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João Gilberto : notre hommage en mots et en musique

Bossa nova, samba, jazz, réappropriations de standards avec cette griffe si unique qui en fit l'un des plus grands interprètes du XXe siècle... Les amoureux de la musique brésilienne se sentent un peu orphelins ce dimanche matin.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
João Gilberto vers 1970 (MICHAEL OCHS ARCHIVES / MICHAEL OCHS ARCHIVES / GETTY IMAGES)

Il était "o Mito", le Mythe, cofondateur et survivant vénéré de la bossa nova, parrain retiré de la Musique populaire brésilienne (MPB). On le savait âgé, diminué, endetté, miné par un conflit qui avait duré des années - et qu'il avait remporté - avec une grosse maison de disques, tiraillé entre différents membres de sa famille qui s'entredéchiraient sur le dos de ce vieil homme qui n'était rien de moins qu'un trésor national pour le Brésil. Et un simple coup d'oeil aux médias brésiliens ce dimanche matin indique que cette guerre ne s'interrompt même pas le temps du deuil.

Ces dernières semaines, son fils Marcelo, notamment par l'intermédiaire du compte Facebook de sa fille de 3 ans, postait des photos du chanteur. On le voyait dans des moments de complicité, en pyjama et robe de chambre, avec la fillette qui semblait lui apporter un peu de sérénité sur ses vieux jours. Les photos n'en étaient pas moins douloureuses, tant ce géant de la musique du XXe siècle nous apparaissait amoindri, elles étaient même embarrassantes, nous donnant l'impression d'être voyeurs, car cet homme qui avait toujours cultivé la discrétion voyait son intimité et sa fragilité dévoilées à des millions d'abonnés des réseaux sociaux - c'est pourquoi nous n'avons pas le coeur à les partager ici.

Sur l'une des toutes dernières photos postées il y a seulement quelques jours, João Gilberto se tenait debout, dans un costume devenu trop ample pour sa silhouette émaciée, avec sa guitare, le regard dans le vague, déjà ailleurs. Qui a mis en scène cette image ? Aujourd'hui, elle résonne comme un adieu. Alors, laissons la musique parler.

Bim bom (João Gilberto) - 1958

L'une des rares chansons composées par João Gilberto, essentiellement connu comme interprète de classe mondiale, cette petite samba historique et pétillante composée vers 1956 figure sur son premier album solo Chega de Saudade (1959) après être sortie en 78 tours en 1958 combinée au titre Chega de Saudade.

Chega de Saudade (Jobim / Moraes) - 1958

La chanson fondatrice de la bossa nova. Enregistrée une première fois par la chanteuse Elizete Cardoso en 1958, sous la houlette de son compositeur Antônio Carlos "Tom" Jobim, avec João Gilberto à la guitare. Puis par João Gilberto lui-même au chant, dans son premier album solo (il avait démarré sa carrière dans un groupe vocal où il n'avait pas tenu longtemps...). Timbre de la voix, suavité du phrasé, et cette façon unique de jouer avec le rythme et les espaces. Le reste est de l'Histoire.

Samba da minha terra (Dorival Caymmi) - 1961

Quand João Gilberto reprenait l'un de ses maîtres, le grand Dorival Caymmi, né dans l'Etat de Bahia comme lui. La chanson est sortie sur le premier des deux albums de sa discographie intitulés João Gilberto, lancé en 1961.

Garota de Ipanema (Jobim / Moraes) - 1962

L'hymne de la bossa nova, créé à Rio de Janeiro en août 1962 et enregistré par Gilberto en mars 1963 à New York avec Tom Jobim et le saxophoniste américain de jazz Stan Getz, pour un album intitulé Getz/Giberto, lancé en mars 1964 et entré dans la légende. Avec ce disque, la bossa nova a conquis le monde. A Garota de Ipanema, traduite en anglais par The Girl from Ipanema est l'une des deux chansons les plus jouées sur la planète.

Desafinado (Jobim / Mendonça) - 1959

La chanson, qui parle d'un artiste "désaccordé", qui répond officiellement à une bien-aimée qui se moque de lui et de sa façon de faire de la musique, fut écrite par Tom Jobim et Newton Mendonça en réaction aux premiers détracteurs de la bossa nova. João Gilberto l'a enregistrée sur les albums Chega de Saudade (1959) et Getz/Gilberto (1964).

Aguas de Março (Jobim) - 1973

Il y a deux "albums blancs" dans l'histoire de la musique pop. Celui des Beatles sorti en 1968. Et celui intitulé João Gilberto, que le chanteur-guitariste a sorti en 1973. C'est l'un des plus grands albums de l'histoire de la musique brésilienne. Il s'ouvre par cette version hypnotique d'une chanson alors tout juste enregistrée par son auteur-compositeur Tom Jobim, en solo, dans son album Matita Pêre sorti la même année, et qui allait devenir un classique incontournable du répertoire de la MPB.

Eu vim da Bahia (Gilberto Gil) - 1973

Autre extrait du mythique "album blanc", l'ode d'un Bahianais à un autre, l'hommage d'un disciple à son illustre aîné : Eu vim da Bahia est une chanson que Gilberto Gil a écrite pour João Gilberto, avant de la reprendre lui-même.

É Preciso Perdoar (Luz / Coqueijo) - version de 1976 avec Stan Getz

Cette chanson, encore un joyau de l'"album blanc" de 1973, a été revisitée trois ans plus tard dans une version époustouflante avec Stan Getz, pour des retrouvailles somptueuses avec le saxophoniste dans l'album The Best of Two Worlds (1976)...

Estate (Bruno Martino) - 1977

La chanson, écrite par le musicien italien Bruno Martini, n'avait pas spécialement franchi les frontières de son pays... Jusqu'au jour où João Gilberto l'a entendue lors d'une tournée en Europe. Il l'a reprise et en a fait un standard international. Sur la vidéo ci-dessus, il la chante à Rome en 1983, accompagné par un orchestre à cordes.

'S Wonderful (Gershwin) - 1977

Même quand João Gilberto reprenait un classique de George et Ira Gershwin dans son célèbre album Amoroso de 1977, ça sonnait encore et toujours, avant tout, comme du João Gilberto. Avec cette suavité, et ici, ce sourire dans la voix, cette "batida" rythmique à la guitare qui firent les fondations d'un style et d'un mythe.

Corcovado (Jobim) sur scène avec le compositeur en 1992

Rio de Janeiro, 1992. Des retrouvailles historiques - et uniques - sur scène entre deux pères de la bossa nova, trente ans après leurs dernières prestations scéniques communes... Le temps de chanter quelques classiques dont l'intemporel Corcovado, connu dans le monde anglo-saxon comme Quiet Nights and Quiet Stars, l'un des chefs-d'oeuvre de l'album Getz/Gilberto.

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