: Vidéo Regardez "Manon" de Massenet capté pour vous à l'Opéra Bastille et plongez dans les Années Folles
L'Opéra de Paris a dû suspendre toutes ses représentations pour cause d'épidémie de coronavirus. Vous pourrez néanmoins voir la toute nouvelle production de "Manon" de Massenet captée à l'Opéra Bastille le 10 mars, retransmise depuis le 17 mars à 19h30 sur france.tv/culturebox.
"Le spectacle qui vous est présenté a été enregistré sans public le 10 mars 2020, suite aux consignes gouvernementales concernant le coronavirus". Le message a été transmis par la direction de l'Opéra de Paris qui a dû annuler toutes ses représentations pour cause d'épidémie mais qui a maintenu son engagement de diffuser une captation de la représentation de Manon de Massenet sur france.tv/culturebox.
Nous avions eu la chance d'assister le 4 mars, à la première de cette production nouvelle, avec la mise en scène de Vincent Huguet. Manon, le personnage créé par l'Abbé Prévost, mis en musique par Jules Massenet, ne vit plus à l'époque de la Régence, mais dans l'entre-deux-guerres du 20e siècle. Exit la permissivité et le libertinage du 18e siècle, l'hédonisme fait peau neuve : place à la femme libre et à l'insouciance des Années Folles.
L'euphorie des Années Folles
Manon, ou le récit d'une jeune femme de province, Manon Lescaut, qui, par son charme et sa beauté bouleversante met le monde à ses pieds… avant de tomber méchamment de son piédestal. Le prix à payer : le sacrifice de l'amour sincère et partagé avec le chevalier des Grieux.
En transposant ce récit dans les années 20 et 30, le metteur en scène Vincent Huguet, ancien collaborateur de Patrice Chéreau, dépeint une euphorie ambiante comparable à celle du 18e, avec des couleurs nouvelles : les scènes des fêtes ou des jeux d'argent sont l'occasion d'évoquer non seulement la déliquescence sociale et morale, mais aussi la libération des mœurs, les expériences inédites, l'imagination au pouvoir.
Il porte aussi (et surtout) un discours plus contemporain sur la femme, se référant à celle sortie bouleversée par la guerre de 14, en attente de nombreuses conquêtes sociales. Tout au long de l'opéra, l'image de la femme sous domination masculine (qui reste prégnante, Manon étant autant objet de désir que coupable idéal), cohabite avec celle d'une garçonne triomphante. Icône de cette figure nouvelle, Joséphine Baker fait soudainement irruption sur le plateau de Bastille dans une séquence de cabaret très réussie.
Ça swingue
D'autres références aux Années Folles jalonnent l'opéra : d'amusantes saynètes dansées par les chanteurs du premier acte rappelant le charleston, ainsi que la chorégraphie du célèbre ballet du 2e acte qui emprunte, sur une musique baroque, aux comédies musicales avec Fred Astaire et Ginger Rogers comme Swing Time. Les costumes affichent des couleurs chatoyantes, des robes droites à clapet années 1920, ou encore des plumes dans les cheveux.
Les chanteurs évoluent dans les grands espaces de l'Opéra Bastille habilement habillés par des décors XXL (six décors différents) d'une grande richesse, épousant pour la plupart ce même univers : architectures art déco, colonnes, grands panneaux de style Mallet-Stevens.
Libre et indépendante
Port altier, élégance naturelle, la soprano sud-africaine Pretty Yende qui avait fait fureur dans La Traviata il y a quelques mois, incarne avec aplomb Manon, femme moderne, troublante dans ses aigus, même si on peut parfois regretter un manque de puissance.
Elle est faussement ingénue dans l'air d'ouverture "Je suis encore tout étourdie", libre et indépendante dans "Adieu notre petite table", où d'un ton délicat elle chante sa trahison d'avec des Grieux, ambigüe à souhait enfin dans la célèbre gavotte où elle déclare : "Aimons, chantons, rions sans cesse, nous n'aurons pas toujours vingt ans !".
Face à elle, le ténor Benjamin Berheim (également remarqué dans La Traviata) est magistral en amant trahi, maîtrisant ses projections et la grâce nécessaire à son rôle. Il est touchant d'ingénuité dans son air "Le rêve de Manon" ("C'est le paradis !"), et convaincant en soutane à Saint-Sulpice tout entier à Dieu ("Ah fuyez douce image") ou cédant une fois encore à Manon (magnifique duo d'amour à la fin du tableau).
Ludovic Tézier en Lescaut trouve sa place rapidement et assure parfaitement son air joyeux "A quoi bon l'économie" (Acte 3, scène II), tandis que Roberto Tagliavini éblouit par sa voix de basse en la personne du Comte des Grieux s'adressant à son fils perdu. Son intensité résonne avec profondeur dans l'immensité de l'église Saint-Sulpice reconstituée…
"Manon" de Massenet à l'Opéra Bastille. Retransmis sur france.tv/culturebox à partir du 17 mars 2020 à 19h30.
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