Mort de Paul Lederman : procès, sketchs de Coluche, mentor de Claude François... une vie de l'ombre dans le star-système des années 1980
Avec son flair et un sens commercial hors pair, Paul Lederman a été pendant des décennies un incontournable faiseur de rois. Accrochant aussi à son tableau de chasse Hervé Vilard, Mike Brant, Michel Polnareff, Christophe, Michèle Torr, Thierry Le Luron ou encore Renaud, ce disquaire est devenu découvreur de talents. Il est décédé à 84 ans.
"Mon talent, c'est de découvrir les talents avant les autres, c'est tout... Quand j'auditionne un artiste, j'essaie de regarder ce que l'œil ne peut pas voir. C'est mon côté psy", déclarait-il au magazine Paris Match en 1997.
Mémoire auditive hors du commun
Producteur avisé, Paul Lederman s'assure aussi des recettes substantielles en vendant par centaines de milliers dans les années 1980 des disques-compilations à thème (Les meilleurs slows, Les plus belles chansons d'amour, Les plus grands tubes classiques...). "Paul est un plombier de luxe, c'est un fabricant de tubes comme il n'y en a pas", disait de lui Thierry Le Luron, imposé par Lederman quand tout le milieu du showbiz pensait que jamais un imitateur ne pourrait devenir une vedette.
Né en mai 1940 au Maroc, alors sous protectorat français, Paul Lederman est le fils de juifs polonais très modestes. "On manquait d'argent, mais on avait tout le reste". En 1945, la famille débarque à Marseille avant de s'installer à Paris. Il abandonne tôt l'école et décroche à 15 ans un job de disquaire à Versailles puis aux Puces.
"En vendant des disques, pris d'une véritable frénésie, je me suis mis à écouter des milliers de chansons". Doté d'une mémoire auditive hors du commun, il lui suffit d'écouter une fois un morceau pour l'enregistrer.
Un atout majeur pour celui qui passe ses soirées au Golf Drouot, vite devenu le "Temple du rock" à Paris. C'est là qu'il croise Lucky Blondo, dont il fait son premier artiste avec la chanson Jolie petite Sheila, classée numéro 1.
Puis il découvre Claude François, batteur encore inconnu de 20 ans, et lui fait chanter Belles, belles, belles et Si j'avais un marteau. Il invente avec son poulain une nouvelle façon de conduire la carrière d'un artiste, s'en occupant de A à Z : psychologiquement, artistiquement, promotionnellement et financièrement. Très proche de "Cloclo", il nommera ses deux premiers enfants... Alexandre et Alexandra (la troisième s'appelle Jessica).
Accusé d'exploiter les qualités de ses artistes
Paul Lederman n'a pas son pareil pour trouver de nouvelles pépites, comme Coluche, croisé en 1974 au Café de la Gare. L'humoriste aimait raconter leur première rencontre, décisive pour lui. "Il me dit 'si tu m'écoutes bien, tu vas devenir une star'. Je l'ai pris pour un dingue, mais j'ai fait comme il a dit et, quelques mois après, j'étais devenu Coluche...".
Avec ce comique, il est à l'origine de plusieurs coups de génie, comme la vraie-fausse candidature à la présidentielle de 1981, qui lui assure une immense couverture médiatique, et le fameux "mariage" Le Luron-Coluche...
Un ange gardien que ses détracteurs dépeignent aussi en requin aux dents longues. Il est parfois accusé d'exploiter les qualités de ses artistes dans tous les sens du terme. "De l'argent, j'en gagne, mais ce n'est pas le moteur", balayait l'intéressé.
"Un exploiteur se contente d'exploiter. Moi, je travaille dix-huit heures par jour et c'est donc moi 'l'exploité' mais je ne me plains pas, j'aime ça".
Avec Les Inconnus, qu'il a lancés, la collaboration se finit au tribunal. Lederman accuse le trio d'avoir violé ses obligations contractuelles, mais perd son procès. Rebelote avec les fils de Coluche, en conflit ouvert avec lui depuis la mort de leur père en 1986 à propos de droits d'auteur sur une série de sketches. Au terme d'un marathon judiciaire, l'impresario est condamné à leur verser plus d'un million d'euros en 2019.
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