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Youn Sun Nah de retour avec un album hanté par les song-writers américains

Quatre ans après "Lento", la chanteuse sud-coréenne Youn Sun Nah est de retour avec un nouvel album, "She moves on", qu'elle a enregistré aux États-Unis avec une formation inédite. En fin de semaine, elle était à Coutances, au festival Jazz sous les pommiers, où elle a donné deux concerts à guichets fermés. Nous l'avons rencontrée. Avec, en prime, une chanson en duo avec Airelle Besson.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Youn Sun Nah à Coutances le 26 mai 2017
 (Annie Yanbékian / Culturebox)

En 2013, son huitième album "Lento", enregistré sur le célèbre label allemand Act, avait connu un grand succès, tant public que critique. Puis, Youn Sun Nah s'est faite plus discrète. Après avoir passé vingt ans en France où elle s'est formée au jazz vocal et a démarré sa brillante carrière, elle a fait une pause et est retournée vivre en Corée du Sud.

Nouvelle vie, nouveau groupe, nouveau répertoire

Le 19 mai, la chanteuse a sorti son tout nouveau disque "She moves on" (Act), avec un groupe à 100% américain animé par le pianiste Jamie Saft, collaborateur de longue date du compositeur et saxophoniste John Zorn. On y retrouve le guitariste Marc Ribot sur cinq morceaux. Le répertoire de cet album introspectif aux ballades épurées est fortement imprégné par les grands song-writers américains, avec des reprises de Paul Simon, Joni Mitchell et Lou Reed.

Après son passage à Coutances, Youn Sun Nah chantera cet été dans différents festivals. Début 2018, elle se produira à la Philharmonie de Paris. Pendant le festival Jazz sous les pommiers, Youn Sun Nah et la trompettiste Airelle Besson, qui achevait sa résidence de trois ans à Coutances, ont interprété en duo une chanson extraite de l'album "She moves on", "Black is the color of my true love's hair", une chanson traditionnelle américaine :

- Culturebox : Tout d'abord, une question sur Jazz sous les pommiers. Vous êtes venue à Coutances pour donner deux concerts. Racontez-nous votre histoire avec ce festival.
- Youn Sun Nah : C'est la quatrième fois que je viens. Les dernières fois, c'était en 2006, 2011 et 2016. Ici, les gens sont adorables, vraiment accueillants ! Denis Lebas, le directeur, c'est une crème ! Il y a deux ans, c'était le 130e anniversaire de l'Amitié entre la France et la Corée. Avec Jazz sous les pommiers et le festival Jazz en Corée, on a fait une sorte d'échange. Des musiciens français ont joué là-bas, et des musiciens traditionnels coréens sont venus jouer à Coutances avec des français. Denis est quelqu'un de très ouvert. Il programme des groupes qu'il a vus et qu'il aime, il ne réfléchit pas en fonction du nombre de disques qu'ils vendent. C'est extraordinaire. Il est fou de jazz, fou de musique. Les Coutançais le savent, ainsi que les gens de l'extérieur.

- Votre nouvel album porte le titre "She moves on" ("elle va de l'avant"). Si à la base, ce titre est celui d'un des morceaux du disque, on a vraiment l'impression qu'il parle aussi de vous...
- Chaque fois, je donne à l'album le titre d'un morceau qui le compose. Pour celui-là, on hésitait entre "Traveller", "Drifting" et "She moves on", une composition de Paul Simon. Le choix s'est fait presque par hasard. Après, en effet, des amis m'ont dit : "Mais c'est toi, en fait ! Tu changes de direction..." J'ai pris conscience de ce que ce choix voulait dire grâce à mes amis.

- Votre album précédent, "Lento", remonte à 2013. Qu'avez-vous fait durant ces quatre dernières années ?
- Il y a deux ans, j'ai décidé de prendre une année sabbatique. Je me suis dit que le moment était peut-être venu de me reposer, me ressourcer. J'étais en Corée et cette pause a finalement duré deux ans. J'ai pu passer beaucoup plus de temps avec ma famille. J'ai aussi pris la direction artistique d'un festival de musique traditionnelle. Avoir rencontré des musiciens coréens et avoir travaillé avec eux m'a permis de découvrir ma musique, en fait. J'ai beaucoup de chance. Ça m'a fait du bien. Un jour, j'enregistrerai un disque en coréen. Ensuite, je n'ai rien fait, je me suis juste reposée ! À la fin de l'année dernière, l'idée m'est venue d'enregistrer un nouvel album. Ça a été très rapide.

C'est comme si j'étais redevenue une débutante

Pour moi, cet album représente un nouveau chapitre dans ma vie. J'ai vécu vingt ans en France. J'ai joué avec des musiciens français, européens. Depuis deux ans, j'ai eu l'occasion de jouer avec des musiciens traditionnels coréens et j'ai enregistré un album avec des Américains. C'est comme si j'étais redevenue une débutante. C'est excitant, et en même temps, je m'inquiète ! C'est une nouvelle aventure.
- En effet, ce disque a été enregistré avec un effectif tout à fait inédit...
- J'ai découvert par hasard, sur YouTube, la musique du pianiste Jamie Saft, dont je connaissais déjà le travail avec John Zorn. S'il est plutôt avant-gardiste, tout ce qu'il a écrit pour l'album que j'ai découvert est très simple et beau, comme s'il écrivait pour des chanteurs, alors que c'est de la musique instrumentale. Je lui ai envoyé un mail afin de me présenter et de lui proposer de travailler ensemble. Il m'a répondu : "Ouais ! Allons-y !" Je suis partie quelques jours plus tard. Il habite à côté de Woodstock [ndlr : dans l'État de New York]. Pendant trois semaines, on a discuté. Puis on s'est dit : "Pourquoi ne pas enregistrer un album ?" On l'a enregistré en deux jours. C'était drôle, toute la journée, il écoutait des chanteurs. Il a tous les albums de Frank Sinatra, Joni Mitchell, Bob Dylan... Je lui ai dit : "Tu es instrumentiste, comment se fait-il que tu n'écoutes que des chanteurs ?" Il a répondu : "C'est mon inspiration."

- C'est donc aussi Jamie Saft qui a donné une certaine direction à votre nouveau disque qui constitue un hommage aux song-writers américains...
- Oui. Comme Jamie ne me connaissait pas, je lui ai fait découvrir mon univers musical. Je lui ai aussi proposé mes compositions. Et grâce à Jamie, j'ai appris pas mal de choses. On a écouté Jimi Hendrix, Frank Sinatra... Si j'aimais déjà Joni Mitchell, il me l'a fait redécouvrir. Comme il aimait vraiment les chanteurs, il me comprenait, ce n'est pas souvent le cas chez les musiciens. Pour l'enregistrement, il m'a proposé plusieurs morceaux, et j'ai choisi ceux qui me touchaient selon le feeling du moment. Mais c'est moi qui lui ai proposé la chanson de Paul Simon. Jamie a composé une chanson avec sa femme [ndlr : "Too Late"]. De mon côté, j'ai composé deux chansons [ndlr : "Traveller", "Evening Star"].

- Dans le casting de l'album, on retrouve notamment le guitariste Marc Ribot...
- Jamie Saft et Marc Ribot ont joué ensemble pendant vingt ans. Je voulais l'inviter, mais le sachant très occupé, je n'étais pas sûre qu'il puisse venir... J'ai eu de la chance, parce qu'il était là, au moment où on a enregistré à New York ! Ensuite, le contrebassiste Brad Jones et le batteur Dan Rieser sont les deux musiciens avec lesquels Jamie joue habituellement. Ils ont aussi l'habitude de travailler avec des chanteurs, Dan ayant joué pendant longtemps avec Norah Jones.
Youn Sun Nah
 (Sung Yull Nah)

Je n'avais pas travaillé avec un batteur depuis dix ans

- Comment s'est passé l'enregistrement ?
- Ça s'est passé très vite, très naturellement. Pour moi, c'était un gros challenge. Ça n'était pas très facile parce que ce groupe était tout nouveau pour moi. Je n'avais pas travaillé avec un batteur depuis dix ans. Je suis assez fidèle et je suis restée huit ans avec mon premier groupe, presque dix ans avec le deuxième... C'était vraiment un nouveau départ... Alors j'ai suivi leur rythme : "Be cool, take it easy, man !" La plupart des morceaux ont été enregistrés en une seule prise.

- Lors de notre précédente rencontre en 2013, vous aviez confié combien la composition représentait pour vous un processus difficile. Est-ce que les choses ont évolué depuis ?
- Je suis toujours la même ! Ça ne change pas, c'est toujours très difficile ! [elle rit] Je suis chanteuse, pas compositrice, donc j'ai toujours du mal. Je doute de tout ce que je fais... Dans dix ans, je vous répondrai peut-être différemment. Avant, j'avais vraiment envie de me débarrasser de ces doutes, de ce manque de confiance en moi. Mais je sais que j'aurai toujours le trac avant de monter sur scène, et que je n'arriverai jamais à bien parler sur scène... Je ne pense pas que je vais changer. Donc maintenant, je vis avec.

Youn Sun Nah se produit en France cet été sur différents festivals :
Vendredi 7 juillet 2017 à Fontainebleau, Festival Django Reinhardt
Samedi 8 juillet à Segré, Parc de Bourg-Chevreau
Dimanche 9 juillet, Jazz à Vienne
Vendredi 14 juillet à Arles, festival Les Sud à Arles
Lundi 17 juillet, Jazz à Sète
Mardi 18 juillet, Nice Jazz Festival
Mercredi 9 août, Jazz in Marciac
Vendredi 11 août, Paimpol Festival

Et après la rentrée....
Jeudi 5 octobre 2017 à Saint-Étienne, Grand Théâtre Massenet, Rhino Jazz(s) Festival
Dimanche 21 janvier 2018 à Paris, Philharmonie
> Tout l'agenda-concert de Youn Sun Nah

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