Le Portugal fête sa victoire à l'Eurovision : Salvador Sobral acclamé à Lisbonne
Moins de 24 heures après avoir été sacré à Kiev, offrant à son pays un tout premier succès dans ce concours sexagénaire, le crooner de 27 ans a été acclamé par une foule d'admirateurs survoltés, criant leur joie à pleins poumons: "Salvador ! Salvador ! Portugal ! Portugal !".
Escorté par des policiers en compagnie de sa soeur aînée Luisa Sobral, auteure de la composition gagnante et elle aussi chanteuse à succès, le jeune homme aux cheveux longs et à la barbe clairsemée a eu du mal à se frayer un chemin à travers la foule compacte qui s'était massée dans le hall de l'aéroport, afin d'atteindre la voiture qui les attendait à l'extérieur.
Visiblement abasourdi par une réception digne d'une rock-star, le chanteur à la santé fragile, qui attend une greffe en raison d'une grave insuffisance cardiaque, n'a alors que timidement salué ses admirateurs, tout en gardant le sourire, un bouquet de roses dans les mains.
"Ce qui m'intéresse, c'est de faire de la musique qui a du sens"
Dirigeants politiques, internautes et médias : le Portugal s'est réjoui au lendemain de la victoire du chanteur Salvador Sobral, qui a offert à son pays un premier sacre à l'Eurovision samedi soir à Kiev. "Quand nous sommes très bons, nous sommes les meilleurs parmi les meilleurs. Félicitations à Salvador Sobral", a lancé le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, dans un message adressé au crooner de 27 ans.
"Une page d'histoire a été écrite en portugais ce soir à l'Eurovision. Bravo Salvador! Bravo le Portugal!", s'est félicité le Premier ministre Antonio Costa sur son compte Twitter. Sous les hashtag #Salvador ou #Salvadorable, des centaines de Portugais et admirateurs du monde entier se montraient comblés sur les réseaux sociaux, louant "un artiste qui chante vrai", "une "révélation de la musique" ou encore "un jeune homme plein de simplicité et de talent".
https://twitter.com/antoniocostapm/status/863525180861231104
La presse portugaise faisait une large place au sacre du chanteur de ce pays qui n'avait jamais fait mieux qu'une 6e place à l'Eurovision, en 1996.
"Essayons de changer cela et de revenir à la musique car c'est ce qui compte"
"C'est une victoire pour la musique, pour les gens qui font de la musique qui veut vraiment dire quelque chose", a réagi le jeune artiste. "La musique, ce n'est pas un feu d'artifices, ce sont des sentiments, essayons de changer cela et de revenir à la musique car c'est ce qui compte", a-t-il ajouté.Samedi à Kiev, l'artiste portugais a offert à son pays son premier sacre à l'Eurovision grâce au charme d'une voix de crooner épurée. Dans un registre intimiste, son mélancolique morceau jazzy "Amar Pelos Dois" (Aimer pour deux), composé par sa soeur aînée Luisa Sobral, chanteuse à succès, a convaincu le public malgré ses attributs éloignés des canons survitaminés de l'Eurovision. Sans chorégraphie envoûtante ni tempo dansant, sa performance exécutée en portugais plutôt qu'en anglais, fait rare à l'Eurovision, ne présentait pas au premier abord les meilleurs atouts pour séduire. "Je n'aime pas les musiques +fast-food+ sans but, mes morceaux doivent avoir un sens, je chante avec mon coeur", estimait Salvador Sobral quelque temps avant le concours. Derrière sa barbe clairsemée et son catogan, le jeune homme issu de la bourgeoisie lisboète cache une fragilité symbolisée par une voix fluette couplée à une insuffisance cardiaque ne l'éloignant jamais plus de deux semaines de ses médecins.
Coqueluche des fans
"Ma maladie, même si on ne peut pas la guérir totalement, c'est un petit problème en vérité, certainement le seul que j'ai dans ma vie", dédramatisait avant son départ en Ukraine le chanteur, toujours en attente d'une greffe de coeur, le sienétant trop gros pour son corps. Pour des raisons de santé, il n'avait exceptionnellement pas pris part en début de semaine aux répétitions organisées au centre d'exposition international de Kiev, laissant la place à sa soeur.
Favori des bookmakers avant le concours puis coqueluche des fans en s'offrant un bain de foule à son arrivée sur le tapis rouge de Kiev où il s'est senti "aussi populaire que Cristiano Ronaldo", Salvador Sobral ne s'est pas seulement déplacé pour chanter. Après sa demi-finale mardi, il arborait en conférence de presse un pull en soutien aux réfugiés. "Quand j'ai su que j'allais participer à l'Eurovision j'ai tout de suite pensé à eux, parce qu'ils quittent leur pays pour échapper à la mort. Ces personnes ne sont pas de simples immigrés", déclarait le crooner. Repéré en 2009 dans la version portugaise du télé-crochet "American Idol", comme sa soeur quelques années auparavant, le jeune homme tout juste majeur a mal vécu son exposition médiatique et s'est arrêté de chanter peu après sa sortie de l'émission.
En 2011, il quitte le Portugal pour les Baléares et un Erasmus de psychologie. Sur les îles espagnoles, il plonge dans la drogue et consomme des champignons hallucinogènes. Peu à peu, il remonte la pente et commence à se produire dans les bars et hôtels de Majorque. "C'était dur de chanter tous les soirs jusqu'à minuit mais ça en valait la peine, je pensais rester sur l'île mais quand j'ai vu qu'il ne s'y passait rien l'hiver j'ai compris qu'il fallait prendre une décision", a-t-il confié. Il rejoint alors Barcelone afin d'y étudier le jazz et parfaire sa voix. C'est dans la cité catalane qu'il découvre les compositions du trompettiste et chanteur au timbre particulier Chet Baker, aujourd'hui sa plus grande inspiration musicale. Avant de monter sur la scène du festival, Salvador Sobral assurait qu'il n'était "pas nerveux" et affichait une confiance peu habituelle chez ce grand timide. Son émotion aura fait chavirer les coeurs et permis au Portugal de profiter d'une consécration attendue par le petit pays de la Péninsule ibérique depuis sa première participation à l'Eurovision en 1964. Son meilleur classement jusqu'ici, une sixième place, remontait à 1996.
Le Portugal succède à l'Ukraine arrivée première en 2016 à l'issue d'un duel très politique avec la Russie grâce à la chanteuse Jamala et une ballade évoquant les persécutions subies à l'époque soviétique par les Tatars de Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.
La France en 12e position
Les tensions entre Moscou et Kiev s'étaient de nouveau invitées cette année dans la compétition. La candidate russe Ioulia Samoïlova, qui se déplace en fauteuil roulant, a été interdite d'entrée par les autorités ukrainiennes pour avoir chanté en Crimée. Cette décision a conduit au refus de la Russie de diffuser l'événement, et à l'exclusion du pays. Le candidat de la Bulgarie Kristian Kostov, âgé de 17 ans, a failli créer la surprise en arrivant deuxième. Né à Moscou et ayant participé à des télé-crochets russes, il s'était lui aussi produit en Crimée depuis l'annexion mais il avait été autorisé à concourir car il n'avait alors que 14 ans. La Française Alma, 28 ans, est arrivée à la 12e place avec sa chanson "Requiem".
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