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The Cure version jazz, par Pierrick Pédron

Après un album consacré à Thelonious Monk en 2012, le saxophoniste Pierrick Pédron rend hommage cette fois à un groupe culte, The Cure, au croisement du rock et de la new wave. Dans "Kubic’s Cure", il nous offre une relecture jazz, nerveuse et brillante, de dix chansons de la formation anglaise. Lancée en octobre, la tournée du jazzman passe par Paris, au Café de la Danse, vendredi 7 novembre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Pierrick Pédron s'amuse avec les chansons de The Cure, mais il n'a pas peur de s'amuser avec son image. Ce qui le motive : "Faire ce qu'il a envie de faire."
 (Élise Dutartre)

Deux ans après l'hommage à Monk, Pierrick Pédron s’est plongé dans un répertoire étranger au jazz, celui de The Cure, groupe romantico-gothique phare des années 80 qui a marqué son adolescence. Intitulé "Kubic’s Cure", son album renferme dix morceaux - deux étant associés dans le même arrangement - revisités sur 44 minutes, à peu près la durée d'un 33 tours. Dix morceaux dont quelques titres emblématiques : "Boys don’t cry", "In Between days" ou "Just like Heaven".

Pour enregistrer ce disque sorti au printemps (chez Act), le saxophoniste s’est entouré des fidèles Thomas Bramerie à la contrebasse, Franck Agulhon à la batterie, impeccables, qui assoient une rythmique très rock, Vincent Artaud pour l’expertise artistique et Manu Gillet pour le son d’orfèvre. Pierrick Pédron a réalisé tous les arrangements sauf celui de "Lullaby", confié à la trompettiste Airelle Besson.

Le trio Pédron-Bramerie-Agulhon s’est entouré d'invités : on entend la voix de Thomas de Pourquery, la trompette de Médéric Collignon et les instruments orientaux de Ghamri Boubaker (zorna algéroise, flûte algérienne). À l’exception de Thomas de Pourquery, ils seront exceptionnellement présents au Café de la Danse, avec le renfort de la saxophoniste Géraldine Laurent.

- Culturebox : pourquoi un disque autour de The Cure ?
- Pierrick Pédron : Avant toute chose, j’ai voulu rendre hommage à ma culture musicale. Les Cure font partie des groupes que j’ai écoutés quand j’étais ado. Ils m’ont extrêmement marqué. Ce n’est pas un groupe que je vais écouter tous les jours, je ne suis pas nostalgique à ce point. Mais après Monk, je ne voulais pas refaire quelque chose autour d’un jazzman. Ça aurait peut-être été plus attendu, mais moi, j’aime bien prendre des risques. J’ai eu envie de faire quelque chose de diamétralement opposé. Si je suis évidemment fan de jazz, je suis également fan d’une autre culture musicale, en l’occurrence les groupes que j’écoutais ado. Je trouvais ludique et amusante l’idée de travailler dessus.

- Peux-tu nous en dire plus sur ton histoire avec The Cure ?
- Quand j’étais ado, en dehors du saxophone, je jouais beaucoup de guitare électrique. Dans mes années lycée, à Saint-Brieuc, je jouais dans des groupes tendance post-punk, si on peut dire. Je traînais aussi beaucoup avec des amis qui étaient un peu musiciens, plus âgés que moi, qui écoutaient l’album "Seventeen Seconds" de Cure à fond dans la voiture. J’ai découvert ça à 16, 17 ans. Cette époque reste marquée par des choses que j’ai vécues à ce moment-là. J’ai vraiment aimé l’atmosphère un peu dark, un peu bizarre, un peu rigolote aussi, parce que c’est vraiment des personnages, quand on pense au look des gars. Je n’étais pas insensible à tout ça, ça me plaisait bien, il y avait des harmonies, des couleurs, des sons que j'aimais bien.

- Comment as-tu choisi les morceaux ?
- J’ai les ai choisis avec Vincent Artaud qui a assuré la direction artistique. On a passé toute une après-midi à écouter des chansons des Cure et à échanger des idées sur ce qui était jouable ou pas en trio. Il y a des morceaux que j’entendais bien en trio, et d’autres non. J’ai fait le tour des albums, je suis allé sur le net, et à chaque fois que j’écoutais les versions originales, j’essayais d’imaginer les arrangements que je pourrais faire.

- Comment as-tu travaillé sur ce répertoire ?
- Il y a eu des essais. J’ai fait des maquettes sur des logiciels sur mon ordinateur afin de sortir des partitions et les travailler avec les gars. J’ai fait un premier jet d’arrangements, on les a répétés, on a essayé de voir ce qui collait ou pas, tout le monde a donné son point de vue. "Killing an Arab" (1978), avec Médéric Collignon à la trompette (Premier single de The Cure, la chanson évoque la scène-clé du roman "L'Étranger" de Camus. Robert Smith n'a eu de cesse de rappeler que ce titre n'était pas un message raciste)

- Quelles sont les difficultés à adapter The Cure ?
- On s’attaque à quelque chose d’assez difficile, parce que ce qui fait l’originalité du groupe, c’est le son des guitares, et surtout la voix de Robert Smith. On part avec un gros désavantage : on n’a rien de tout ça ! Du coup, parfois, les riffs de guitare deviennent des riffs de contrebasse tandis que je fais le thème au sax. Parfois, c’est l’inverse. C’est un mélange. Ça faisait partie de la deuxième fournée d’arrangements, où tout le monde était réuni et où on adaptait ce qu’on pouvait en veillant à respecter l’esprit de ce groupe et en conservant les mélodies pour que l'auditeur puisse reconnaître les chansons.

- Qu’est-ce qui t’a paru le plus agréable dans ce travail ?
- Ce qui est agréable, c’est de voir la progression du projet en studio. On a fait de la post-production : on a enregistré, puis on a rajouté des effets, des voix, des trompettes de Médéric... Manu Gallet, l’ingé-son, a fait un travail incroyable en trafiquant les sons de la batterie initialement enregistrés. Donc on construit quelque chose avec le son et c’est assez marrant, à la différence de "Kubic's Monk" où tout était brut de pomme, sans effet sonore ! De plus, je joue avec des pédales d’effets. En concert, pendant la tournée d'octobre, je me suis amusé à chanter. Je fais toutes les voix que Thomas de Pourquery faisait sur le disque.
Pierrick Pédron
 (Élise Dutartre)
- Lors de la tournée, comment le public a-t-il accueilli ce disque ?
- À mon grand étonnement, très bien ! Il m’est arrivé de jouer ce répertoire devant des gens d’un certain âge. Je me disais alors : "Ça ne va pas du tout passer…" Mais ça passait bien. En concert, on a toujours plusieurs rappels à la fin, les gens connaissent bien les mélodies, ils sont assez contents. De toute façon, c’est quelque chose de tellement atypique… Et finalement, les gens sont curieux d’entendre cette musique jouée en trio.

- Est-ce que tu suis encore la carrière de The Cure ?
- Non, pas du tout. Mais je me suis mis en contact avec des fan-clubs afin de leur faire découvrir l’album.

- As-tu envoyé le disque au groupe ?
- C’est super difficile d’envoyer un disque à ce genre de gars tellement connus. Ça se perd peut-être dans les maisons de disques... Je n’ai pas remué ciel et terre pour avoir les coordonnées de Robert Smith et lui envoyer un disque. Si l’occasion se présente de rencontrer des membres du groupe, ça se fera un peu par hasard, mais je le ferai avec plaisir et je serai très content d’avoir l’opinion de Robert Smith et de discuter de musique avec lui.

- As-tu un autre projet d’hommage à un groupe ou un artiste ?
- Non.

- Je crois savoir que tu prépares plutôt la suite des albums "Omry" et "Cheerleaders"…
- Exactement. C’est déjà enregistré. Ce sera quelque chose d’assez ambitieux. Ça sortira à l’automne 2015.

(Propos recueillis par A.Y. le 3 novembre 2014)

Pierrick Pédron "Kubic’s Cure" en concert à Paris
Vendredi 7 novembre 2014, Café de la Danse, 20h
5, passage Louis-Philippe, Paris 11e (infos ici)
Première partie : Airelle Besson (trompette) et Nelson Veras (guitare) pour leur album "Prélude" (Naïve)

Pierrick Pédron : saxophone alto
Thomas Bramerie : contrebasse
Franck Agulhon : batterie
Médéric Collignon : trompette
Ghamri Boubaker : zorna, flûte
Géraldine Laurent : saxophone

> Prochaine date "Kubic’s Cure" : 9 décembre 2014 à Schiltigheim (Le Cheval Blanc)

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