La "Folle Journée" de Nantes : le casse-tête logistique de la grand messe de la musique classique
Le transport d'instruments de musique classique est un casse-tête pour organiser un festival comme la "Folle Journée" qui rassemble des milliers de musiciens à Nantes.
Attachés à l'arrière d'un monospace ou dans un camion gardant la température en permanence à 19 degrés : le transport des instruments de musique classique est un art où il faut exceller pour organiser un festival comme la "Folle Journée" de Nantes où des milliers de musiciens sont rassemblés.
Trente-quatre pianos
"Le piano est le roi des instruments", tranche d'emblée Denijs de Winter, accordeur de pianos à queue qui oeuvre dans les coulisses du festival nantais depuis sa création. Massif - "450 kilos sans les pieds" -, précieux - "140.000 euros pour les grands pianos de concert" - et omniprésents dans le répertoire classique, les pianos nécessitent donc une équipe dédiée d'une dizaine de personnes durant la "Folle Journée".
La "cheffe d'orchestre" de cette logistique bien particulière est Alice Combre, qui a anticipé à grand renfort de tableaux colorés l'emplacement de chacun des 34 pianos qui seront nécessaires à la 26e édition du festival. "En fonction des salles, des oeuvres et des interprètes, je sais quel partenaire va pouvoir mettre quel piano dans quelle salle", raconte Alice Combre en dénombrant pas moins de 180 concerts avec piano dans la programmation, soit plus de la moitié des spectacles annoncés à Nantes de mercredi à dimanche. "Avec Beethoven, c'était une année assez facile pour moi", rassure-t-elle, en référence au thème du festival, qui à l'inverse des éditions précédentes n'est consacré qu'à un seul compositeur.
Même son de cloche pour Blanka Golaszewska, manager de l'orchestre Sinfonia Varsovia qui a acheminé par camion ses instruments les plus volumineux -violoncelles, timbales et autres cors- depuis la Pologne. "Le type d'instruments que l'on prend dépend du répertoire et avec Beethoven, c'est assez simple", explique cette polyglotte habituée à détailler aux compagnies aériennes les dimensions précises d'une contrebasse pour la faire voyager quand l'orchestre se déplace hors d'Europe.
19 degrés Celsius
Après cinquante ans passés à acheminer et accorder des instruments pour les plus grands pianistes de la planète, Denijs de Winter est aussi rompu au défi de préserver les instruments lors des voyages en avion. "J'avais eu un petit problème avec un piano et après je me suis dit, peut-être si je mets sur la caisse Attention c'est le piano d'Elton John, comme tout le monde connaît, ils vont faire attention", se remémore-t-il. Depuis, il n'a plus jamais eu de soucis, assure-t-il dans un sourire.
Si pour la Folle Journée, il n'a pas été nécessaire de faire venir des pianos de l'étranger, le transport par camion requiert toutefois une attention bien particulière. Une fois délestés de leurs pieds et couchés sur le côté, les géants qui mesurent généralement 274 centimètres - la longueur précise de l'emblématique modèle Steinway D-274 -, doivent être maintenus en permanence à une température de 19 degrés Celsius. Les camions des trois prestataires qui fournissent la "Folle Journée" en pianos, ainsi que celui du Sinfonia Varsovia, sont donc équipés d'un système de chauffage spécial qui permet aux instruments de passer la nuit sur un parking si nécessaire.
Ceintures de sécurité et coussins pour harpes
La question de la température préoccupe en fait tous les propriétaires d'instruments de musique classique. Ainsi le harpiste Sylvain Blassel ne se sépare jamais de ses instruments par crainte des vols et pour les préserver du froid. "Les harpes, je les ramène dans mon hôtel à chaque fois", explique ce musicien parisien qui a acheminé à Nantes deux de ses instruments dans le coffre de son monospace. Après avoir abaissé les sièges arrière, "je les attache avec les ceintures de sécurité et en dessous, je mets des grosses mousses pour éviter les chocs", raconte le quadragénaire.
Il estime que les musiciens, quand ils peuvent gérer eux-mêmes le transport, préfèrent toujours cette option. Plutôt que d'en emprunter sur place, "j'aime bien prendre mes instruments parce que je les connais déjà", souligne Sylvain Blassel. Mais à 3.000 euros l'aller-retour Paris-New York pour un Steinway D-274 en avion, ce choix est rarement accessible aux pianistes. Entre loueurs et pianistes s'établit donc "une confiance réciproque (...) on travaille tous pour la réussite de l'événement", conclut Alice Combre.
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