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Un chœur millénaire allemand visé par un vaste scandale de pédophilie

Au moins 547 enfants du célèbre chœur des Regensburger Domspatzen ("les moineaux de la cathédrale de Ratisbonne") ont été victimes de maltraitances, dont des viols, commis entre 1945 et le début des années 1990, selon un rapport d’enquête dévoilé mardi 18 juillet.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Le chœur catholique de Ratisbonne, touché par un vaste scandale d'abus sexuels et maltraitances, chantait avec le chœur de l'Eglise Saint-Thomas à Leipzig le 28 mai 2016.
 (JAN WOITAS / DPA)

Quelque cinq cents enfants du chœur des "Regensburger Domspatzen" ("les Moineaux de la cathédrale de Ratisbonne") ont été victimes de maltraitances physiques et 67 ont fait l’objet d’agressions sexuelles, dont des viols. C'est ce qu'a indiqué mardi 19 juillet Ulrich Weber, l'avocat chargé en avril 2014 par l’Église de faire la lumière sur cette affaire qui a éclaté en 2010.

Les faits couvrent des délits et crimes allant de la privation de nourriture au viol en passant par des coups ou des agressions sexuelles. Les victimes ont décrit leur passage dans ce chœur millénaire et mondialement connu comme "une prison, un enfer et un camp de concentration", "le pire moment de leur vie, marqué par la peur, la violence et la détresse", a déclaré M. Weber.

Le frère de l'ancien pape Benoît XVI mis en cause

Georg Ratzinger, frère aîné de l'ancien pape Benoît XVI et ex-chef de la chorale, a été dénoncé pour sa "violence" et le "système de peur" sous sa direction.
 (ARMIN WEIGEL / DPA / AFP)
L’affaire porte notamment sur des maltraitances qui se seraient produites alors que le frère de l’ancien pape Benoit XVI, Mgr Georg Ratzinger, dirigeait ce chœur de petits chanteurs, entre 1964 et 1994. Mgr Georg Ratzinger, aujourd’hui âgé de 93 ans, a assuré n’avoir pas eu connaissance d’abus sexuels au sein de cette chorale fondée au Moyen-Âge, en 975.

Cependant, selon l'avocat en charge du dossier, le frère de l’ancien pape savait et aurait au contraire "détourné les yeux" : la "culture du silence" régnait au sein du chœur où la protection de l’institution a semble-t-il primé, selon Maître Weber.

Mercredi, l'ex-chef du choeur de Ratisbonne a été qualifié de "fanatique" et d'"impulsif" par son successeur. Dans une interview au Zeit, Roland Büchner a raconté qu'il était "craint" de ses élèves, notamment pour sa violence lors des répétitions. "Il régnait un système de peur" au sein de la chorale, selon M. Büchner, qui a reconnu avoir été au courant de ces sévices et dit regretter de ne pas avoir exigé "de façon plus forte des éclaircissements complets". "Il ne s'agissait pas 'seulement' de gifles mais de véritables maltraitances. C'était un déchaînement, il y avait des blessures physiques", a-t-il complété.

Un choeur millénaire mondialement connu

Le chœur de jeunes garçons des Regensburger Domspatzen ("les moineaux de la cathédrale de Ratisbonne"), créé en 975, avait gagné une réputation mondiale au siècle dernier, sous les directions successives de Theobald Schrems et Georg Ratzinger (entre 1924 et 1994). Ce dernier avait notamment initié l'enregistrement de nombreux CDs et des tournées internationales, du Canada au Japon. En 1978, le chœur avait chanté devant la Reine Elizabeth II, lors de sa visite officielle en Allemagne, puis en 1980 devant le Pape Jean-Paul II. Quelques années avant que le scandale n'éclate, en 2006, la chorale avait donné un concert au Vatican devant le pape Benoît XVI, frère de l'ex-chef de chœur mis en cause. 
Le logo des Regensburger Domspatzen, "les moineaux de la cathédrale de Ratisbonne", le 12 octobre 2016.
 (ARMIN WEIGEL / DPA / AFP)

L'un des plus importants scandales de l'Eglise catholique allemande

L'affaire a éclaté en 2010, quand un ancien membre de la chorale, le chef d’orchestre et compositeur allemand Franz Wittenbrink, avait témoigné au magazine allemand Der Spiegel de la violence dont était capable l'ancien chef du choeur, Mgr Georg Ratzinger. Il évoquait plus largement un "système de punitions sadiques relié au plaisir sexuel". À l'époque l'évêque de Ratisbonne, Gerhard Ludwig Müller, n'avait reconnu que deux cas d'abus datant de 1958, niant l'implication du frère de l'ex-pape.

En avril 2014, l'évêché avait chargé l'avocat Ulrich Weber de faire la lumière sur cette affaire. Quasiment un an plus tard, en février 2015, les autorités catholiques locales avancaient le chiffre de 72 cas. Mais en janvier 2016, un rapport intermédiaire de l'avocat avait reconnu 231 enfants victimes d'abus, avant que le chiffre de 547 ne soit finalement dévoilé mardi par M. Weber. 

Toutefois, la plupart des cas sont prescrits et les 49 auteurs présumés des violences identifiés dans le rapport ne devraient donc pas être poursuivis. Chacune des victimes devrait recevoir en revanche jusqu’à 20.000 euros d’indemnisation.

Ce scandale est l’un des nombreux qui a secoué ces dernières années l’église catholique. Benoît XVI ainsi que son successeur François ont demandé pardon pour les affaires de pédophilie ayant secoué le clergé. En Allemagne, une école des Jésuites de Berlin a également été au coeur d’un scandale de pédophilie après avoir reconnu des abus sexuels systématiques commis sur des élèves par deux prêtres dans les années 70 et 80

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