"Madame Ose Bashung" au théâtre du Rond-Point : l'œuvre de l'artiste revisitée dans la démesure d'un cabaret "foldingue"

Trois créatures queer, un quatuor à cordes et à perruques, une pianiste revêche et virtuose, un guitariste cuir et Stetson : si vous aimez follement Alain Bashung, vous aimerez divinement "Madame Ose Bashung".
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5min
Le trio Corrine, Brenda Mour et Patachtouille dans "Madame Ose Bashung", au théâtre du Rond-Point, à Paris. (YVES CHARLÈNE)

Le théâtre du Rond-Point, pour les fêtes de fin d'année et jusqu'au samedi 28 décembre, se transforme en cabaret. Un cabaret sauvage, pour un hommage au plus poétique des chanteurs, "Monsieur Alain Bashung", comme le clame la meneuse de revue Corrine.

De son vrai nom Sébastien Vion, Corrine depuis trente ans voue un culte irrévérencieux au chanteur. En une heure et quinze minutes, concocté par Vion et la Cie Le Skai et l'Osier, le spectacle Madame Ose Bashung offre une cavalcade effrénée des mots et des grooves de Bashung. 

Un cabaret "folle"

Il fallait oser tout pour raconter Bashung sur scène, quinze ans après sa mort. Osez Joséphine, de l'album éponyme sorti en 1991 et écrit par Jean Fauque, ouvre le bal et le ton est donné. Madame Ose Bashung est un récital. Définition de récital : interpréter une œuvre et de manière exceptionnelle. Les mots de cet hymne à la liberté féminine résonnent. Brenda Mour, panthère noire à talons hauts et faux cils, clame : "À l'arrière des Dauphines/Je suis la reine des scélérates/Plus rien ne s'oppose à la nuit."

Si le répertoire de Bashung ne s'oppose en rien à ce show de paillettes et de boule à facettes, mais aussi de mélancolie sombre, c'est bien qu'en 16 albums, le chanteur avait bâti un univers aussi poétique que désespéré. Sébastien Vion, initiateur et metteur en scène, dans l'avant-propos du spectacle, explique son admiration datant de ses 16 ans. Il découvre Bashung en concert à Châlons-sur-Saône où il étudie le cirque. "Ce fut une expérience incroyable, à la fois violente et poétique, bruyante et irrévérencieuse, métallique et sensible." Le compte est bon pour aligner les qualificatifs "bashungiens".

Complice de Corrine dans le spectacle, Patachtouille, alias Julien Fantou, aussi nommée la "Madonna ardéchoise", enchaîne Les Vertiges de l'amour et ses "J'ai crevé l'oreiller/J'ai dû rêver trop fort". Ainsi, allongée dans des draps de satin et avec sa voix de baryton, c'est la poésie de Boris Bergman qui saute du lit.

On se surprend ensuite à entendre un Bashung revenu des limbes quand la meneuse de revue Corrine, voix grave et mâle à souhait, en fourreau de dentelle et spencer de cuir, récite avec seul compagnon, les cordes du quatuor, Venus. Le long poème écrit par Gérard Manset pour l'ultime Bleu pétrole en 2008 prend là toute son ampleur. Bashung, déjà malade, portait sa voix des ténèbres, Corrine semble en revenir.

Un hommage aux paroliers

Ce spectacle a été créé sur la petite scène de Madame Arthur, de la rue des Martyrs à Paris, cabaret transformiste et "100% musique en français" comme l'indique l'affiche du lieu. Revisiter les classiques de la chanson française, détournée "mode drag queen" est la spécialité de Madame Arthur. Dalida, Clara Luciani ou Joe Dassin font partie de ses proies. Mais s'attaquer à Alain Bashung s'apparentait à un pari audacieux. Le chanteur est loin des paillettes de la variété. C'est la force de ce show : extravagance et rock'n'roll sont deux mots qui vont très bien ensemble.

Parmi les quinze titres de la soirée, il y a les chansons culte de Bashung et elles sont nombreuses, mais aussi quelques pépites oubliées des années 1970. Et à chaque morceau, c'est l'écriture qui jaillit et qui surprend. Les textes d'un Boris Bergman pris en étau entre surréalisme et bons mots un brin potaches : "Quand Gisèle clape dehors/J'aurais pas dû ouvrir/À la rouquine carmélite/La mère sup' m'a vu v'nir/Dieu avait mis un kilt", ou les récitatifs de Jean Fauque de La nuit, je mens, "J'ai dans les bottes des montagnes de questions/Où subsiste encore ton écho", auraient très bien pu être écrits pour les trois grâces à hauts talons et perruques démoniaques.

Julien Fanthou, Patachtouille, interprétant "Les Petits enfants" d'Alain Bashung dans "Madame Ose Bashung". (YVES CHARLENE)

"Les mots de Bashung me correspondent", disait Sébastien Vion au micro de Frédéric Pommier. "Chacun fait son propre chemin avec les chansons de Bashung et ce sont des résumés de là où je suis. C'est le phare dans la nuit."

Mention spéciale pour les perruquiers à rendre jaloux l'ensemble de la cour de Versailles et pour Quentin Signori, voltigeur sur Volutes dans les airs et main dans la main avec Corrine. "Vos luttes partent en fumée/Sous les yeux embués/D'étranges libellules", dit la chanson toujours et encore d'actualité.

Affiche de "Madame Ose Bashung", au théâtre du Rond-Point, à Paris. (MONSIEUR GAC)

"Madame Ose Bashung", conception et mise en scène par Sébastien Vion, est à découvrir au théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au samedi 28 décembre, puis en tournée.

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