"Nixon in China" de John Adams ou "la diplomatie du ping-pong" : une rencontre au sommet à l’Opéra Bastille
Le spectacle s’ouvre sur une partie de tennis de table. Deux joueurs masqués, l’un en aigle, l’autre en dragon, s’affrontent au ralenti. Le premier est tout de bleu vêtu, le second en rouge. Le ton est donné. Nixon in China de John Adams, revisité par Valentina Carrasco et sous la baguette de Gustavo Dudamel, fait une entrée très remarquée à l’Opéra de Paris. En 1972, le président américain Richard Nixon se rend en Chine pour rencontrer Mao Zedong (ou Tsé-toung) à l’invitation de Pékin. On parlait alors de "la diplomatie du ping-pong". D’où vient l’expression ? Une année auparavant, à Nagoya, au Japon, lors des Championnats du monde de tennis de table, les pongistes des équipes chinoise et américaine avaient noué amitié malgré l’interdiction de tout contact entre eux. Le compositeur et chef d’orchestre américain John Adams fit de cet évènement son premier opéra, qui est d’ailleurs considéré comme le premier opéra politico-historique du XXe siècle.
Aigle et dragon
La metteuse en scène argentine Valentina Carrasco s’est inspirée de cette "diplomatie du ping-pong" pour développer une scénographie originale, marquée par les tables et balles de tennis. Le décor devient personnage et participe à la rencontre au sommet entre Nixon et Mao, entre l’aigle et le dragon, entre deux civilisations. Par ailleurs, lumières, mise en scène, montages vidéo participent à l’écriture pour rendre lisibles et compréhensibles certaines scènes, quelquefois à postériori comme celle du violoniste maltraité par l’Armée rouge. Les décors sont aussi parfois époustouflants comme avec cet aigle-avion qui descend du ciel ou ce dragon rouge lumineux. Valentina Carrasco a su trouver le juste ton pour ne pas coller aux évènements historiques mais au contraire aller vers une composition plus poétique, plus libre. "Etant ni Chinoise, ni Américaine, et m’emparant d’une œuvre qui est un classique du répertoire, il est de mon devoir de proposer une lecture nouvelle", explique-t-elle.
Inspiration et non communication
Le séjour du couple présidentiel à Pékin est marqué à la fois par l’optimisme et la non communication, voire l’incompréhension. La distribution est excellente. Le baryton Thomas Hampson et la soprano Renée Fleming, en Richard et Pat Nixon, sont impressionnants de justesse, jusque dans la gestuelle des anciens locataires de la Maison Blanche. Que dire de John Matthew Myers qui incarne un Mao vieillissant, et toujours entouré de femmes ? Le ténor est très convaincant, jouant avec brio sur les fragilités et les faiblesses du Grand Timonier. De même avec Kathleen Kim en Chiang Ch’ing, épouse survoltée et gardienne de l’orthodoxie communiste. Le passage, tout de violence et de colère, où la soprano chante "Je suis la femme de Mao Tse-toung" est l’un des moments forts de l’œuvre.
Ces artistes, en plus du troublant baryton Xiaomeng Zhang, ont su s’emparer de l’âme du texte d’Alice Goodman. La librettiste a mis en évidence la non communication des protagonistes, parfois jusqu’à l’absurde. Dans le dernier acte particulièrement, chacun est aspiré par son passé. Il n’y a point de dialogue mais des évocations bavardes. Nixon in China est porté par des artistes exceptionnels et une mise en scène qui fera date.
"Nixon in China", mis en scène par Valentina Carrasco, jusqu’au 16 avril à l’Opéra Bastille.
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