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"Carmen, étoile du cirque" : l’héroïne de Bizet enchante petits et grands au Théâtre des Champs-Elysées

"Carmen, étoile du cirque" est un "opéra participatif " : comprenez que l’opéra de Bizet est aussi chanté par le public, en l’occurrence plus de mille enfants.

Article rédigé par franceinfo Culture - Bertrand Renard
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
"Carmen, étoile du cirque" au Théâtre des Champs-Elysées (MARION KERNO)


C’est la coutume, une fois par an, au Théâtre des Champs-Elysées, de présenter au tout jeune public un grand opéra du répertoire. Mais évidemment en version réduite. Cette année c’est donc la Carmen de Bizet. On était un peu sceptique, on est complètement rassuré et même assez enthousiaste ! On était sceptique car autant les opéras précédents (La belle Hélène ou Le barbier de Séville) ont des livrets joyeux ou qui finissent bien, autant Carmen est une sombre histoire, plutôt pour les adultes. Mais la jeunesse n’est plus ce qu’elle était, comme nous le prouve Arthur, 9 ans, qui nous confie : " Carmen, elle se fait tuer par son amoureux parce qu’il est jaloux ", avec l’assurance tranquille de celui qui met à mort toute la journée des méchants à coup de télécommande…

Une "Carmen" chantée par mille enfants 

Et tous ces enfants (moyenne, huit-douze ans) très bien préparés par leurs professeurs comme nous l’avons constaté en arrivant en même temps qu’un groupe, des quinze-seize ans, eux, entonnant en entrant dans le théâtre un sonore "Toréadoor en gaarde" très proche de l’original puisque leurs voix avaient mué. Ils sont venus de toute l’Île-de-France puisqu’ Arthur, le blond, avec son copain Théophile, le brun, viennent de Triel, du côté de Mantes. Premier opéra pour eux et attention soutenue pendant une bonne heure et quart. C’est vrai qu’il y a de quoi se régaler…Pas seulement pour la beauté des airs, même s’il faut redire encore que Carmen est une collection de tubes et qu’aucun ne manquait à l’appel. Chapeau donc à la formidable adaptation du jeune Italien Andrea Bernard qui signe aussi une mise en scène enlevée, colorée, intelligente et joyeuse !

Carmen, étoile du cirque  d’après Bizet, mise en scène d’Andrea Bernard, direction musicale dAlexandra Cravero, Théâtre des Champs-Elysées (MARION KERNO)

Des numéros de cirque en plus des airs célèbres 

Carmen est donc l’étoile du cirque Siviglia (Séville en italien), dans son numéro de danse et de tour de cartes. Zuniga, le propriétaire (dans un rôle parlé à l’accent rastaquouère un très drôle Bruno Bayeux en manteau de faux velours rouge et nœud papillon) vient d’engager le jeune José pour garder le cirque. Micaëla est l’assistante du lanceur de couteaux, le Dancaïre, et tombe illico amoureuse de José, Mercedes est trapéziste (il n’y a plus de Frasquita) et Escamillo est "l’homme le plus fort du monde, venu des profonds déserts d’Espagne" On le raconte pour ceux qui connaissent leur Carmen par cœur. Il y a, tout de même, toujours les contrebandiers, Dancaïre et le fakir (!) Remendado…


C’est fait avec une rare intelligence mais surtout c’est fait avec de vrais circassiens qui font plus que de la figuration : ils ont leur jolis moments (l’acrobate sur cordes est très applaudie) qui sont des moments muets… de cirque mais au lieu d’avoir les petites musiques à la Nino Rota on a pendant ces numéros, joués par le talentueux orchestre Prométhée, tous les beaux airs de Bizet qui n’ont pu être chantés par les chanteurs. Ainsi les enfants, comme les adultes, en ont plein les yeux : assister à un opéra en même temps qu’à un spectacle de cirque, c’est très rare…. et c’est épatant !

Escamillo dans "Carmen" au théâtre des champs-Elysées (MARION KERNO)

Mise en scène qui fourmille d’idées par ailleurs : Carmen en robe dorée façon princesse chinoise (comme dans le Turandot de Puccini, autre femme libre…) Carmen, pendant l’admirable air des cartes, entourée de guerriers Ninja à têtes de mort des carnavals mexicains. Et ce mélange d’influence est parfaitement cohérent puisqu’on est au cirque, dans la magie intemporelle du cirque, qui est un monde à part. Le canon (où n’entre aucun homme-canon) est un taureau mécanique et la scène finale, la mort de Carmen, dont on ne vous dira rien, est à la fois tout à fait respectée et « escamotée », selon une formidable idée qui, d’ailleurs, laisse le jeune public tout surpris.

La belle Carmen d'Eléonore Pancrazi  

Et distribution à la hauteur. Il y a une Carmen, Eléonore Pancrazi, timbre, projection, diction, couleurs et graves parfaits : elle est exactement le personnage sans escamoter son désir de liberté. Il y a aussi un Don José, fragile et doux, le ténor Samy Camps, aigus faciles, belle ligne de chant, peut-être encore maladroit dans le jeu mais qui réussit brillamment et son grand air ("La fleur que tu m’avais jetée") et la scène finale (qui repose sur lui). Et la diction, là encore est excellente. C’est moins le cas de la Micaëla d’Hélène Carpentier qu’on ne comprend guère. Elle a en outre tendance à donner des coups de glotte, accentuant certaines attaques sans nécessité et c’est très dommage car le timbre est joli avec de belles couleurs : Carpentier n’a pas besoin de ces artifices. Quant au timbre de Jean-Kristof Bouton-Escamillo, il est celui du rôle mais la justesse ni la rythmique ne sont toujours au rendez-vous et on ne comprend pas tout. 

Don José et Carmen (MARION KERNO)

Les autres, Marie Kalinine (Mercedes), David Tricou (Remendado), Mathieu Dubroca (Dancaïre) : très bien. Comme les circassiens qu’on citera, Alice Macchi (au cerceau aérien), Anne-Claire Gonnard (l’acrobate)Marianne De Sanctis et son hula hoop, Marcel Zuloaga Gomez sur son monocycle. Quant à la cheffe Alexandra Cravero, à la direction précise, claire et enthousiaste, elle prend visiblement un immense plaisir à faire démarrer et chanter en rythme (eux !) son immense chœur d’enfants, d’autant que dans Carmen, cas rarissime parmi les opéras, il y en a vraiment, comme le fameux "Avec la garde montante".

"Carmen, étoile du cirque"  d’après Bizet, mise en scène d’Andrea Bernard, direction musicale dAlexandra Cravero, Théâtre des Champs-Elysées, Paris : pour les scolaires les jeudi 16 mai (10 heures et 14 heures), vendredi 17, lundi 20, mardi 21 mai à 10 heures. Pour tous les publics le dimanche 19 mai à 17 heures.s

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