour les nouvelles générations. 

Un artiste à contre-courant

Né Frederick Russell Jones à Pittsburgh, en Pennsylvanie, il grandit dans une famille afro-américaine très modeste. En 1950, il se convertit à l'islam et change de nom. En plein mouvement pour les droits civiques, et alors que de nombreux jazzmen prennent publiquement position, Ahmad Jamal ne se place sous aucune bannière et reste à l'écart du "Black Power".

Dans les années 1950, pendant que les musiciens de be-pop pratiquaient une véritable surenchère en termes de vitesse de jeu, Ahmad Jamal lui affirmait un toucher cristallin et un véritable éloge du silence. Puis, dans les années 1960, alors que le jazz expérimente l'abstraction au travers de la vague free, le musicien américain reprend les tubes de Stevie Wonder. Il se voit alors accusé de verser dans un jazz purement commercial. Et enfin, dans les années 1970, le jazz se tourne vers la fusion lorsque lui revient aux sources avec son album The Awakening sobre et acoustique. 

Un style inimitable mis au service du trio

Le pianiste qu'était Ahmad Jamal n'a pour autant jamais opté pour le solo, excepté dans son dernier disque. La sophistication des arrangements pour le trio, sa forme privilégiée, confère à l'ensemble une sonorité très particulière et deviendra sa "signature". Son style est décrit comme fondé sur la surprise, les ruptures, l'utilisation des silences, aux accents romantiques, avec un phrasé à la fois dynamique et léger. Au milieu des années 1990, Ahmad Jamal donne à son trio une énergie et des couleurs nouvelles en intégrant Manolo Badrena, un percussionniste brillant et explosif, parfait contrepoint à son jeu sophistiqué.

Le pianiste américain aura attendu son 89e anniversaire pour faire un album solo, Ballades... ou presque, puisque le contrebassiste James Cammack, son fidèle partenaire de trio, fait quelques apparitions sur trois morceaux.

Au mot jazz, le pianiste a toujours préféré celui de " musique classique américaine". " La musique classique européenne est représentée par Bach, Brahms, Ravel, Debussy, Beethoven, Chopin... la musique classique américaine l'est par Duke Ellington, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Sidney Bechet", disait-il à Télérama en 2017.

Une longévité hors norme

Avec au moins 80 albums au compteur, Ahmad Jamal a traversé la scène artistique musicale pendant sept décennies. Ahmad Jamal at the Pershing : But Not for Me, un disque sorti en 1958, marque le début de son succès. Il reste plus de 100 semaines au palmarès du Billboard, le classement américain des titres les plus populaires. Selon le New York Times, c'est devenu l'un des disques instrumentaux les plus vendus de l'époque. Un fait rare pour les jazzmen, peu habitués à côtoyer le sommet des charts. Son secret ? " Je vis une vie passionnante et, lorsque vous vivez une vie intéressante, vous continuez à découvrir", avait-il confié à l'AFP en 2012.

Comment expliquer cette longévité ? Défricheur, Ahmad Jamal n'a jamais cessé de se réinventer. " Les musiciens s'épanouissent, se construisent. Certaines choses de base sont toujours là dans ma musique, le sens mélodique par exemple, mais la densité du son a changé avec l'âge, et la partie rythmique devient plus élaborée", avait-il poursuivi. Malgré l'âge, l'enfant de Pittsburgh n'a jamais renoncé à la musique. Dans une interview accordée au New York Times fin 2022, Ahmad Jamal déclarait : " J'évolue toujours, chaque fois que je m'assois au piano". " J'ai toujours des idées nouvelles".

Une inspiration pour toutes les générations de musiciens

Ahmad Jamal a influencé le travail de musiciens tels que le trompettiste Miles Davis et le pianiste McCoy Tyner. Mais i l est aussi une véritable figure de mentor pour la nouvelle génération de pianistes. C’est le cas du pianiste azéri Shahin Novrasli dont la complicité musicale avec le géant du jazz s’est confirmée en 2016 à Paris. Une transmission évidente s’est opérée entre eux lors de l’enregistrement de l’album Emanation, co-produit par Ahmad Jamal.

En 2017, il recevait un Grammy Award pour l'ensemble de sa carrière. Dix ans plus tôt, il était fait chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres de France, où le jazz a encore ses aficionados.

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