Des incidents émaillent les adieux de Barenboim à la Scala de Milan
Quelque trois cents manifestants brandissant des pancartes portant les inscriptions "Combattez le pouvoir" et "Nous résistons !" ont lancé des engins incendiaires et des cocktails Molotov en direction de la police devant la Scala, ont-elles indiqué.
Les manifestants protestaient contre les mesures d'austérité en Italie, et la défense des droits au logement après de récentes évictions de squats alors que les grands patrons et hauts responsables politiques, économiques et culturels italiens assistaient à cette soirée mondaine milanaise comme chaque 7 décembre, jour de la Saint-Ambroise, saint patron de la ville.
Protestations des officiels
Le préfet de Milan Francesco Paolo Tronca, qui faisait partie des invités au début de la saison lyrique du plus célèbre théâtre du pays, a qualifié d'"inacceptable ces protestations violentes contre la police", parlant du "kidnapping d'événements culturels donnant force et valeur à la ville".
"La soirée d'ouverture de la Scala est un spectacle unique et nous nous débrouillons pour ruiner même ça", a déploré le président de la région de Lombardie, Roberto Maroni.
La Scala a lancé dimanche soir sa saison 2014/2015 avec "Fidelio", le seul opéra de Beethoven, sur fond de profond malaise dans les opéras italiens. Cette première marquait aussi un tournant pour la Scala avec le départ imminent du maestro israélo-argentin Daniel Barenboim, qui y officiait depuis 2005.
Le chef d'orchestre quittera officiellement la direction musicale de l'institution le 1er janvier 2015, remplacé par Riccardo Chailly. Chailly aura un programme intense, démultiplié en vue de "l'Expo 2015", mais agira dans un climat de profond malaise dans les opéras italiens.
Le gratin politique, économique et culturel de l'Italie s'est pressé à la Scala dès 18H00 locales pour assister au début de la saison lyrique du plus célèbre théâtre du pays, qui est aussi le principal événement mondain de l'année à Milan.
"Fidelio", dernier opéra de Barenboim comme directeur musical
La première de ce 7 décembre marquait un tournant pour le théâtre, avec le départ imminent du maestro israélo-argentin Daniel Barenboim, après celui l'été dernier du surintendant Stéphane Lissner, qui a été remplacé par l'Autrichien Alexander Pereira. Après "La Traviata" de Giuseppe Verdi en 2013, le choix s'est porté cette année sur Fidelio, unique opéra de Ludwig van Beethoven, dans une mise en scène de la Britannique Deborah Warner et dirigé par Daniel Barenboim.
L'oeuvre, inspirée d'une histoire vraie survenue du temps de la Révolution française, raconte comment une jeune femme, Leonore, grimée en homme et se faisant appeler Fidelio, brave tous les dangers pour délivrer son mari Florestan de la prison où l'a fait jeter son ennemi, le gouverneur Pizarro. Bien que Fidelio soit souvent présenté avant tout comme un drame politique, l'idée de l'amour est plus centrale dans l'oeuvre que celle de la liberté, estime Deborah Warner: "L'héroïne est prête à tout pour sauver son homme, même à descendre aux Enfers. C'est le mythe d'Orphée inversé".
Parmi les grands patrons et hauts responsables présents au spectacle figurait aussi la directrice du FMI Christine Lagarde , qui a qualifié le spectacle de "magnifique". M. Renzi en revanche était absent, de même que le président italien Giorgio Napolitano.
Période de grande crise
Mais le faste attendu de la soirée (le cast réunit la soprano allemande Anja Kampe, le ténor Klaus Florian Vogt et le baryton-basse Falk Struckmann), qui se concluera par un dîner de gala tout aussi sélect, ne saurait masquer les profondes difficultés auxquelles fait face l'Italie, comme l'illustre sa nouvelle dégradation par l'agence Standard and Poor's vendredi.
Les syndicats, vent debout contre la réforme du marché du travail que le gouvernement de Matteo Renzi vient de faire adopter au Parlement, avaient lancé un appel à une grève générale pour le 12 décembre. Et comme chaque année, le spectacle lui-même devrait servir de caisse de résonance à l'exaspération des chômeurs, mal-logés et autres victimes de la crise économique dans laquelle se débat l'Italie depuis des années.
Malaise profond dans tous les opéras italiens
L'opéra italien lui-même se trouve dans une crise profonde, avec plusieurs de ses 14 théâtres au bord de la faillite, notamment à Rome où les tensions ont récemment poussé le maestro Riccardo Muti a la démission et où le licenciement de l'orchestre a été évité de justesse. La Scala tire mieux son épingle du jeu, soutenue par ses nombreux sponsors privés et par une billetterie saine grâce au tourisme.
Elle devrait aussi bénéficier de la prochaine tenue à Milan de l'Exposition universelle (du 1er mai au 31 octobre 2015), à laquelle sont attendus 20 millions de visiteurs. Pour profiter de cette manne, le théâtre a prévu de rester ouvert en continu, une initiative inédite dans son histoire. Mais même ainsi, les comptes de la Scala demeurent fragiles, a reconnu le surintendant Pereira, qui a supplié cette semaine les sponsors de ne pas l'abandonner, faute de quoi "le système peut s'écrouler".
"Les employés de la Scala ressentent une phase de forte incertitude", confirme Giancarlo Albori, un responsable du syndicat de la gauche italienne, CGIL. "On entend que le bilan sera à l'équilibre. Mais on a quelques doutes", résume-t-il.
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