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"Don Giovanni" à l’Opéra-Bastille : l’amour, la mort et la solitude

L’Opéra national de Paris ouvre sa saison avec "Don Giovanni", mis en scène par Claus Guth, créé au festival de Salzbourg en 2008. Le baryton suédois Peter Mattei est impressionnant de justesse et de présence.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Peter Mattei (Don Giovanni) et Alex Esposito (Leporello) dans "Don Giovanni" mis en scène par Claus Guth. (Bernd Uhlig / OnP)

Blessé, il erre dans la forêt à la recherche de "chair fraîche". Tel un prédateur sentant la fin arriver, Don Giovanni continue de chasser instinctivement. L’inénarrable séducteur est dans une fuite compulsive. Son alter ego Leporello, incarné par Alex Esposito, drogué et tiraillé entre le devoir et le désir de s’émanciper, ami et valet, cherche l’issue de secours. Don Giovanni dans la mise en scène de Claus Guth, créée au festival de Salzbourg en 2008, est un homme blessé, têtu, obsédé par ses désirs jusqu’à la mort. Le longiligne baryton suédois Peter Mattei incarne un Don Giovanni, en paix avec lui-même, certain de son bon droit. Ses conquêtes devraient, selon lui, le remercier et non le poursuivre de leurs griefs. Des conquêtes, il en affiche 2065. Et cette nuit-là, il compte en rajouter plusieurs au tableau. Leporello veille au grain.

Dieu, la société et le vide

Que cherchent donc Donna Elvira, Donna Anna et Zerlina chez Don Giovanni ? En le poursuivant dans la forêt, rongées par le ressentiment, elles laissent ressortir le vide en elles, ce manque qui irrésistiblement les attire vers celui qui les a séduites et abandonnées. "Qui pourra me dire où est ce barbare, que j’ai aimé pour ma honte et qui m’a trahie ? Ah ! Si je retrouve l’impie et qu’il ne me revient pas ; je vais faire un massacre, je vais lui arracher le cœur", promet Donna Anna, interprétée par Gaëlle Arquez, qui ne désespère pas de voir son amour se repentir et lui revenir. Pourquoi Zerlina délaisse son mari Masetto fraichement épousé tout en lui jurant fidélité ? Pourquoi Donna Anna maintient Ottavio, son fiancé, à bonne distance ?

Guilhem Worms (Masetto) et Ying Fang (Zerlina) dans "Don Giovanni" mis en scène par Claus Guth. (Bernd Uhlig / OnP)

 

Agonisant, Don Giovanni possède encore en lui cette puissance magnétique. Dans cette œuvre de Mozart, créée à Prague en 1787, sur un livret de Lorenzo Da Ponte, les personnages sont tous en quête d’eux-mêmes. En arpentant le décor, une forêt de sapins tournante, ils exhibent leurs plaies béantes, une solitude vertigineuse. Solitaires, ils le sont même accompagnés.

Peter Mattei (Don Giovanni),  Gaëlle Arquetz (Donna Elvira) et Alex Esposito ( Leporello) dans "Giovanni" de Claus Guth. (Bernd Uhlig / OnP)

La mort, il est prêt à l’affronter. Courageusement. Don Giovanni refuse l’aide de son valet. Il est en paix. Il entend jouir de la vie jusqu’à la dernière seconde. Avant de rejoindre sa dernière demeure. Peter Mattei donne à ce moment une grâce poétique, sublimée par une neige empreinte de pureté. Une sincérité émouvante. Don Giovanni version Claus Guth, une quête vertigineuse, une distribution inégale.

Fiche

Titre : Don Giovanni, en deux actes

Dates : Jusqu’au 12 octobre à l'Opéra Bastille

Musique : Wolfgang Amadeus Mozart

Livret : Lorenzo Da Ponte

Direction musicale : Antonello Manacorda en alternance avec Giancarlo Rizzi

Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano

Mise en scène : Clauss Guth

Distribution : Peter Mattei en alternance avec Kyle Ketelsen, Adela Zaharia, Julia Kleiter, Ben Bliss, Cyrille Dubois, John Relyea, Gaëlle Arquez, Tara Erraught, Alex Esposito, Bogdan Talos, Guilhem Worms, Fing Fang et Marine Chagon. 

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