Christian Mousset, le fondateur de Musiques Métisses, passe la main
"Le festival a commencé en 1976, j'en suis le fondateur. Mais en plus, j'ai aussi créé deux labels - Marabi et Indigo - pour essayer de sortir des albums. J'ai aussi été un peu à l'origine des marchés de professionnels de festivals en Europe. J'ai jamais arrêté, et à un moment, il faut passer la main", explique à l'AFP Christian Mousset.
Cet ancien disquaire a découvert les musiques noires via le jazz et le blues. "Je devais avoir dix ans. Un officier américain logeait dans la maison que lui louait ma grand-mère, juste à côté de chez elle, à Royan (Charente-Maritime)", se souvient ce fils de bouchers-charcutiers aisés.
Reportage : J.Deboeuf, C. Guinot, J.Deba
Une belle collection de disques
"Il me semble qu'il était métis. Il m'avait offert une pile de 45 tours : Ray Charles, avec un blues qui s'appelait 'Drawn in My Own Tear', Nat King Cole, Ella Fitzgerald... J'avais adoré, et j'ai commencé à m'intéresser aux musiques noires et à leur histoire : l'Afrique, l'esclavage, la colonisation, les circulations de ces musiques", se souvient-il. "J'ai aussi commencé à m'intéresser à ce qui était né de tout ça, aux musiques latines par exemple."Christian Mousset vit ensuite une scolarité mouvementée, entre Bordeaux et Saintes, mais se constitue déjà une belle collection de disques grâce à l'argent de sa grand-mère. "Le premier disque de musique africaine que j'ai acheté, c'était 'Armée Guinéenne' du Bembeya Jazz, à Barbès, à 16 ans", se souvient-il. "J'ai été stupéfait par le son".
Son bac en poche, il tente d'aller enseigner en Afrique : "J'avais demandé le Bénin et le Togo, et me suis retrouvé à Oran..."
Le premier festival en 1976, avec Michel Portal, Eddy Louiss et Didier Lockwood
Puis ce sera Düsseldorf, en Allemagne. "J'étais parti avec un copain qui voulait aller en Suède, et on s'est arrêté à Düsseldorf, j'avais 22 ans", raconte-t-il. Il y deviendra disquaire dans un grand magasin.Revenu en Charente, il ouvre son magasin, Disc 22, en 1972 à Angoulême, "un endroit où il n'y avait vraiment rien".
C'est tout naturellement que cet homme curieux et débrouillard y crée "son" festival, en 1976 : Jazz en France, qui deviendra Jazz et Musiques Métisses, en 1987, puis Musiques Métisses, en 1992.
"Au départ, il n'y avait pas que du jazz", insiste Christian Mousset. A l'affiche de la première édition, aux côtés des Français Michel Portal, Eddy Louiss et Didier Lockwood, figurait ainsi Chris McGregor, un Sud-africain blanc qui brassait le jazz et les musiques de son pays avec le "Brotherhood of Breath". Le trompettiste sud-africain Hugh Masekela viendra l'année suivante.
Salif Keita, Kassav, Danyèl Waro, Cesaria Evora en première
Christian Mousset peut se targuer d'avoir programmé dans son festival, en première européenne, le Malien Salif Keita et les Antillais de Kassav, en 1984, le Réunionnais Danyèl Waro, en 1985, alors que la "world music" n'en était qu'à ses balbutiements. Puis ce furent le Sénégalais Ismaël Lô, en 1989, la Cap-Verdienne Cesaria Evora, dès 1991..."Ce dont je suis fier, c'est d'avoir été modestement l'un des premiers à faire entrer dans ce qu'on appelait 'la sono mondiale' tous ces musiciens. Quand on parlait des Antilles, on parlait de La Compagnie Créole. Et je ne te parle même pas de l'Afrique !"
"Ces musiques sont rentrées partout, Salif Keita peut maintenant passer dans des festivals jazz, ou rock. On les a fait sortir du ghetto."
Christian Mousset passe la main à Patrick Duval
La 40e édition de Musiques Métisses, qui se tient de vendredi à dimanche sur l'île de Bourgines, sera un trait d'union entre anciens et modernes.Au rayon des modernes : les Français d'Akala Wubé, qui travaillent sur les musiques éthiopiennes, Voodoo Game (afro-beat et funk), et Orange Blossom qui propose un croisement électro et musiques orientales.
Dans celui des anciens : le Malien Boubacar Traoré, Les Ambassadeurs, un groupe mythique mandingue de Bamako reformé récemment, et le Bamba Wassoulou Groove, "un groupe dont j'ai produit le nouvel album, resté nature avec ses guitares flamboyantes".
Christian Mousset passera ensuite la main à Patrick Duval, directeur du Rocher de Palmer, à Bordeaux. Mais sa bouille ronde et son regard vif ne disparaîtront pas : "Je continue à être curieux et à fureter", dit Christian Mousset, qui va retravailler pour Label Bleu, "en freelance".
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