La belle histoire du "violoncelle de guerre" racontée par Emmanuelle Bertrand et Christophe Malavoy
Le nom de Maurice Maréchal n’est pas forcément connu du grand public et pourtant, ce Dijonnais fut l’un des plus grands violoncellistes du XXe siècle, à la carrière internationale. Pas étonnant donc qu’Emmanuelle Bertrand le désigne comme son "grand-père de violoncelle" tant sa musique a bercé la musicienne depuis son enfance. Celle qui fut (entre autre) lauréate du concours Rostropovitch en 1994, a commencé à s’intéresser de près l’histoire du "Poilu" en 2007.
De bric et de broc
Le Poilu, c’est un violoncelle fabriqué de bric et de broc en plein conflit 14-18 par deux menuisiers et camarades de tranchées de Maurice Maréchal. Soldat au 274e Régiment d'Infanterie, il a été mobilisé sur plusieurs fronts : Chemin des Dames, Neuville-Saint-Vaast, Haudremont, les Eparges, et jusqu'à Verdun. L'instrument a été fabriqué avec des planches issues de caisses de munitions et de morceaux de porte de chêne, cloués (car il n’y avait pas de serre-joint sur le front) et qui semble tout droit sorti d’un tableau cubiste ! Avec lui, Maréchal joue dans les offices religieux, pour les soldats au cantonnement ou devant des hauts gradés au quartier général.s’extasie encore Emmanuelle Bertrand et d’ajouter : "Il a un son vraiment étonnant". Ce que confirme les écrits de Maréchal qui souligne le timbre magnifique du violon mais son manque de puissance dû à l'épaisseur du bois."Cet instrument ne devrait pas sonner, ça tient presque du miracle !"
"Le violoncelle de guerre"
Un son qui a résonné le 19 mai dernier au coeur du Mémorial de Verdun, où Emmanuelle Bertrand et Christophe Malavoy ont proposé "Le violoncelle de guerre", un concert lecture créé en 2011. En alternance avec Didier Sandre, Christophe Malavoy lit les textes tirés des carnets de guerre de Maurice Maréchal (il en a rempli 9 jusqu’en février 1919). Emmanuelle Bertrand l’accompagne en interprétant des musiques de Bach, Britten, Henze, Amoyel, Durosoir, Debussy... Jouer ce spectacle ici à Verdun, ça résonne de façon particulière confie Christophe Malavoy. "C’est le point d’orgue de toute notre aventure".Reportage : France 3 Lorraine - B. Demange / B. Courtaux / C. Perrin
Une fois la guerre finie, Maurice Maréchal reprend sa carrière de soliste et sillonne le monde, se marie, devient père, professeur au Conservatoire de Paris et membre de jurys des concours internationaux. Le Poilu ne sert plus mais selon Emmanuelle Bertrand, "il était plus précieux que tout" pour le musicien. A tel point qu’il laisse des consignes pour qu’à son décès, l’instrument soit conservé en lieu sûr.
Le Poilu mis "au secret"
Quand Maréchal meurt en 1964, le Poilu est légué au Conservatoire national avant de dormir dans les réserves de la Cité de la musique à Paris où personne ne peut le voir. Emmanuelle Bertrand, qui connaît son histoire (racontée par Jean Deplace, son professeur au Conservatoire de Lyon qui fut lui-même élève de Maurice Maréchal !) réussit pourtant à accéder à l’instrument et à le prendre entre ses mains.
La renaissance
Elle comprend alors qu’il est trop endommagé pour pouvoir en jouer. Grosse déception. Mais son luthier, Jean-Louis Prochasson lui propose d’en faire une copie. Mais contrairement à l’original, ce "Poilu bis" ne porte plus les noms de Foch, Mangin, Gouraud, Joffre, et Pétain qui avaient gravés leur signature sur ce violoncelle qui portait en lui bien plus que des notes de musique.
Un documentaire de 52 minutes signé Christian Leblé et intitulé 'Le violoncelle des tranchées" raconte l'histoire de Maurice Maréchal et de son instrument. Il sera présenté le 16 juin Châlons-en-Champagne. et le 11 novembre à Lunéville.
Prochaines dates du concert lecture "Le violoncelle de guerre" :
le 5 juin à Chalon-sur-Saône et le 16 juin à Châlons-en-Champagne.
Toutes les dates (jusqu’à fin 2018) sont à retrouver ici.
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