Rentrée 2015 : tour d'horizon des albums des musiques du monde
- "Amália - Les voix du Fado" (interprètes multiples)
Réalisé sous la direction artistique de Ruben Alves, cinéaste franco-portugais ("La Cage dorée") et acteur, ce disque célèbre la légendaire Amália Rodrigues (1920-1999), l'inoubliable "Reine du fado". Il réunit six grandes voix du Portugal - Carminho, Ricardo Ribeiro, Ana Moura, Camané, António Zambujo, Gisela João - qui chantent parfois en solo, parfois en duo. Il y a aussi des invités comme le Brésilien Caetano Veloso, la Capverdienne Mayra Andrade, l'Angolais Bonga et l'Espagnol Javier Limón, un trio de guitaristes pour un hommage instrumental, et enfin Celeste Rodrigues, la sœur d'Amália. Beau, émouvant, parfois bouleversant.
- René Lacaille èk Marmaille : "Gatir"
René Lacaille, musicien multi-instrumentiste et chanteur réunionnais, a sorti un nouvel album, "Gatir", qu'il a enregistré avec ses enfants Marco et Oriane qui l'accompagnent depuis leur adolescence. Le disque comprend dix nouveaux morceaux (huit chansons, deux instrumentaux) où cohabitent les rythmes du séga, du maloya et du moringue, ainsi qu'une reprise en créole et en français d'"Alfonsina y el mar", célébrissime chanson argentine. Un album plein de fraîcheur, parfois d'humour, que le jeu à l'accordéon de Lacaille teinte parfois d'une tendre mélancolie. En tournée (agenda ici) et en concert à Paris, au Studio de l'Ermitage, le 29 octobre 2015.
"Gatir", chanson-titre de l'album sorti le 29 août 2015 chez L'Autre Distribution
- Ballaké Sissoko & Vincent Segal : "Musique de nuit"
"Musique de nuit" est le deuxième fruit discographique de la rencontre amicale et artistique du koriste malien Ballaké Sissoko et du violoncelliste français Vincent Segal. L'album a été enregistré à Bamako sans aucun autre musicien - à l'exception de la chanteuse Babani Koné sur "Diabaro" - lors de deux sessions, l'une de nuit sur le toit de la maison de Sissoko, l'autre de jour dans un studio, quelques jours après les attentats de janvier, deux moments musicaux et autant de baume au cœur en réponse à la violence du monde. Le duo a enchanté le public de Jazz à la Villette. Un des plus beaux disques de la rentrée.
- Tigran Hamasyan et le Chœur de chambre d'Erevan : "Luys i Luso"
Pour le centenaire du génocide des Arméniens, le pianiste de jazz Tigran Hamasyan s'est immergé dans la musique sacrée de son pays. Choisissant un corpus courant du Ve au début du XXe siècle, des chants sacrés de Mesrop Mashtots à Komitas. Le virtuose de 28 ans a fourni un travail d'arrangement, de composition et d'improvisation autour de ces œuvres. Le résultat, enregistré avec le Chœur de chambre d'Erevan dirigé par Harutyun Topikyan, captive, envoûte et bouleverse. En concert le 8 octobre à Lille, le 9 à Lyon, le 10 à Belfort, le 19 à Angoulême, le 20 à Paris, le 21 à Nîmes, le 22 à Marseille (agenda sur son site).
- Carmen Souza & Theo Pascal : "Epistola"
Carmen Souza, née au Portugal de parents capverdiens, travaille depuis ses débuts avec le bassiste Theo Pascal. Pour la première fois, leurs deux noms s'affichent sur leur nouvel album "Epistola" (et non plus le seul nom de la chanteuse) présenté comme "une lettre ouverte à quiconque est avide de nouvelles expériences musicales". Enregistré à Lisbonne, Londres et New York, le disque est en effet un laboratoire où les deux artistes mêlent leurs influences. On y entend beaucoup de jazz sur lequel Carmen Souza pose son identité capverdienne, ses mots en créole capverdien, en français ou en anglais, et cette voix inimitable, radieuse, entre ton mutin et moqueur. Outre leurs compositions, le disque comprend aussi des reprises de Horace Silver et Glenn Miller. En concert à Paris, au New Morning, le 30 septembre.
- Oum : "Zarabi"
La chanteuse marocaine Oum vient de sortir son quatrième album, "Zarabi", un mot qui signifie "tapis" en dialecte darija. L'artiste trentenaire y rend hommage aux tisseuses du village de M'hamid, d'où l'esthétique colorée du disque. Oum, qui compose et écrit ses chansons, possède de surcroît une voix belle et sensuelle. Dans "Zarabi", elle fusionne sa culture orientale au jazz, à la soul et à "l'humeur du désert", selon ses propres termes. Ce disque délicat et poétique s'achève par une reprise du standard cubain "Veinte años". En concert le 13 octobre à Paris, au Café de la Danse.
- Ibrahim Maalouf : "Kalthoum" et "Red & Black Light"
Le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf a encore frappé. Cette fois, ce n'est pas un, mais deux albums qu'il a sorti le même jour, 25 septembre, chez Mi'ster Productions / Decca. Deux albums en hommage aux femmes. Dans "Kalthoum", il célèbre la femme au travers d'une figure mythique, la chanteuse Oum Kalthoum (1898-1975). Avec le pianiste Frank Woeste, il a réarrangé avec les codes du jazz la suite "Alf Leila Wa Leila" ("Les Mille et une nuits", 1969), recrutant pour l'occasion le brillant saxophoniste Mark Turner. Dans "Red & Black Light", changement complet de climat. Maalouf fête la femme d'aujourd'hui avec ses propres compositions - excepté une reprise de Beyoncé - livrées dans des arrangements électro et pop d'abord accessible, tout en revendiquant le recours à des mesures composées et des polyrythmies. Avec Éric Legnini au Fender Rhodes. Même si l'on sort ici de la "world music", ces deux sorties sont indissociables. Rappelons que Maalouf, boulimique de travail, a aussi produit le nouvel album de Natacha Atlas, "Myriad Road", à paraître le 25 octobre.
- Vinícius Cantuária : "Vinícius canta Antônio Carlos Jobim"
Natif de Recide, installé à New York, le chanteur et guitariste brésilien Vinícius Cantuária rend régulièrement hommage à Antônio Carlos Jobim (1927-1994) dans ses albums, glissant ici et là une reprise du compositeur de la bossa nova. Cette fois, c'est tout un album qu'il lui consacre. Le disque débute par l'envoûtant "Lígia", un titre très apprécié de Cantuária. S'il comporte quelques standards bossa ("Só danço samba", "Garota de Ipanema"...), il renferme aussi des trésors pas forcément connus dans nos contrées, comme "Você vai ver" ou "Por causa de você". Et si l'on ajoute qu'il s'est entouré d'invités comme Joyce Moreno, Bill Frisell, Ryuichi Sakamoto ou Melody Gardot, on comprend que l'on est en présence du disque brésilien incontournable de la rentrée. En concert les 18 et 19 novembre à Paris, au Duc des Lombards.
- Sons of Kemet : "Lest we forget what we came here to do"
Quartet anglais fondé à Londres en 2011, Sons of Kemet se démarque d'abord par les instruments qui composent ce groupe : un saxophoniste-clarinettiste, Shabaka Hutchings, un tubiste, Theon Cross (il a remplacé Oren Marshall à ce poste) et deux batteurs, Tom Skinner et Seb Rochford (ce dernier étant également le producteur). Succédant à "Burn" (2013), l'explosif deuxième album "Lest we forget what we came here to do" est présenté par Hutchings comme "une méditation sur la diaspora caribéenne en Grande-Bretagne". Présenté récemment à Jazz à la Villette, le nouveau disque, qui s'ouvre sur un hommage à un adolescent palestinien tué par l'armée israélienne en 2013, est balayé de rythmes électrisants qui puisent le plus souvent leurs sources en Afrique. Une musique simple et puissante, sauvage, taillée pour la scène, la danse, la transe.
- Baba Sissoko : "Three Gees"
Le Malien Baba Sissoko, descendant de griots, chanteur, percussionniste (expert du tambour tamani), joueur de luth n'goni, réunit dans son disque "Three Gees" plusieurs influences et générations. Sa musique aérienne, aux climats blues et soul, est imprégnée de l'amandran, structure répétitive et hypnotique spécifique au Mali. Quand on sait que le blues trouve son origine en Afrique de l'Ouest, on peut dire que Baba Sissoko est le plus authentique des bluesmen. Dans son disque, Baba Sissoko a fait appel à deux voix féminines, Djeli Mah Damba Koroba et Djana Sissoko, respectivement sa mère et sa fille, et au renfort subtil d'une guitare électrique, d'une basse et de claviers.
- Dorantes & Renaud Garcia-Fons : "Paseo a dos"
Ils se sont souvent croisés sur scène, parfois en studio. Il était temps qu'ils enregistrent tout un album ensemble. Dorantes est un pianiste de flamenco natif de la région sévillane. Renaud Garcia-Fons est musicien français d'origine catalane, maître de la contrebasse à cinq cordes. Ils ont uni leurs virtuosités et leurs héritages communs pour une rencontre musicale de toute beauté, entre flamenco, jazz et musique classique, entre rêveries mélancoliques et envolées rythmiques. En concert en le 12 octobre 2015 à Tourcoing, le 13 octobre à Toulouse, le 14 octobre à Schiltigheim le 15 octobre à Paris, au Studio de l'Ermitage.
- Lura : "Herança"
Après presque vingt ans de carrière, Lura, native de Lisbonne, s'est imposée comme l'une des grandes représentantes et l'une des plus belles voix du Cap-Vert, le pays d'origine de ses parents. Dans son nouvel album "Herança", rythmé par le batuque et le funaná, la chanteuse interprète des succès et des classiques capverdiens, ainsi que de nouvelles compositions, certaines étant des collaborations avec des guest-stars. Au fil de l'écoute, on découvre de beaux duos avec le bassiste camerounais Richard Bona ("Barco di Papel"), le percussionniste brésilien Naná Vasconcelos ("Herança"), de belles ballades ("Ambianti más seletu") et trois chansons composées par le musicien et poète Mário Lúcio, actuel ministre de la Culture du Cap-Vert (dont les belles ballades "Mantenha cudado" et "Cidade Velha"). En concert en novembre à Paris (on attend la date).
- Sirba Octet : "Tantz !"
Fondé en 2003 par le violoniste Richard Schmoucler, composé de huit musiciens de l'Orchestre de Paris, le Sirba Octet sort son cinquième album, "Tantz !" ("danse" en yiddish), qui célèbre les musiques de danses klezmer et tziganes. On y retrouve des morceaux traditionnels servis dans des arrangements raffinés et entraînants. Un disque joyeux et lumineux, entre musiques du monde et musique classique, de l'excellent "ClassiqueWorld", selon l'expression glissée dans le livret intérieur du disque. En tournée à partir de novembre avec le nouveau répertoire (agenda ici).
- Angélique Ionatos : "Reste la lumière"
La chanteuse, guitariste et compositrice grecque Angélique Ionatos fait son grand retour avec "Reste la lumière", sa première parution discographique depuis six ans. Elle a composé ce recueil musical de résistance sur des poèmes grecs en réaction à la crise que traverse son pays. Sa voix grave et expressive, son jeu à la guitare, la force des chansons, les arrangements auxquels participent un violoncelliste et un bandonéoniste, font de cet album une splendide réussite. Beau et fort. En concert le 18 novembre 2015 à Paris, au Café de la Danse.
"Et si l'arbre brûle", extrait de "Reste la lumière" (sortie : 23 octobre 2015 chez Ici, d'Ailleurs.
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