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Little Richard, pionnier américain du rock and roll et interprète de "Tutti Frutti", est mort à l'âge de 87 ans

Son fils a annoncé samedi la mort de cette immense légende de la musique populaire qui a secoué l'Amérique des années 50. Little Richard est mort d'un cancer, a précisé à l'AFP le révérend Bill Minson, ami proche du chanteur.

France Télévisions - Rédaction Culture
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Little Richard lors d'un concert à Bobital (Côtes-d'Armor), le 8 juillet 2006. (ANDRE DURAND / AFP)

Chanteur, pianiste, compositeur, pionnier américain du rock and roll, Little Richard est mort samedi à l'âge de 87 ans. Son fils l'a annoncé au magazine Rolling Stone (en anglais), samedi 9 mai, et un ancien membre de son groupe l'a également rapporté, le même jour, dans un post sur Instagram (en anglais). Connu pour ses tubes Tutti Frutti ou encore Long Tall Sally, Little Richard est mort d'un cancer, a précisé à l'AFP le révérend Bill Minson, ami proche du chanteur.

Il embarque l'Amérique dans l'ère du rock and roll

Avec Little Richard, l'Amérique des années 1950 s'est engouffrée dans l'ère du rock and roll, électrisée par ses rythmes endiablés, secouée dans ses préjugés par son anti-conformisme assumé et flamboyant.

Little Richard, de son vrai nom Richard Wayne Penniman, est né le 5 décembre 1932, à Macon, en Géorgie, dans une famille pauvre. Sa carrière démarre dès ses 15 ans et l'amènera à ébranler le paysage musical des États-Unis, et par répercussion, celui du monde occidental sous influence de la culture américaine après la Seconde Guerre mondale.

Dans son autobiographie de 1984, Little Richard raconte que son père, tenancier de bar, tué par balle au début de sa carrière, lui a dit un jour : "Mon père a eu sept fils, et moi aussi je voulais sept fils. Tu as tout gâché, tu n'es qu'une moitié de fils." Son père mettra à la porte ce gamin rebelle, handicapé par deux jambes de longueur différente. Si le jeune Richard traîne dans les églises, attiré par leur musique, il détonne aussi par ses allures efféminées. Mais celui qu'on surnommera Little Richard ("Petit Richard") atteindra la taille plus qu'honorable de 1m80.

Le texte de "Tutti Frutti" réécrit pour ne pas heurter l'Amérique

Adolescent, le jeune Richard se fait repérer en 1947 par une chanteuse de gospel. Il commence à chanter professionnellement, notamment dans des spectacles clandestins de drag queen. Le marché de la musique étant alors en plein essor, il commence à attirer l'attention des maisons de disques. Sa chanson Tutti Frutti, qui évoque à l'origine le sexe entre hommes, devient incontournable dans ses shows.

Il ne pense pas à l'enregistrer, jusqu'au moment où un producteur de Specialty Records, label de Los Angeles spécialisé dans les artistes noirs, entend le titre. Il propose de l'enregistrer en studio avec des paroles édulcorées afin qu'il puisse passer à la radio. Les paroles sont réécrites avec le concours d'une jeune compositrice. Au lieu de "si ça ne rentre pas, ne force pas", le texte dit désormais : "J'ai une petite amie Sue, qui sait exactement ce qu'il faut faire." Dans cette nouvelle version adaptée à l'Amérique puritaine de l'époque, avec son intro mythique "Awop bop a loo mop / Alop bam boom"Tutti Frutti cartonne... Lors d'un concert à Baltimore en 1956, des femmes se déshabillent et jettent leurs sous-vêtements sur scène, tandis que la police empêche des fans d'envahir la scène ou de se jeter des balcons.

Des tubes à la chaîne, puis un virage spirituel

D'autres succès massifs arrivent, comme Good Golly, Miss Molly (1956). Devenu un homme riche, Little Richard achète une villa à Los Angeles et s'y installe avec sa mère. Parmi ses autres très grand succès, on peut citer Lucille (1957), Long Tall Sally (1956)...

"On n'avait jamais vu un artiste venu du R&B si extraverti, si sauvage, si bruyant", confiera à l'AFP Chris Morris, un musicologue qui remastérisa son album Here's Little Richard (1957).

Avec d'autres artistes comme Chuck Berry ou Fats Domino, Little Richard, issu du rhythm'n' blues, permet l'émergence d'un genre nouveau, le rock and roll. Mais si ses deux contemporains sont plutôt sages à côté de lui, Little Richard fera souffer un vent de scandale dans cette musique, avec ses chemises criardes comme aucun homme n'en porte alors, sa coiffure banane de 15 cm de haut et sa moustache ultra fine, sans parler de quelques orgies dans les chambres d'hôtel dans les années 60.

Un coup de théâtre surgit en 1957. Alors qu'il est au sommet de sa gloire, Little Richard annule subitement une tournée en Australie et se proclame missionnaire de la congrégation évangélique "Church of God". Après sa conversion, il épouse Ernestine Campbell, une secrétaire de cette église, et ils adoptent un fils. Quatre ans plus tard, le mariage sombre après l'arrestation de Little Richard pour comportement indécent avec des hommes dans des toilettes.

Les déclarations de l'artiste sur ce thème de la sexualité varieront au fil du temps. En 1995, celui qui se disait "omnisexuel" confiait au magazine Penthouse : "J'ai été gay toute ma vie et je sais que Dieu est un Dieu d'amour, pas de haine."  En 2012, il déclarait au magazine GQ : "Nous sommes tous à la fois homme et femme. Le sexe, pour moi, est comme un buffet. Tout ce qui me tente, je le prends." Mais fin 2017, il déclarait, sur une chaîne de télévision religieuse de l'Illinois, l'homosexualité "contraire à la nature".

Dans sa biographie, Little Richard expliquait qu'il voyait le rock, ce genre dont il était le pionnier, comme "une musique démoniaque". Il a été l'un des premiers artistes à être introduits en 1986 au Rock and Roll Hall of Fame, le panthéon américain du rock et de la culture populaire, aux côtés d'autres fondateurs du genre comme Elvis Presley ou Jerry Lee Lewis.

Pluie d'hommages, de Paul McCartney à Halle Berry

Sa musique a inspiré des artistes légendaires comme les Beatles (qui l'ont un temps accompagné en concert), David Bowie, Elton John ou les Rolling Stones, qui n'ont pas manqué de lui rendre hommage tout au long de leur carrière. David Bowie avait expliqué avoir été fasciné par Little Richard en le voyant jouer dans un film à l'âge de sept ans. "Sans lui, je n'aurais pas fait de la musique", avait-il dit.

Paul McCartney et Ringo Starr ont rendu hommage à leur héros de jeunesse sur les réseaux sociaux. "Dieu bénisse Little Richard l'un de mes héros musicaux de tous les temps", a posté samedi l'ex-batteur des Beatles sur Instagram. Dimanche, Paul McCartney a rendu un hommage plein de sincérité au rocker américain : "Little Richard a surgi dans ma vie avec ses cris lorsque j'étais adolescent. Je dois en grande partie à Little Richard, et à son style, ce que je suis devenu, et il le savait. Il disait : 'J'ai appris à Paul tout ce qu'il sait.' Et je devais admettre qu'il avait raison."



Le cinéaste Spike Lee a posté samedi sur Twitter, en hommage à "l'un des vrais créateurs du rock and roll", une publicité de 1991 dans laquelle il dirigeait le rocker et le basketteur Michael Jordan.


Bob Dylan a rendu hommage samedi soir, via les réseaux sociaux, à Little Richard : "Il était mon étoile brillante, la lumière qui m'a guidé quand j'étais petit. C'est l'esprit original qui m'a poussé à faire tout ce que j'ai fait. J'ai fait des spectacles avec lui au début des années 90. Il était toujours toujours généreux, gentil et humble. Et en tant que musicien et performeur, toujours de la dynamite, on pouvait toujours s'appuyer totalement sur lui. En sa présence, (...) je me sentais le même petit garçon qui l'admirait autrefois (...) C'est comme une partie de votre vie qui s'en va."


Mick Jagger, chanteur des Rolling Stones, s'est dit samedi "tellement attristé" par la disparition de Little Richard, "la plus grande inspiration du début de son adolescence". "Quand vous jouez sa musique aujourd'hui, elle a toujours la même énergie crue, électrique, qu'elle avait quand elle a surgi au milieu des années 50 (...) Tu vas me manquer, Richard." 



L'actrice Halle Berry a posté sur Twitter une séquence ineffable, avec Little Richard dans son propre rôle, extraite du film Why Do Fools Fall in Love (Gregory Nava, 1998). Tout en auto-dérision, mais en lançant au passage : "Je suis le novateur, l'émancipateur, j'ai tout conçu, façonné (...), alors l'homme blanc l'a volé. Il a tout pris." La tirade, assénée devant une Cour de justice, s'achève sur une allusion homosexuelle qui choque l'auditoire...


Jimmy Page, l'illustre guitariste de Led Zeppelin, a salué samedi sur Facebook "une bien triste perte". "Ce sont les morceaux de Little Richard qui ont façonné le rock and roll."



Nile Rodgers, du groupe funk-pop Chic, a lui évoqué sur les réseaux sociaux "la perte d'un géant, réellement".

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