Des survivants du ghetto montent un groupe et retournent jouer à Varsovie
Depuis un petit plateau installé au coeur même de l'ancien ghetto de Varsovie, Saul Dreier, 91 ans, lance de derrière sa batterie : "Tout le monde est heureux ?" La foule répond par un "oui" enthousiaste.
Le duo vigoureux "joue pour ceux qui ont péri, pour la paix dans le monde. C'est aussi simple que ça", indique juste avant à l'AFP cet entrepreneur en bâtiment à la retraite.
Saul Dreier a survécu à trois camps de concentration. Pendant la Seconde guerre mondiale il a perdu presque toute sa famille. "Mes parents ont été brûlés à Treblinka, Majdanek ou Belzec. Je ne sais pas dans lequel" de ces camps de la mort installés par l'Allemagne nazie en Pologne occupée, raconte-t-il.
"Et les autres ont été brûlés à Auschwitz", le plus grand camp de la mort où 1,1 million de personnes, surtout des juifs européens, ont perdu la vie.
De retour à Varsovie à 88 ans
Reuwen "Ruby" Sosnowicz, l'autre pilier du groupe, chante en yiddish et en polonais, en s'accompagnant à l'accordéon et aux claviers. Cet homme de 88 ans est de retour dans sa Varsovie natale pour la première fois depuis qu'il s'est échappé du ghetto avant de trouver abri pendant trois ans dans une grange, chez un fermier polonais. "Certains étaient des gens agréables, prêts à aider. Le fermier a fait une grande chose. S'ils avaient découvert ce qu'il faisait ils l'auraient tué", souligne Sosnowicz.Devant plusieurs centaines de personnes dansant, chantant et buvant de la bière, les musiciens ont invité sur scène le jeune et populaire Orchestre sentimental de Varsovie, et la star du rock polonais Muniek Staszczyk. "C'est un grand honneur d'être là avec les gars", a déclaré humblement le chanteur de 52 ans.
"Leur optimisme est contagieux. Ils sont pleins de vie", s'enthousiasme Justyna Tarnacka face à la prestation de Holocaust Survivor Band. "C'est phénoménal. Je les admire. Ils ont tant d'énergie. Nous ne saurions en avoir autant à 90 ans, même si on vit aussi longtemps" qu'eux, ajoute cette jeune journaliste de télévision.
Des "miracles", dans les camps et dans la musique
Saul Dreier attribue cette vigueur "à Dieu et aux miracles"."Il y a eu des miracles dans des camps de concentration, pendant la fugue. Maintenant il y a des miracles dans notre musique", dit-il. L'inspiration est venue il y a deux ans, quand il a lu une nécrologie d'Alice Herz-Sommer qui avait survécu au camp de concentration de Terezin en jouant du piano et qui est décédée à l'âge de 110 ans.
"J'ai senti alors mon coeur battre", se rappelle-t-il, et il a couru immédiatement demander l'avis de sa femme sur l'idée de créer un groupe de survivants de l'Holocauste. "Tu es fou ?", a-t-elle répondu tandis que son rabbin renchérissait "à quoi bon ?".
"Comme ces gens m'ont dit 'non', j'ai dit 'oui' !", sourit le vieux musicien. "Le lendemain, je suis parti m'acheter une batterie, toute neuve !".
La musique, "meilleur guérisseur dans la vie"
C'est alors qu'il tombe sur Sosnowicz, coiffeur, musicien depuis toujours. "Un grand musicien. Le meilleur !", insiste Dreier.L'idée est venue à point nommé, dit Chana Rose, la fille de Sosnowicz, qui est le manager et membre du groupe. "Ma maman était très malade, elle avait une crise généralisée. Et papa a sombré dans la dépression... Du coup je me suis dit: 'Ouah, ce serait génial pour papa", raconte-t-elle à l'AFP.
Depuis, les vieux musiciens ont donné des concerts dans des centres de soins, des synagogues et ailleurs en Floride - même au casino The Venitian à Las Vegas. En Pologne, ils sont allés à Auschwitz et à Treblinka.
"La musique fait vivre. Même pendant la guerre, nous avons joué de la musique. Nous n'avions rien à manger, mais nous aimions la musique," souligne Sosnowicz. Pour lui, "la musique est le meilleur guérisseur dans la vie".
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