Tinariwen, du blues touareg et du thé aux Nova Sessions
Pour mémoire, Tinariwen ("les déserts" en dialecte tamasheq) est un collectif touareg fondé en 1982 à Tessalit, dans le nord-est du Mali. Une organisation souple, dont les membres participent à leur guise aux albums et aux tournées. En trente ans, la composition du groupe a logiquement évolué. Mercredi soir, six musiciens ont joué à la Nova Session, emmenés par deux membres historiques, Abdallah et Alhassane.
En préambule, avant de rejoindre le plateau, ils ont expliqué que "la poésie de Tinariwen", interprétée en tamasheq, regroupait différents thèmes : "L'amour, la nostalgie, la sécheresse, les famines, toutes les misères" endurées par ce peuple. "C'est un groupe qui défend la cause d'un peuple, ses maux, ses souffrances, ses douleurs, ses joies."
Sous la verrière de Radio Nova, pendant ce temps-là, les spectateurs ne pouvaient pas rater, à l'entrée de l'estrade, un grand plateau de thé, des petits verres colorés et des feuilles de menthe qui faisaient bien envie... Chez les Touaregs, le thé est un rituel très important pour accueillir les visiteurs de passage.
Bientôt, Tinariwen a rejoint la scène. Six grands gaillards, pour la plupart enveloppés dans leur chèche et vêtus de leur costume traditionnel appelé takakat. Quatre musiciens au chant et à la guitare, un bassiste et un percussionniste. Durant une bonne heure, après un morceau d'ouverture entonné comme une incantation, ils ont enchaîné une série de chansons aux rythmes alertes évoluant entre folk, blues, Afrique et Orient.
"Ici c'est coincé !"
Abdallah, membre fondateur de Tinariwen, costume et chêche blancs, voix grave et regard nimbé de mystère, n'était pas tout à fait à son aise, son stand de guitare posé dans son dos, et sur lequel se coinçaient régulièrement ses vêtements, le jack (câble) sur lequel il n'arrivait pas à mettre la main pour brancher sa guitare... "Ici c'est coincé (sic) ! On a l'habitude d'avoir de l'espace !" Avant de lancer avec malice : "Il faut qu'on rende des terrains aux Français..."
Du coup, plus d'une fois, autant pour mettre de l'ambiance que pour se dégourdir les jambes, Abdallah a délaissé sa guitare acoustique. Il a offert son verre de thé à une spectatrice et s'est mis à danser, invitant une chanteuse malienne présente dans l'assistance à le rejoindre. Entre-temps, un jeune chanteur-guitariste prénommé Sadam (selon la play-list chapardée après le concert), cheveux frisés et visage angélique, a interprété quelques morceaux au swing envoûtant.
Alors que la température montait sous la verrière, une heureuse surprise a réjoui l'assistance. Fidèle à la coutume des touaregs, un membre du collectif s'est mis a distribuer du thé. Une jolie entorse aux consignes de la production qui interdit aux spectateurs installés autour de la scène de garder leur verre pendant le direct "live". Cela dit, les organisateurs ont avoué à la fin du show que tout était prévu...
Autre surprise à la fin du concert, pour nous, public occidental habitué au rituel immuable des remerciements, de la sortie de scène, des rappels : après quelques mots d'Abdallah, un ultime "C'est bon pour vous ?" et quelques regards échangés entre les musiciens, tout le groupe s'est levé et s'est éclipsé ! D'après Thierry, l'un des réalisateurs du live, il était prévu que Tinariwen interprète son dernier titre après un rappel. Or, les musiciens n'y ont - peut-être - plus pensé et ont tout enchaîné d'un trait. Finalement, ça ne fait pas de mal de voir des musiciens faire fi du protocole, c'est même rafraîchissant. Bravo les artistes.
Rendez-vous ce jeudi soir pour l'acte IV des Nova Sessions, avec la soul de Lee Fields !
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.