Jorja Smith : trois raisons d'écouter cette prometteuse voix soul
Drake a du flair. Il est le premier à avoir repéré Jorja Smith sur Soundcloud en 2016 alors qu'elle chantait "Where Did I Go ?". Le Canadien l'a ensuite invitée l'an dernier sur deux titres de son album "More Life", le très house "Get it Together" et un titre baptisé carrément "Jorja Interlude".
Ce fut ensuite au tour de Bruno Mars de la convier en 2017 sur les premières parties de sa tournée 24K Magic Tour, puis à Kendrick Lamar de la recruter pour "I Am", un titre de la BO de "Black Panther" qu'il a supervisée. Excusez du peu.
Dans l'intervalle, la belle (parce qu'en plus elle est sublime), a sorti une série de singles enthousiasmants, en particulier "Blue Lights", "On My Mind", "Beautiful Little Fools" et "Let Me Down". Pour couronner le tout, Jorja Smith a été saluée par la critique anglaise qui lui a attribué cette année un Brit's critics Choice Award. Autant dire que la jeune chanteuse démarre sa carrière en trombe et sous les meilleurs auspices.
Jorja Smith n'aurait pas eu besoin de tous ces pygmalions penchés sur son berceau pour percer. Car au-delà de sa beauté que les magazines anglo-saxons se sont aussitôt accaparés, son atout numéro un est sa voix. Hyper expressive, à la fois pure, fragile et profonde, tout en étant capable d'une vraie puissance, elle varie les registres et fait tout de suite la différence avec les starlettes autotunées du R'n'b. Outre son timbre écorché terriblement sexy, elle déploie aussi de temps à autre un accent jamaïcain hérité de son père qui donne un côté mordant et "badass" à son chant.
Elevée dans un foyer où l'on écoutait de la musique à toute heure, cette native de Walsall (près de Birmingham, à 200 km de Londres), a entraîné très tôt sa voix et son oreille. Sous la modernité de son R'n'B teinté de house, de "grime" et de "UK Garage", percent d'ailleurs ses solides influences soul et jazz. Et si cette jeune diva a souvent été comparée à Lauryn Hill, Sade et Erykah Badu, c'est pourtant à Amy Winehouse, son modèle revendiqué, qu'elle ressemble le plus dans la sincérité et le timbre (écoutez "Teenage Fantasy" pour vous en convaincre).
Comme on a pu le constater tout récemment au festival We Love Green, Jorja Smith n'est pas une fabrication de studio : elle qui n'aime rien tant que la scène y est une interprète aussi impliquée que naturelle.
Sur "Lifeboat (freestyle)", qui semble une allégorie de la crise migratoire, elle questionne à la fois les inégalités sociales et l'attitude de chacun, elle compris, face aux problèmes des autres. Les laisserons-nous se noyer sans leur tendre la main ?, se demande-t-elle.
Plus souvent, Jorja chante l'amour ("The One") et les tourments adolescents ("Teenage Fantasy"), mais aussi ce moment particulier au seuil de l'âge adulte où l'on se sent à la fois perdu et contraint de se trouver, évoqués sur "Lost & Found" et sur "February 3rd".
Jorja a beaucoup lu et aime raconter des histoires. Mais, lucide, elle se sent encore limitée dans sa compréhension de la marche du monde. Son voeu : lire davantage et aiguiser sa conscience pour écrire des textes plus engagés. "Je grandis et je vais mettre ça dans ma musique", promet-elle. Si elle y parvient, cela va être un bonheur de voir cette petite graine de Nina Simone croître et rayonner.
Seul regret : sur les 12 titres de son solide premier album "Lost & Found", quelques chansons sont dispensables, en particulier les trois dernières, alors que deux bijoux de singles, "On My Mind" et "Let Me Down" n'y figurent pas.
A écouter en priorité : "Blue Lights", "February 3rd", "Teenage Fantasy", "Where Did I go ?"
L'album "Lost & Found" (Because Music) de Jorja Smith est sorti vendredi 8 juin
Jorja Smith sera en concert à l'Olympia le 22 octobre 2018
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