Mort de Christophe : des yéyés à la modernité électronique, itinéraire d'un musicien avant-gardiste
Comment le chanteur à succès des années "Salut les copains" a-t-il pu devenir le compositeur expérimental, obsédé de matière sonore, si respecté par ses pairs ? Voici quelques pistes pour le comprendre.
Il y a un profond mystère Christophe. Comment l'idole des yéyés, le chanteur à succès des années "Salut les copains" a pu devenir une icône branchée, un dandy esthète et respectée de ces pairs. Être à la fois un chanteur de varietoche populaire et un compositeur expérimental, c'était le style Christophe.
Le Beau Bizarre
Et comment, après une traversée du désert (son désert à lui étant son studio) pendant près de vingt ans entre Le succès fou de 1983 et Comme si la terre penchait de 2001, Christophe est devenu un mythe, lui le Beau Bizarre, ce surnom digne d'un roman, celui de sa vie.
La réponse pourrait se résumer ainsi : Christophe était en fait un personnage et un savant fou. En 2004, sous la plume d'Eric Mandel dans Le Journal du dimanche, le chanteur déclarait : "Je ne suis pas acteur professionnel, mais acteur de ma vie." Il reconnaît une schizophrénie harmonieuse entre Daniel Bevilacqua et Christophe, "et puis ça doit être monotone de n'être qu'une seule personne". Son personnage, il l'a bâti avec goût et élégance. Christophe est passé de l'amateur des belles bécanes, du collectionneur de vieux Juke box qui se décrivait lui-même comme frimeur – nous sommes dans les années 1970 – au musicien enfermé la nuit dans son home studio à la recherche du son parfait, un avant-gardiste.
Fondu de la matière sonore
Inspiré autant par John Lee Hooker que par La Callas, c'est un fondu de la matière sonore. Mais c'était aussi ne l'oublions jamais un pur mélodiste. La légende raconte qu'il a composé Aline en quinze minutes sur la table de cuisine de sa grand-mère. Preuve d'un certain talent. Avec le millénaire naissant, il est devenu "la modernité pour contrer la médiocrité du son techno", disait-il. Il est devenu ce savant mélodiste comme un peintre qui chercherait la couleur parfaite. Christophe parlait de "sa palette musicale" composée autant de sons issus d'instruments électroniques que de celui de son fidèle piano.
Ce personnage de laborantin musical, on pouvait le découvrir en son appartement visité lors de ces nuits de travail, était un véritable cabinet de curiosité où ses idoles Lou Reed et David Bowie trônaient. Pénombre, pour un laboratoire, où il pouvait prendre des jours, des semaines, peut-être des mois pour trouver la formule magique sonore. Et composer ainsi, comme il disait, les albums "d'un proche futur".
En 2010, il donnait cette explication à France Culture : "Ma mémoire sonore attrape des sons et ces sons véhiculent des images, apportent un feeling, une magie. Méconnaissant les notes, je suis incapable de jouer deux fois la même chose au piano, ma musique, c'est un coup de bol, ça fait quarante ans que je suis dans le coup de bol !"
Futuriste et poétique, c'était deux adjectifs qui allaient bien ensemble pour Christophe. Le secret de son mythe sûrement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.