Ultimes hommages à Warda, diva orientale et reine de la chanson d'amour
Warda al-Jazaïria a été inhumée samedi au cimetière El-Alia d'Alger, dans le carré des moujahidine (les combattants indépendantistes), auprès des hommes les plus importants du pays. Fait rarissime pour une personnalité non politique, une haie d'honneur de la Protection civile a accueilli au cimetière le cercueil de "la Rose Algérienne", suivi par son fils Ryad, bouleversé et incapable de s'exprimer. Il avait toujours vécu auprès d'elle.
Le Premier ministre Ahmed Ouyahia et le frère du président Abdelaziz Bouteflika, Saïd Bouteflika, ont marché en tête du cortège, avec à leurs côtés notamment, le conseiller et ami d'enfance du roi du Maroc Mohamed VI, Fouad el-Himma. La mise en terre a été accompagnée de centaines de youyous de femmes qui ont assisté à cette cérémonie d'habitude réservée aux hommes, selon le rituel musulman dans ce pays.
Des admirateurs effondrés
Warda s'est éteinte jeudi au Caire. Son corps, ramené à Alger par avion spécial, avait été accueilli vendredi soir à l'aéroport par plusieurs ministres. Samedi matin, son cercueil, entouré de plusieurs femmes de la protection civile, est resté quelques heures dans une salle du Palais de la Culture pour recevoir un dernier hommage de ses compatriotes.
Des scènes de désespoir ont pu être observées lors de cette veillée. Un homme d'une trentaine d'années, originaire d'Ain Defla, à 140 km au sud-ouest d'Alger, est arrivé en pleurant et criant "Warda, Warda !" devant le cercueil, pris d'une crise d'hystérie, avant de perdre conscience et d'être évacué.
"La Rose de l'Algérie s'est fanée"
Au cimetière, des femmes, parfois venues de loin, ont confié leur émotion à l'AFP : "Je suis totalement effondrée. La Rose de l'Algérie s'est fanée, je me sens comme morte", a déploré Khalfa Benamar, 61 ans, venue spécialement de Bejaïa, à 250 km à l'est d'Alger. "Je n'ai pas pu m'empêcher de l'accompagner au cimetière. Sa voix m'a bercée dans mon enfance et elle a tellement donné au pays", a confié de son côté Samia Mabrouk, une Algéroise de 40 ans.
"Une semaine avant sa mort, je l'avais rencontrée au Caire. Elle était impatiente de retourner en Algérie pour s'y établir et participer aux 50e anniversaire de l'indépendance", a raconté à l'AFP, pour sa part, l'ambassadeur d'Algérie en Egypte, Nadir Arbaoui. En prévision de ces cérémonies, elle avait enregistré "Mazal Ouakfin" ("Nous sommes encore debout"), que la radio passe désormais en boucle, avec des témoignages, tandis que la télévision retransmet ses concerts.
Samedi, la presse algérienne a rendu hommage à Warda, publiant des dizaines de photos en une où elle apparaît souriante et heureuse. Le quotidien arabophone El-Khabar lui consacre cinq de ses 24 pages.
Un parcours d'artiste, et de femme arabe, hors du commun
Née le 22 juillet 1940 à Puteaux (Hauts-de-Seine), d'un père algérien et d'une mère libanaise, Warda al-Jazaïria ("la Rose algérienne") avait fait ses débuts de chanteuse à Paris dans un établissement du Quartier latin, le Tam Tam, qui appartenait à son père.
Elle avait commencé très jeune, avec des reprises de chansons des plus grands interprètes d'Egypte, Oum Koulsoum (1898-1975), Mohamed Abdelwahab (1902-1991) et Abdelhalim Hafez (1929-1977). Par la suite, elle avait interprété ses propres chansons sur des airs composés par le Tunisien Sadeq Thuraya.
Devenue célèbre dans le monde arabe pour ses chansons patriotiques durant la guerre d'Algérie (elle faisait don de ses recettes au FLN), Warda est obligée de quitter la France en 1958, pour Rabat puis Beyrouth. Plus tard, elle partira vivre et travailler en Egypte où elle collaborera avec des grands de la musique, comme Abdelwahab. Après l'indépendence de l'Algérie, elle retourne au pays et se marie en 1962. Son époux exige d'elle qu'elle renonce à sa carrière de chanteuse.
Une seconde carrière, et une polémique, en Egypte
En 1972, le président algérien Houari Boumediene lui demande de chanter pour l'anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Elle accepte et chante avec un orchestre égyptien. Son mari demande alors le divorce. Elle s'installe en Egypte où elle retrouve le compositeur Baligh Hamdi (1932-1993), qu'elle épouse. En Egypte, Warda interprète ses plus grands succès, travaille avec les plus illustres compositeurs et joue dans plusieurs films.
L'une de ses chansons, "El Ghala Yenzad", faisant l'éloge de la famille du prophète mais aussi du colonel Kadhafi, a suscité des tensions entre Le Caire et Tripoli, agaçant le président égyptien Anouar el-Sadate (1918-1981). Du coup, Warda n'a pas eu le droit de poursuivre sa carrière en Egypte durant trois ans.
Avec un répertoire comprenant plus de 300 chansons, Warda, diva de la chanson d'amour, a vendu plusieurs dizaines de millions d'albums. A la fin des années 1990, la diva avait fait un retour gagnant avec la compilation "Nagham el hawa", dans laquelle cohabitaient arrangements classiques et modernes.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.