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L'univers d'Ennio Morricone en dix bandes originales mythiques

"Il était une fois dans l’Ouest", "Mission", "Les Incorruptibles"… Ennio Morricone laisse derrière lui une œuvre révolutionnaire dans la musique de films.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le compositeur de musique de films italien Ennio Morricone en 2013. (J?RG CARSTENSEN / DPA)

Avec la mort de Ennio Morricone, compositeur de la musique de quelque 500 films, c’est un géant du cinéma qui disparaît. Associé à son compatriote italien, le réalisateur Sergio Leone, il est particulièrement connu pour sa contribution au western spaghetti. Mais il s’est aussi illustré dans le polar, le fantastique, la comédie et auprès de cinéastes comme Pier Paolo Pasolini, Henri Verneuil ou Roland Joffé.

En dix extraits, Ennio Morricone forever.

"Pour une poignée de dollars"

Trois ans après sa première composition pour le cinéma, Morricone signe en 1964 la musique du premier western italien, réalisé par Sergio Leone. Il innove dans l’orchestration d’une partition colorée qui le caractérise, où il introduit la guitare, le sifflement et le bruitage avec le claquement d’un fouet ou le tintement d’une cloche. Il récidivera un an plus tard dans Et pour quelques dollars de plus en creusant sa longue collaboration avec Leone, auquel il restera à jamais associé.

"Le Bon, la brute et le truand"

Conclusion de la "trilogie des dollars", avec Le Bon, la brute et le truand, le tandem Leone-Morricone est au sommet de son art en 1966. La partition est plus ample que dans les deux précédents opus. Moins mélancolique et moins référentiel à la musique mexicaine, elle joue toujours toutefois d’exotisme dans l’utilisation des voix, de bruitages, avec les superbes interventions de la guitare électrique. Le contexte de la guerre de Sécession apporte par moment une couleur militaire, et le ton parfois ironique du film transparaît dans une partition majeure du Maestro.

"Il était une fois dans l’Ouest"

Premier film de la "trilogie américaine" entamée en 1969 par Sergio Leone, Il était une fois dans l’Ouest constitue une des partitions les plus célèbres de Ennio Morricone. Son thème principal, dominé par une voix féminine teintée de nostalgie, renvoie à la fin de la conquête de l’Ouest, avec l’arrivée du réseau ferroviaire aux Etats-Unis et l’industrialisation du pays dont traite le film. Mais c’est le thème de L’Homme à l’harmonica qui restera emblématique, ou transparaît la tristesse et l’angoisse incarnées par le personnage vengeur qu’incarne Charles Bronson.

"Il était une fois en Amérique"

C’est encore la mélancolie et la nostalgie qui dominent le film et la musique de Il était une fois en Amérique en 1984, conclusion de la "trilogie américaine" de Leone. Le thème principal surprend, avec un usage inattendu de la flûte de pan qu’interprète le virtuose Gheorghe Zamfir, sur une plage de cordes tendues. L’orchestration suggère la tragédie teintée d’insouciance qui imprègne le personnage de Noodle (Robert de Niro), revenu à New York à la recherche de son passé. C’est la dernière fois que Morricone collaborera avec Leone, ce dernier mourant cinq ans plus tard, en 1989. 

"Le Clan des Siciliens"

Enchanté par la couleur si particulière des musiques de Morricone dans ses westerns, le réalisateur français Henri Verneuil fait appel à lui pour la première fois en 1969 pour son film de gangster Le Clan des Siciliens, avec Jean Gabin, Lino Ventura et Alain Delon. Le compositeur écrit une partition où domine une fois de plus une certaine tristesse. Il rejoint en cela le sujet du film, où s’effectue le passage entre la pègre de l’après-guerre et une nouvelle génération. Morricone fait une fois de plus appel au sifflement et reprend la guimbarde de ses westerns. Verneuil fera de nouveau appel à lui pour Le Casse (1971) et Peur sur la ville (1974), deux polars avec Jean-Paul Belmondo, ou Le Serpent (.1973).

"Le Casse"

Fort de la réussite de leur collaboration sur Le Clan des Siciliens, Verneuil rappelle Morricone sur son film suivant en 1971, Le Casse, encore un polar, gros succès au box-office. Toujours original dans ses orchestrations, le compositeur écrit son thème pour un piano bastringue, avec en fond sonore un chuintement dont il a le secret, créateur d’une ambiance angoissante et de suspense. Morricone reprendra un traitement semblable pour la musique du Serpent, toujours d’Henri Vernueil, pour évoquer le sifflement du reptile. Le thème du Casse, très mélodieux et entraînant est caractéristique pour la musique d’un film des années 1970.

"L’Oiseau au plumage de cristal"

Pour sa première réalisation, le réalisateur italien Dario Argento (qui a participé à l'écriture de Il était une fois dans l'Ouest) fait appel à Ennio Morricone. En 1970, L’oiseau au plumage de cristal creuse la voie du giallo (polar italien) lancé par Mario Bava, où domine des meurtres de femmes perpétrés par des déséquilibrés, dans des ambiances nocturnes et labyrinthiques. Morricone écrit un thème de générique enfantin où s’enchevêtrent voix féminines et masculines, rythmées par un timbre cristallin qui renvoie au titre du film. Mais la suite est plus atonale, notamment pour les scènes d’angoisse, rejoignant ainsi le style avant-gardiste de Dario Argento. Le cinéaste refera appel à lui pour ce qui constitue sa "trilogie animalière" après ce premier film : Le Chat à neuf queues (1971) et Quatre mouches de velours gris (1973).

"Mission"

La musique de Mission, du réalisateur Roland Joffé en 1986, est considérée par les amateurs comme une des plus belles réussites d’Ennio Morricone. Film sur la colonisation de l’Amérique du Sud par les Jésuites, et la confrontation d’un prêtre avec un mercenaire, Mission recèle une dimension épique où domine une orchestration symphonique qui met au second plan l’exotisme coutumier du compositeur. Les chœurs reflètent la dimension religieuse du sujet et la maîtrise dont a toujours fait preuve Morricone dans l’utilisation des voix.

"Les Incorruptibles"

Adaptation de la célèbre série télévisée des années 1960 par Brian De Palma en 1987, qui raconte l’enquête ayant mené à l’arrestation d’Al Capone dans les années 30, Les Incorruptibles marque un retour au thriller pour Ennio Morricone. Il privilégie dans son thème principal un rythme syncopé au piano, soutenu, scandé par les ballets frappés sur la caisse claire. Il évoque une poursuite, la chasse que mène Eliot Ness et ses hommes contre le roi de la mafia. Il fait aussi penser à des coups de feu, ce qui renvoie au bruitisme dont fait usage régulièrement le compositeur.

"Les huit salopards"

Grand mélomane, Quentin Tarantino a habitué son public à ce que la musique participe comme  personnage à ses films. Ne faisant jamais appel à des compositions originales, mais puisant dans le répertoire populaire des années 1970, Tarantino invite pour la première fois un compositeur à écrire une bande originale pour Les huit salopards en 2016. Et il n’est pas peu fier d’avoir décroché Ennio Morricone qu’il parvient à convaincre de revenir au western, alors qu’à 86 ans, il n’a pas écrit pour le genre depuis 40 ans. La musique du générique est une merveille dans le plus pur style symphonique du maestro. Tout en retenue, aux cordes profondes, elle suggère le mystère et la tension du film, quand arrive un basson débonnaire, repris par les cuivres, pour traduire la trivialité des protagonistes. Le dernier mouvement, plus enlevé, évoque la violence latente qui éclatera lors de la conclusion du film. Une splendeur.

Bonus : "Troisième concert pour guitare, marimba et orchestre à cordes – Scogna"

Comme son confrère italien, compositeur de musique de films, Nino Rota, Ennio Morricone a également écrit des pièces pour orchestre, hors cinéma. Comme Rota, il ne voulait pas être réduit à la discipline cinématographique, souvent méprisée par les compositeurs de musique dite savante. Ainsi a-t-il plusieurs musiques de chambre et pour orchestre à son actif, dès 1946, et a intégré le groupe d'improvisation et de composition avant-gardiste Nuova Consonanza en 1965. Troisième concert pour guitare, marimba et orchestre à cordes – Scogna est représentatif de sa recherche orchestrale originale, (guitare, marimba), et un usage atonal des cordes, caractéristique de son approche dramatique et créatrice d’ambiance.

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