À la Philharmonie des enfants à Paris, un atelier met à l'honneur le beatbox, véritable initiation à la musique
Frottement de paumes, légers sautillements et tours de poignets : dans une salle de la Philharmonie des enfants, créée il y a deux ans à Paris, un groupe constitué d’une quinzaine de musiciens en herbe accompagnés de leurs parents semble en plein échauffement sportif. "Il faut que tout le corps soit bien réveillé, sinon ça ne marche pas", explique Robin Cavaillès. Celui qui dirige cette petite troupe avec des méthodes de professeur d’éducation physique n’a pourtant jamais enseigné que la musique. Robin Cavaillès, 36 ans, s’apprête à initier la bande à une discipline dont il a trois fois été champion de France : le beatbox.
Une batterie sans batterie
"Vous savez ce que c’est le beatbox ?" "C’est le son qu’on fait avec sa bouche", répond une petite fille du premier rang. Et le son grossit rapidement dans la salle. L’échauffement des lèvres – un bruit d’avion qui décolle – lance pour de bon la chorale.
Robin Cavaillès dessine un "P" sur une grande feuille blanche et le fait répéter à ses apprentis. "Il faut mettre ses lèvres comme pour un bisou, puis taper", précise-t-il. Le tableau se noircit alors de "P" de "Ts" et de "K". Ces lettres, ce sont les trois principaux sons de la batterie : la grande caisse, le charleston et la caisse claire. Pour la dernière, c’est une version un peu sommaire puisqu’il a fallu près de cinq ans au champion pour parvenir à la maîtriser. "Il faut énormément de travail pour parvenir à quelque chose de solide", explique celui qui pratique le beatbox depuis 16 ans, "mais en trois minutes on peut produire des sons intéressants et créer un véritable rythme".
Une discipline exigeante
Si certains parmi les participants semblent s’en sortir sans trop de difficultés, d'autres peinent à suivre. "Je n’y arrive plus du tout", chuchote une mère à sa voisine qui, de son côté, ne semble plus vraiment essayer. Au premier rang, les enfants s’accrochent et parviennent – pour certains – à un résultat très concluant.
Mais là où l’attention est à son comble, c’est bien lorsque Robin Cavaillès se laisse aller à un solo. De la batterie à la trompette, le beatboxeur fait tout un orchestre avec le simple usage de sa voix. Et les petits comme les grands restent bouche bée face à sa prestation. "La voix, c’est un instrument à part entière, c’est mon instrument. Pour les novices, ça a vite un côté virtuose, c’est assez impressionnant", analyse Robin Cavaillès.
À quelques pas de la pièce où se déroule l’atelier, dans une salle complètement vide, les enfants n’en croient une nouvelle fois ni leurs yeux ni oreilles. Sur les quatre murs, la silhouette – ou parfois la bouche maquillée de paillettes – de leur professeur du jour apparaît projetée en grand, se déplace et se multiplie pour créer toute une symphonie.
"Il y a 68 haut-parleurs dans la salle, et les sons ne sortent qu’à l’exact niveau de la silhouette ou de la bouche qui est à l’origine du son", explique le beatboxeur. En tout, ce sont quatre films qui ont été commandés par la Philharmonie de Paris et entièrement composés par Robin Cavaillès. Diffusés dans cette salle lors de toutes les visites, ils proposent une expérience sensorielle rare et ludique.
Une ouverture à la musique
Parmi les parents, Muriel, enseignante de 46 ans, n’assiste pas seulement à cet atelier pour accompagner sa fille : "J’ai commencé à faire un peu de beatbox avec ma classe car un de mes élèves était fan de cette discipline, les enfants ont adoré, ils répétaient les rythmes dans la cour de récréation".
Cette institutrice en classe de CP voit dans la discipline un moyen de proposer à ses élèves une initiation à la musique. "Beaucoup d’écoles manquent de professeurs de musique, le beatbox est un moyen simple et ludique de faire pratiquer la musique à ses élèves durant les heures de classe", explique cette dernière.
Il est vrai que le beatbox ne demande aucun investissement financier. La voix est un instrument qui s’emporte partout et qui ne coûte rien. "Dans les battles, j’ai longtemps été l’un des seuls à savoir jouer d’un autre instrument", explique Robin Cavaillès, "pour beaucoup, le beatbox a été leur première pratique musicale, et maintenant, ce sont de grands musiciens".
Des beatboxeurs en graine
Au terme de l'atelier, les jeunes particpants s'amusent librement dans l'espace de jeu de la Philharmonie des enfants. Plusieurs d'entre eux se sont réunis autour d'un séquenceur et tentent d'enregistrer les phrases musicales apprises quelques minutes plus tôt. Si certains d'entre eux peinent à reproduire le rythme et s'en vont vers d'autres jeux, ils sont quelques-uns à s'entraîner encore avec sérieux. "Ma fille m'a déjà demandé si elle pouvait s'inscrire à des cours de beatbox, mais je ne crois pas que ça existe", confie une maman.
Si la passion des petits persiste, Robin Cavaillès n'en sera pas à sa première vocation suscitée. Ancien professeur de musique, il participe fréquemment aux parcours d'éducation artistique et culturelle (PAEC) dans les collèges et anime de nombreux de stages, autant d'occasions de faire naître de futurs beatboxeurs. "Il y a quelques années, j'ai suivi un groupe de collégiens du Mans", raconte-t-il avec tendresse. "Depuis ils ont participé aux Championnats de France et certains veulent même en faire leur métier".
Ateliers beatbox à la Philharmonie des enfants. Prochaine édition le samedi 23 septembre à 14h30 et 16h. Tarif : 20 euros par participant.
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