Anti-vaccin, anti-avortement et pour la prière à l’école : Kanye West dévoile quelques éléments de son programme présidentiel
Le premier entretien que Kanye West accorde depuis l'annonce de sa candidature à la présidentielle américaine est publié par le très sérieux magazine économique Forbes. Une raison de plus pour ne pas prendre à la légère ses ambitions, aussi loufoques puissent-elles paraître. Revue de détails de cet entretien fleuve.
Le rappeur et homme d’affaires américain Kanye West a annoncé samedi 3 juillet 2020 dans un Tweet qu’il se portait candidat à la prochaine présidentielle des Etats-Unis qui a lieu en novembre. Est-ce du sérieux ? Apparemment oui, si l’on en croit l'interview publiée mercredi dans le magazine économique Forbes, dans laquelle il lève le voile, à défaut de véritable programme, sur quelques grands axes de son plan. Mais doit-on pour autant prendre au sérieux ce rappeur à l’attitude de plus en plus erratique ces dernières années ? S’il y a bien une chose que nous a apprise l’élection de Donald Trump il y a quatre ans, c’est que tout est possible au pays de la télé-réalité et de la post-vérité.
Dans le long entretien de quatre heures qu’il a accordé à Forbes par téléphone mardi 7 juillet depuis son ranch du Wyoming, Kanye West assure n’avoir jamais voté de sa vie et s’être inscrit pour la première fois sur les listes électorales lundi 6 juillet.
L’idée de se présenter le travaille pourtant depuis plusieurs années : il se souvient que l’idée lui était venue en 2015, alors qu’il était sous la douche, et que cela l’avait fait rire hystériquement pendant un moment. Pas sûr que les premiers éléments qu’il a laissé filtrer sur ses intentions, très conservatrices et religieuses, voire inquiétantes ou loufoques, fassent rire tout le monde. D’autant que "comme tout ce que je fais dans la vie, je le fais pour gagner", souligne-t-il.
Le "candidat de Dieu"
Kanye West, qui s’est résolument tourné vers la religion ces derniers temps, se pose avant tout dans cette interview comme "le candidat de Dieu". Un Dieu qu’il convoque à tout bout de champ sur presque tous les sujets abordés, à commencer par celle de son éventuelle victoire dans la course à la présidence, qui n’a pour lui que peu à voir avec le vote des citoyens.
"Voyons si la nomination est pour 2020 ou pour 2024 - parce que c’est Dieu qui nomme le président. Si je gagne en 2020, alors j’aurai été désigné par Dieu. Si je l’emporte en 2024 alors j’aurai été nommé par Dieu." Il reconnaît cependant qu’il se lance dans la course pour 2020 à la dernière minute, comme le prophétisait le titre de son second album – Late Registration (Inscription Tardive) – et assure qu’il prendra une décision définitive d’ici "30 jours".
Sous quelle bannière se présenterait-il ?
Il se présenterait sous la bannière républicaine, dit-il, "si Trump n’était pas là". Mais si le milliardaire est là, il se présentera sous étiquette "indépendante". Kanye West, qui a été longtemps soutien de l’actuel locataire de la Maison Blanche, prend ses distances avec Trump tout en prenant soin de ne pas se le mettre à dos. "Trump est le premier président depuis longtemps à permettre à Dieu de continuer à participer au débat", estime-t-il.
Pour autant, il dit avoir "perdu confiance" en lui en raison de sa gestion de la révolte contre le racisme et les brutalités policières qui embrase le pays depuis la mort de George Floyd fin mai. Joignant l’acte à la parole, il assure : "J’enlève ma casquette rouge (celle aux couleurs du slogan présidentiel Make America Great Again qu’il ne quittait plus depuis sa visite au bureau oval en 2018 NDLR) avec cet entretien." Et d’ajouter : "Je ne dis pas que Trump est un obstacle sur mon chemin, il est peut-être un élément de mon chemin."
Une manœuvre pour contrer le démocrate Joe Biden ?
Sa candidature et sa proximité jusqu’alors avec Donald Trump alimentent les soupçons d'une candidature destinée à perturber celle du démocrate Joe Biden, actuellement en tête des sondages nationaux. "Dire que le vote noir est démocrate est une forme de racisme et de suprématie blanche", affirme Kanye West, en reconnaissant qu'il n'hésiterait pas à priver l'ex-vice président des voix de la minorité noire qui vote majoritairement pour les démocrates. Il semble de toutes façons considérer Joe Biden comme quantité négligeable, parce que "L'Amérique a besoin de quelqu'un de spécial" et que Joe Biden n’est "pas spécial" à ses yeux, contrairement à Trump, Obama, Clinton et lui-même.
Le "Oui" pour seul slogan
Le nom de son parti, il l’a déjà : c’est Birthday Party, c’est à dire le parti du Jour de naissance, (qui sonne aussi, non sans humour, comme Fête d’anniversaire), "parce que quand nous gagnons c’est le jour de naissance de tout le monde". Quant à son slogan de campagne, il est d’une simplicité biblique : "YES !" (Oui !) – "Pas Yep, ni Yeah", insiste-t-il, mais "YES, YES, YES." "Parce que si je suis président, qu’on se marre aussi un peu".
L'utopie afro du Wakanda pour modèle
Le milliardaire Kanye West entend prendre exemple pour sa présidence sur le fonctionnement du Wakanda, le royaume fictif africain de l’univers des comics Marvel développé dans le film afro-futuriste Black Panther de Ryan Coogler sorti en 2018 - notons qu'au Wakanda, l’organisation socio-politique et religieuse est structurée en tribus sous l’autorité d’un roi. "Beaucoup d’Africains n’aiment pas le film et la représentation d’eux développée au Wakanda", reconnait-il. "Mais je vais utiliser le cadre du Wakanda parce que c’est la meilleure explication de ce que va ressentir notre groupe à la Maison Blanche."
Concernant le racisme, il entend "passer sur le débat" et "donner du pouvoir au peuple" en honorant la promesse faite aux esclaves afro-américains libérés après la guerre de Sécession de leur octroyer à chacun 16 hectares et une mule (40 acres and a mule). "Donnons de la terre, c’est le plan." Quant aux brutalités policières, il veut y mettre fin mais ne dit pas comment.
Anti-avortement et anti-peine de mort
Sur l’avortement, son opinion définitive tient en deux mots : "Je suis pro-vie (et donc anti-avortement NDLR) parce que je suis les préceptes de la Bible". Il estime par ailleurs que les centres de planning familial (éducation sexuelle, information et aide à la contraception et à l’avortement) ont été établis dans les villes "par les suprémacistes blancs" pour "faire le boulot du diable". Concernant la peine de mort, sa ligne directrice est tirée de la même source : citant le commandement "tu ne tueras point" de la Bible, il se déclare opposé à la peine capitale.
Pour le retour de la prière à l’école
Kanye West estime qu’il faudrait réinstituer "la prière à l’école" et rétablir dans le même temps dans les esprits “la crainte et l’amour de Dieu”. Le fait de ne plus prier à l’école est responsable selon lui de "plus de drogues, plus de meurtres et plus de suicides".
Très méfiant face aux vaccins
Le rappeur candidat, qui révèle avoir eu la Covid-19 au mois de février, se dit méfiant vis à vis des vaccins, qui ont selon lui conduit à "la paralysie de nombreux enfants" (une assertion combattue par le monde scientifique). "Alors quand ils disent qu’ils vont régler le Covid avec un vaccin, je suis extrêmement prudent. C’est la marque de la Bête (du Diable). Ils veulent nous implanter des puces afin que nous ne puissions franchir les portes du paradis", s’alarme-t-il. A noter qu’il pense par ailleurs qu’il existe un traitement contre le sida qu’on voudrait nous cacher, et qu’il se propose d’éliminer "les produits chimiques" des "déodorants" et de "la pâte dentifrice" car ils "affectent notre capacité à être au service de Dieu."
Quelle politique étrangère ?
Kanye West avoue ne pas avoir "encore développé" les grandes lignes de sa politique étrangère. Mais il compte se "concentrer sur la protection de l’Amérique en premier, avec notre grande force militaire. Concentrons-nous sur nous-mêmes en priorité." Et contrairement à Donald Trump, ne comptez pas sur lui pour attiser la tension avec Pékin : il répète à plusieurs reprises "J’aime la Chine, j’aime la Chine". Pour lui, la Chine et les Chinois "ne sont pas responsables" de la pandémie de Covid-19 et les Chinois "sont aussi le peuple de Dieu". Si ce n’est pas sur le plancher des vaches c’est peut-être dans les étoiles qu’il finirait par s'affronter aux Chinois : son principal soutien "depuis des années" dans cette candidature est en effet le fantasque Elon Musk, patron de SpaceX et Tesla, dont il ferait son responsable du programme spatial américain.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.