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Lana Del Rey se met enfin à nu sur "Norman Fucking Rockwell !" et c'est magnifique

Au sixième album, la chanteuse américaine Lana Del Rey se livre comme jamais, sa voix libérée de tout artifice et la production dépouillée faisant de ce disque, pourtant dénué de tubes évidents, un sommet. 

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Lana Del Rey sur une scène du festival espagnol de Benicassim le 19 juillet 2019. (XAVI TORRENT / REDFERNS)

Depuis toujours, depuis Video Games en 2011, on attendait cet album de Lana Del Rey sans vraiment le savoir. Sa collaboration avec la merveilleuse Chan Marshall sur le dernier Cat Power nous l'avait fait secrètement espérer et c'est chose faite. Norman Fucking Rockwell ! EST Lana Del Rey plus qu'aucun autre de ses albums. L'Américaine n'a pas changé mais elle est ici enfin absolument sincère et cent pour cent elle-même.

Il suffit de réécouter ses premiers hits pour comprendre, faites-le test. Elle se cachait alors derrière des minauderies et des artifices vocaux qui masquaient les émotions qu'elle voulait précisément surligner. Depuis 2015, elle avait ouvert un peu ses poumons mais ne livrait pas encore ses tripes vocalement. Toutes les barrières semblent être tombées depuis : Lana Del Rey est cette fois dans l'abandon total au micro. A 34 ans, et au sixième album, elle se met enfin à nu et c'est sublime.


Une production dépouillée, tout en délicatesse

Il y avait pourtant de quoi craindre qu'elle emprunte un tout autre chemin. La production est en effet co-signée Jack Antonoff, quatre Grammy au compteur, connu pour son travail efficace et ambitieux pour Taylor Swift, Lorde, Pink et St Vincent. Dès lors, on pouvait redouter un album plus ouvertement commercial. C'est pourtant tout le contraire. La plupart de ces gemmes non formatées n'ont rien de tubes pensés pour la FM.

Ainsi, l'un des sommets du disque, Venice Bitch, un titre psychédélique sorti il y a un an, et pour lequel elle avait dû batailler avec ses managers, est long de presque dix minutes.

Sur ce nouvel album de 14 titres, qui aurait cependant gagné à être réduit à dix chansons pour faire date indiscutablement, rien d'inutile ne vient déranger cette voix majestueuse, mise en valeur par des mélodies simples, quelques notes de piano et de guitare, et une batterie particulièrement discrète quand elle n'est pas carrément aux abonnés absents. Cela donne une impression d'intimité, mais aussi de proximité saisissante avec son souffle.


Au chevet de ces chansons sensuelles et poétiques, Jack Antonoff a travaillé avec sensibilité, offrant un écrin minimaliste à cette douleur existentielle, à cette mélancolie lumineuse presque folk. Il est au diapason de la chanteuse avec une production dépouillée, qui déploie pourtant une tension sous-jacente permanente faite de menus détails sonores au second plan – remarquez par exemple la sonnerie, celle d'un réveil ou d'un passage à niveau ferroviaire, presque subliminale, vers la fin de Fuck it I Love You, où la voix de Lana fait des prouesses sans forcer.

Un hommage bouleversant à la poétesse Sylvia Plath

Côté voix, on pense beaucoup à Chan Marshall (Cat Power) sur California et sur le très beau The Greatest. Introduit par un piano à la Imagine de Lennon, ponctué d'un gros solo de guitare seventies et de quelques violons, elle y chante notamment "L.A. is in flames, it's getting hot / Kanye West is Blond and gone / Life on Mars ain't just a song". L'amour, l'été, les losers, l'Amérique et la nostalgie sont toujours au coeur de son propos, y compris sur Doin' Time, sa reprise alanguie du groupe de ska californien Sublime dont elle est une grande fan, et pour lequel elle a conservé les paroles écrites du point de vue d'un homme.



Le titre qui referme l'album, Hope Is A Dangerous Thing For A Woman Like Me To Have – But I Have It est l'une de ses chansons les plus personnelles à ce jour. Elle débute un peu comme Lilac Wine de Jeff Buckley et se réfère à la poétesse et auteure américaine Sylvia Plath, suicidée en 1963. Accompagnée d'un piano au timbre assourdi, Lana Del Rey évoque sa dépression chronique en dépit du succès, et ses combats, d'une part avec l'image attendue d'une pop star mais aussi avec ses propres démons, toujours prêts à surgir de sous son lit. "Don't ask if I'm happy, You Know that I'm not / But at best, I can say I'm not sad." ('Ne me demandez pas si je suis heureuse, Vous savez que je ne le suis pas / Mais au mieux, je peux dire que je ne suis pas triste"), chante-t-elle.

Sur la pochette de l'album, la chanteuse pose à bord d'un bateau, un bras enroulé autour de l'acteur Duke Nicholson, petit-fils de Jack, sa main libre tendue vers l'objectif dans un geste nous invitant à monter bord. Montez les yeux fermés, même si elle est déjà accompagnée, on s'y sent délicieusement seul à ses côtés. 

Album "Norman Fucking Rockwell !" (Polydor) sort vendredi 30 août 2019

Lana Del Rey sera en concert à Paris le 23 février 2020 à l'AccorHotel Arena 

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