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Les dinorockeurs, entre l'amour de l'art et l'appât du gain

Paul McCartney et Leonard Cohen sortent un nouvel album, les Rolling Stones vont fêter 50 ans de carrière, Iggy Pop montre toujours son torse sur scène... Zoom sur ces papys du rock qui refusent de prendre leur retraite.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Charlie Watts, Mick Jagger et Keith Richards, des Rolling Stones, à New York (Etats-Unis), en 2010. (REUTERS / LUCAS JACKSON)

En 2012, Leonard Cohen aura 78 ans, Paul McCartney 70, Iggy Pop 65, et les Rolling Stones fêteront leurs 50 ans de carrière. Même s'ils ne sniffent plus backstage en tétant une bouteille de whisky (Keith Richards excepté...), ils n'ont pas pour autant arrêté la musique, avec plus ou moins de succès, ni les concerts, avec plus ou moins d'enthousiasme.

Les vieux rockeurs ont-ils encore de quoi nous émouvoir ? Et s'ils ne raccrochent pas les gants, est-ce pour l'amour de l'art, ou bien de l'argent ?

Paul McCartney, le stackhanoviste richissime

L'ex-Beatles sort le 7 février Kisses on the Bottom, où il reprend des standards jazz américains (plus deux inédits). Mais l'artiste est plutôt un habitué des compositions originales, puisqu'il a écrit plus de 400 morceaux, période Beatles comprise. Pourtant, son dernier-né n'est "pas un luxe qu'il s'est accordé, mais un luxe pour lequel nous devrions lui être reconnaissants", juge le musicien Jamie Cullum (32 ans) dans les colonnes du Guardian.

Paul McCartney, le 30 novembre 2011 à Paris-Bercy. (PATRICK KOVARIK / AFP)

La précédente sortie solo inédite de McCartney, Memory Almost Full (2007), s'est vendue à plus de 4 millions d'exemplaires. Le succès critique est un peu moindre, avec un score de 69 sur 100 sur Metacritic, qui calcule une moyenne des notes collectées un peu partout dans les médias web. On reproche à l'album son côté fourre-tout et un poil trop nostalgique, mais Rolling Stone l'a tout de même classé 22e de son top 50 des albums 2007, et le disque a été nommé aux Grammy Awards (sans néanmoins être récompensé). Le magazine Billboard l'a, pour sa part, seulement jugé "satisfaisant".

Pourtant, Sir Paul pourrait siroter tranquillement des daïquiris dans sa chaise longue, pendant que les royalties qu'il touche toujours grâce aux Beatles font des petits sur son compte en banque. En 2011, Forbes estime sa fortune à plus de 480 millions d'euros. Ses concerts se jouent à guichet fermé et sa tournée 2010-2011 lui a rapporté près de 100 millions d'euros. Malgré tout, pour le voir chanter en France, il faut débourser entre 60 et 120 euros. 

Leonard Cohen, le poète ruiné

Le Canadien, qui n'avait pas sorti de compositions originales depuis Dear Heather en 2004, fait un retour en grâce avec un nouveau disque, Old Ideas, sorti le 31 janvier et que l'on peut écouter sur NPR. De quoi clouer le bec de la critique, qui se plaignait il y a huit ans que Cohen avait délaissé la musique dans un album parlé plus que chanté. En 2012, les éloges pleuvent : 4,5 étoiles sur 5 pour Rolling Stone, un "chef-d'œuvre" selon le titre musical britannique NME, Télérama décrit "une suite sans faute de dix titres", tandis que pour The Telegraph, c'est, "comme on s'y attendait, une œuvre de génie".

Leonard Cohen à Paris, le 16 janvier 2012. (JOEL SAGET / AFP)

Escroqué pendant des années par son ancienne manageuse, qui a détourné plusieurs millions de dollars qu'il avait mis de côté pour sa retraite, le poète, qui avait quasi-abandonné la scène pendant une quinzaine d'années, a entamé en 2008, à 75 ans, une tournée "forcée" pour se renflouer. Le prix très élevé des places (jusqu'à 155 euros en France), censé compenser ses difficultés financières, n'empêche pas les spectacles d'être complets en quelques heures. Leonard Cohen se prend au jeu et donne finalement près de 250 concerts en trois ans. Même si son ex-manageuse est toujours insolvable, Leonard Cohen s'est fait rembourser plusieurs millions de dollars par le Trésor public. On espère donc que les places pour sa prochaine tournée ne coûteront qu'un demi-bras.

Les Rolling Stones, du neuf avec du vieux

Le 4e plus grand groupe de tous les temps, selon le classement du magazine américain Rolling Stone, devrait se reformer en 2012 le temps de quelques concerts, pour fêter ses 50 ans de carrière. La bande de Mick Jagger compte pas moins de 14 sorties à son actif sur les dix dernières années. Prolifiques, les Stones ? Pas vraiment, puisqu'il ne s'agit que de rééditions, compilations, box-sets et autres lives, excepté A Bigger Bang, en 2005. Avec cet album, qui s'est vendu à 2,4 millions d'exemplaires en un an, et qui a obtenu une note moyenne de 73 sur 100 selon Metacritic, les Rolling Stones ne s'en sortent pas mal. Même si le NME estime qu'il "ne s'agit pas d'un chef-d'œuvre", "mieux vaut un monde avec les Stones que sans", jugent-ils. En 1997 déjà, leur album Bridges to Babylon avait été jugé tiédasse. Un disque qui, pour Entertainment Weekly, semblait crier, titre après titre : "Hé, les enfants ! On est toujours là ! Regardez, on a encore presque toutes nos dents !"

Pourtant, quand ils montent sur scène, les Stones ne s'économisent pas. Leur dernière tournée (août 2005-août 2007) a rassemblé plus de 4,5 millions de personnes dans 118 villes différentes et rapporté plus de 400 millions d'euros. Ce qui en fait la deuxième tournée la plus rentable de l'histoire (après le Vertigo Tour 2009-2011 de U2) selon Billboard, indique L'Express. Mais Mick Jagger n'a plus l'air très chaud. Interrogé par Le Parisien en septembre 2011 au sujet d'une tournée du cinquantenaire, il répond : "Je ne suis pas sûr d'être prêt à m'embarquer dans un périple à travers les cent plus grandes villes du monde." Avec une fortune estimée par le site The Richest à près de 240 millions d'euros, Jagger préfère visiblement laisser les manettes à sa maison de disques et ses royalties générer des intérêts.

Iggy Pop, punk un jour, punk toujours

Iggy Pop, précurseur du punk rock dès la fin des années 1960 avec ses complices les Stooges, icône sex, drugs & rock'n'roll s'il en est, continue à écumer les festivals du monde entier. Un nouvel album des Stooges est en préparation, a-t-il révélé en 2011, quatre ans après l'échec critique de The Weirdness, premier album de The Stooges depuis le cultissime Raw Power en 1973.

Iggy Pop en concert avec les Stooges au festival Hellfest, à Clisson (Loire-Atlantique), le 17 juin 2011. (FRANK PERRY / AFP)

Torse nu à 20 piges comme à 65, l'Iguane sort en 2009 un album solo, Préliminaires, qui ne se vend pas particulièrement bien. Mais pour The Guardian"c'est probablement son meilleur disque depuis Lust for Life, en 1977". Ce dernier, composé avec David Bowie, figure dans bon nombre de top des meilleurs albums de l'histoire, dont celui du célèbre magazine musical britannique Mojo, qui le classe, en 1995, 44sur 100.

En 2010, The Stooges se reforme au festival canadien NXNE, à Toronto. Le concert attire 10 000 spectateurs en délire. Iggy Pop, 63 ans, les accueille avec un "On est ce qu'il reste des putain de Stooges, et avant de mourir, on va aller jusqu'au bout avec vous !" Un show qui a la particularité d'être totalement gratuit. A croire que l'artiste se fiche totalement de rejoindre McCartney et Jagger au club des musiciens les plus riches du monde. La fortune d'Iggy Pop, estimée à plus de 11 millions d'euros, est bien maigre comparée à celle de ses compagnons de pré-retraite. Mais il se rattrape ailleurs, en participant à des campagnes de pub pour SFR ou encore les Galeries Lafayette. Pas fou, l'Iguane.

Les dinosaures du rock le savent bien : que leurs nouveaux albums soient excellents ou franchement mauvais, c'est la nostalgie qui fait salle comble. Alors, qu'ils continuent de composer parce que ça les démange ou qu'ils se reposent sur leurs hits du temps où ils avaient à peine du poil au torse, peu importe car au final, tout le monde y gagne.

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