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Domingo, Calleja, Netrebko... Ils se lèvent tous pour Verdi
Décidément cette année Verdi inspire les stars du chant lyrique. Voici la moisson de Bertrand Renard, en commençant par une femme, Anna Netrebko, et en poursuivant par le grand Placido Domingo… en baryton.
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Temps de lecture : 5min
Anna Netrebko
Anna Netrebko, elle aussi, nous fait son Verdi. Passons sur un livret qui nous la montre en diva de mode (ce qui n’est pas désagréable), l’important, c’est qu’elle aborde des héroïnes qu’elle n’a jamais jouées et qu’elle les aborde plutôt bien. Je l’avais trouvée une fort mauvaise « Veuve joyeuse » avec Piotr Beczala, je voyais poindre des défauts qui entamaient le superbe soprano qu’elle a été, qu’elle est encore. Elle se reprend ici. D’abord par le choix des œuvres. 5 airs de Lady Macbeth dont elle a la puissance et la violence, les couleurs sombres et la facilité vocale, jusque dans les graves, et qui culminent dans la scène du somnambulisme. Très belle (et rare) Jeanne d’Arc (« Giovanna d’Arco »). Superbe Leonora du « Trouvère » (le tube « D’amor sull’ali rosee »).
Pourquoi, alors, faut-il que le chant se relâche parfois (cavatine anarchique des « Vêpres Siciliennes », notes prises par en-dessous, problèmes de justesse dans « Don Carlo ». Et dans « La luce langue » de Lady Macbeth, aigus criés, voix qui bouge au point qu’on croirait entendre une autre chanteuse)?
Joseph Calleja
« Simon Boccanegra » n’est pas l’opéra le plus célèbre ni le mieux construit de Verdi: une intrigue compliquée qui mêle la grande histoire et le mélodrame. Deux atouts de taille pour cette nouvelle version : Joseph Calleja, le ténor maltais, est un Gabriele bien chantant, beau de ligne vocale et d’une aisance lumineuse, idéale pour ce rôle d’amoureux fougueux ; Thomas Hampson n’a pas toujours la noirceur et la puissance de Simon (Hampson est baryton, non basse) mais la beauté du chant est là (Hampson ne cherche pas à forcer les graves qu’il n’a pas) et surtout l’élégance souveraine du personnage, sa dignité blessée. Amelia touchante de Kristine Opolais malgré des aigus un peu légers. Bon Paolo de Luca Pisaroni, Fiesco pas assez sombre de Carlo Colombara, direction dynamique de Massimo Zanetti malgré un Orchestre symphonique de Vienne guère idiomatique.
Domingo
Un autre « Simon », Placido Domingo. Etrange disque, dont on pouvait tout craindre, et au final réussi. Grâce à la musicalité souveraine de Domingo, 72 ans tout de même, et à sa connaissance intime du style verdien. Sauf qu’on ne l’entend ici dans aucun de ses rôles fameux de ténor. Domingo, aujourd’hui, est baryton (sa voix a évolué, désormais lourde et grave). Donc, après avoir été un merveilleux Alfredo, dans « Traviata », qui affrontait Germont, son père, le voici en Germont ! Très beau « Di Provenza il mar », où il y a des aigus redoutés des vrais barytons : Domingo, bien sûr, les réussit superbement.
Il est à son meilleur dans les rôles qu’il a déjà joués : Simon Boccanegra, plus noir, plus sinistre qu’Hampson. Renato du « Bal masqué », plein d’amertume et de sombres couleurs. « Rigoletto » justement accablé mais la voix bouge parfois. Ou ce « Macbeth » élégiaque, parfait d’intelligence du chant. Il peine en revanche dans les glissements de notes et les passages rapides (« Ernani »). Je n’aime guère non plus son Posa (avec le Don Carlo comparse d’Aquiles Machado alors que Don Carlo est le personnage principal) : voix sourde, excès de mélodrame dans l’opéra de Verdi qui, plus qu’aucun autre, doit s’en délivrer. Pablo Heras-Casado et ses musiciens de Valence sont de bons accompagnateurs. Mais justement : ils ne sont qu’accompagnateurs.
Pavarotti
Rappel aussi d’un double CD des enregistrements Verdi de Luciano Pavarotti, paru au printemps. Verdi où cette voix de lumière et d’or était à son meilleur. Musicalement tout n’est cependant pas parfait. « Otello » boosté par cet immense chef qu’était George Solti, avec la Desdémone de Kiri Te Kanawa dans ses plus belles années et un de ses meilleurs rôles. Superbe « Bal Masqué » (que Pavarotti aimait tant), toujours dirigé par Solti, et avec, excusez du peu, Margaret Price et Christa Ludwig. Dans « Traviata » ou « Trouvère » il est le partenaire de Joan Sutherland, il faut donc supporter « Monsieur Sutherland », Richard Bonynge, en chef … moyen, ce qui, dans ces Verdi-là, est un problème. Pavarotti n’est pas un bon Radamès dans « Aida » mais il y a aussi la « Luisa Miller » de Montserrat Caballé, il y a avec Luciano quelques légendes du chant : double bonheur donc.
Anna Netrebko-Verdi (Orch. Teatro Regio de Turin, dir. Gianandrea Noseda) (DG)
Simon Boccanegra (DECCA)
Domingo-Verdi (Orquestra de la Comunitat Valenciana, dir. Pablo Heras-Casado) (SONY CLASSICAL)
Pavarotti-Verdi (2 CD DECCA)
Anna Netrebko, elle aussi, nous fait son Verdi. Passons sur un livret qui nous la montre en diva de mode (ce qui n’est pas désagréable), l’important, c’est qu’elle aborde des héroïnes qu’elle n’a jamais jouées et qu’elle les aborde plutôt bien. Je l’avais trouvée une fort mauvaise « Veuve joyeuse » avec Piotr Beczala, je voyais poindre des défauts qui entamaient le superbe soprano qu’elle a été, qu’elle est encore. Elle se reprend ici. D’abord par le choix des œuvres. 5 airs de Lady Macbeth dont elle a la puissance et la violence, les couleurs sombres et la facilité vocale, jusque dans les graves, et qui culminent dans la scène du somnambulisme. Très belle (et rare) Jeanne d’Arc (« Giovanna d’Arco »). Superbe Leonora du « Trouvère » (le tube « D’amor sull’ali rosee »).
Pourquoi, alors, faut-il que le chant se relâche parfois (cavatine anarchique des « Vêpres Siciliennes », notes prises par en-dessous, problèmes de justesse dans « Don Carlo ». Et dans « La luce langue » de Lady Macbeth, aigus criés, voix qui bouge au point qu’on croirait entendre une autre chanteuse)?
Joseph Calleja
« Simon Boccanegra » n’est pas l’opéra le plus célèbre ni le mieux construit de Verdi: une intrigue compliquée qui mêle la grande histoire et le mélodrame. Deux atouts de taille pour cette nouvelle version : Joseph Calleja, le ténor maltais, est un Gabriele bien chantant, beau de ligne vocale et d’une aisance lumineuse, idéale pour ce rôle d’amoureux fougueux ; Thomas Hampson n’a pas toujours la noirceur et la puissance de Simon (Hampson est baryton, non basse) mais la beauté du chant est là (Hampson ne cherche pas à forcer les graves qu’il n’a pas) et surtout l’élégance souveraine du personnage, sa dignité blessée. Amelia touchante de Kristine Opolais malgré des aigus un peu légers. Bon Paolo de Luca Pisaroni, Fiesco pas assez sombre de Carlo Colombara, direction dynamique de Massimo Zanetti malgré un Orchestre symphonique de Vienne guère idiomatique.
Domingo
Un autre « Simon », Placido Domingo. Etrange disque, dont on pouvait tout craindre, et au final réussi. Grâce à la musicalité souveraine de Domingo, 72 ans tout de même, et à sa connaissance intime du style verdien. Sauf qu’on ne l’entend ici dans aucun de ses rôles fameux de ténor. Domingo, aujourd’hui, est baryton (sa voix a évolué, désormais lourde et grave). Donc, après avoir été un merveilleux Alfredo, dans « Traviata », qui affrontait Germont, son père, le voici en Germont ! Très beau « Di Provenza il mar », où il y a des aigus redoutés des vrais barytons : Domingo, bien sûr, les réussit superbement.
Il est à son meilleur dans les rôles qu’il a déjà joués : Simon Boccanegra, plus noir, plus sinistre qu’Hampson. Renato du « Bal masqué », plein d’amertume et de sombres couleurs. « Rigoletto » justement accablé mais la voix bouge parfois. Ou ce « Macbeth » élégiaque, parfait d’intelligence du chant. Il peine en revanche dans les glissements de notes et les passages rapides (« Ernani »). Je n’aime guère non plus son Posa (avec le Don Carlo comparse d’Aquiles Machado alors que Don Carlo est le personnage principal) : voix sourde, excès de mélodrame dans l’opéra de Verdi qui, plus qu’aucun autre, doit s’en délivrer. Pablo Heras-Casado et ses musiciens de Valence sont de bons accompagnateurs. Mais justement : ils ne sont qu’accompagnateurs.
Pavarotti
Rappel aussi d’un double CD des enregistrements Verdi de Luciano Pavarotti, paru au printemps. Verdi où cette voix de lumière et d’or était à son meilleur. Musicalement tout n’est cependant pas parfait. « Otello » boosté par cet immense chef qu’était George Solti, avec la Desdémone de Kiri Te Kanawa dans ses plus belles années et un de ses meilleurs rôles. Superbe « Bal Masqué » (que Pavarotti aimait tant), toujours dirigé par Solti, et avec, excusez du peu, Margaret Price et Christa Ludwig. Dans « Traviata » ou « Trouvère » il est le partenaire de Joan Sutherland, il faut donc supporter « Monsieur Sutherland », Richard Bonynge, en chef … moyen, ce qui, dans ces Verdi-là, est un problème. Pavarotti n’est pas un bon Radamès dans « Aida » mais il y a aussi la « Luisa Miller » de Montserrat Caballé, il y a avec Luciano quelques légendes du chant : double bonheur donc.
Anna Netrebko-Verdi (Orch. Teatro Regio de Turin, dir. Gianandrea Noseda) (DG)
Simon Boccanegra (DECCA)
Domingo-Verdi (Orquestra de la Comunitat Valenciana, dir. Pablo Heras-Casado) (SONY CLASSICAL)
Pavarotti-Verdi (2 CD DECCA)
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