"La reprise des spectacles, ça ne s'improvise pas" : les producteurs et salles de concerts réclament une concertation
Plusieurs syndicats du spectacle vivant guettent l'annonce prévue pour jeudi des mesures gouvernementales concernant la suite du déconfinement.
"Non à l'improvisation, oui à la programmation raisonnée et anticipée", taclent mercredi 27 mai plusieurs syndicats du spectacle vivant, dans l'attente des mesures gouvernementales concernant la suite du déconfinement promises pour le 28 mai.
Les dernières déclarations du ministre de la Culture Franck Riester sur la réouverture des salles, dans lesquelles ils ont perçu une méconnaissance de leurs métiers, les ont irrités. Le ministre Riester a dit le 27 mai sur franceinfo militer "pour l'ouverture progressive des salles de spectacles" à partir de juin et pour "réorganiser progressivement un certain nombre de concerts y compris en extérieur pour permettre aux artistes de retrouver leur public".
Les contraintes sanitaires incompatibles avec "la notion même de spectacle"
La filière "s'accommode mal des contraintes sanitaires drastiques qui sont en train d'être mises en place dans la plupart des autres pans de l'économie qui peuvent reprendre aujourd'hui", souligne le Prodiss, première organisation patronale du spectacle musical dans le privé.
La distanciation physique "sur scène et dans une salle est, par exemple, difficilement compatible avec la notion même de spectacle", ajoute le Prodiss dans un communiqué signé par d'autres syndicats - représentant les théâtres, cabarets, entrepreneurs de shows etc - Camulc, Snes et Sndtp.
"Un espace de quatre m2 pour une personne, c'est l'inverse de ce que nous voulons : rapprocher les gens", déplore pour sa part Aurélie Hannedouche, du Syndicat des musiques actuelles (SMA). Les 150 adhérents-salles de concerts ont refusé "à une grande unanimité" de rouvrir avec les mesures préconisées par l'infectiologue François Bricaire, auteur d'un rapport sur le sujet.
Ce n'est pas dans notre ADN, qui est le partage entre artistes et public, et économiquement c'est intenable
Florence Jeux, directrice du Bataclanà l'AFP
"Pour les concerts assis, avec un siège sur quatre pour assurer la déambulation, comment fait-on pour s'en sortir économiquement ? On ne peut pas multiplier les prix par quatre c'est irréaliste, c'est une méconnaissance de nos métiers", lui fait écho Matthieu Drouot, chez Gérard Drouot Productions.
Pour le Bataclan, il faudrait réduire la jauge "de 1.700 spectateurs à 3-400", calcule Florence Jeux. "Le point d'équilibre financier, c'est un remplissage entre 60 et 80%, là on serait à 25%". Sans oublier la perte des "recettes annexes - mais essentielles - que sont bars et vestiaires", secteurs à fermer selon les recommandations.
Un spectacle ne s'improvise pas et se prépare plusieurs mois
Florence Jeux pointe aussi un "manque de visibilité". "Nous ne sommes pas comme un restaurant qui rouvre du jour au lendemain. Il faut que les artistes puissent circuler: 80% de notre programmation est internationale et ils ont préféré pour l'instant reporter à 2021. Et il faut que le producteur vende les billets, en faisant de la promotion auparavant. Il faut une anticipation de quatre à cinq mois".
"La reprise des spectacles, ce n'est pas improviser une prestation sur un balcon pour la fête de la musique ou les capter en live streaming", la rejoint le Prodiss. "Nous devons préparer notre public à revenir dans nos salles pour revivre l'expérience unique d'un spectacle vivant. Et cela requiert un minimum de préparation (...) donc des temps de mise en oeuvre incompressibles de plusieurs semaines à plusieurs mois pour un spectacle".
La patronne du Bataclan s'émeut enfin de la lourdeur de charges comme "les loyers" : "pour l'instant il n'y a pas de décret qui incite un bailleur à faire des efforts, c'est de la négociation au cas par cas".
Les syndicats du spectacle vivant espèrent que les annonces de jeudi 28 mai "laisseront la porte ouverte à la concertation avec les professionnels du secteur pour que les décisions" soient prises "en accord avec les réalités de leurs métiers".
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