"Falstaff" de Verdi à l’Opéra Bastille : Ambrogio Maestri magistral en bouffon décadent

L’Opéra de Paris fait sa rentrée avec une œuvre légère, mise en scène par Dominique Pitoiset, et portée par un baryton inspiré et un quatuor féminin enthousiaste. À l’applaudimètre, Falstaff rencontre un grand succès.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Ambrogio Maestri et Marie-Nicole Lemieux lors des répétions de "Falstaff" à l'Opéra Bastille. (Vincent Pontet/OnP)

D’emblée, un constat : le baryton italien Ambrogio Maestri est impressionnant aussi bien comme comédien que comme chanteur dans le rôle-titre du dernier opéra de Verdi. Sa présence scénique est incontestable, sa prestation vocale est spectaculaire, déclenchant à maintes reprises les applaudissements du public. Le natif de Pavie maîtrise parfaitement son personnage. Il a fait ses débuts en 2001 dans le rôle-titre de Falstaff à La Scala de Milan et au Teatro Verdi de Busseto. Et il a célébré sa 250e représentation au Staatsoper de Vienne en 2016. À l’Opéra Bastille, ce mardi 10 septembre, il laisse éclater tout son talent. Il est Falstaff, vieil aristocrate pansu, désargenté et amoral, un bouffon qui refuse d’accepter les assauts du temps. A l’ère de  #Metoo, il ne va pas sans rappeler certains personnages bien vivants.

Un ogre insatiable

Qui est Falstaff ? Avant d’être un opéra-bouffe en trois actes de Giuseppe Verdi, sur un livret d'Arrigo Boito, créé à la Scala de Milan le 9 février 1893 et à l'Opéra-Comique de Paris le 18 avril 1894, il s’agit d’une création shakespearienne. Sir John Falstaff est un personnage comique créé par William Shakespeare apparaissant dans les deux parties Henry IV, Henri V et dans Les Joyeuses Commères de Windsor. Le personnage a réellement existé. À 80 ans, Verdi voulait s’amuser en composant une œuvre plus légère. "Cela fait quarante ans que je souhaite écrire un opéra-comique", avait-il confié. Ce sera son ultime œuvre.

Quelle est l’histoire de Falstaff ? Un satyre gargantuesque doté d'un insatiable appétit pour la nourriture, la boisson et les femmes, à court d’argent, cherche une amante pour financer ses excès. Il fait parvenir la même lettre d’amour à Mrs Alice Ford, interprétée malicieusement par Olivia Boen, et à son amie Meg Page, incarnée par Marie-Andrée Bouchard-Lesieur. Certain de son charme, malgré son âge, il ne doute pas du succès de sa démarche. "Falstaff les lorgne toutes, qu’elles soient belles ou laides, pucelles ou mariées ". Sauf que les deux femmes réalisent le subterfuge.  S’ensuit un stratagème pour punir le vieux Don Juan. La vengeance féminine se met en branle. Pour l’appâter : la flatterie.

Olivia Boen, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Marie-Nicole Lemieux et Federica Guida lors des répétions de "Falstaff" à l'Opéra Bastille. (Vincent Pontet/OnP)

Grâce à un décor inspiré du film Il était une fois en Amérique, des immeubles en brique rouge abritant des appartements surmontant des commerces, Dominique Pitoiset situe l’œuvre au début du siècle dernier, soit évidemment plus proche de Verdi que de Shakespeare. Le metteur en scène reconnaît que son approche serait tout autre aujourd’hui que celle de sa version originelle. "Cette production est du siècle passé, avec son esthétique très éloignée de celle de mes projets récents. Mon parti pris serait différent si je devais remonter l’œuvre", confie Dominique Pitoiset.

Ambrogio Maestri lors des répétions de "Falstaff" à l'Opéra Bastille. (Vincent Pontet/OnP)

L’orchestre dirigé par Michael Schonwandt, qui accompagne finement les artistes, a reçu de nombreuses ovations d’un public enthousiaste. Points d’orgue : la fin du deuxième acte et le final qui voit tous les personnages présents sur le plateau pour une scène épique. Falstaff, une œuvre légère et pétillante qui renferme des vérités profondes. Car si "Le monde entier est une farce", la nature humaine l’est un peu plus. Et, encore une fois, une comédie portée par magistralement par Ambrogio Maestri.

 

Fiche

Titre : Falstaff

Genre : comédie lyrique en trois actes (1893) d’après The Merry Wives of Windsor et des scènes de Henri IV de William Shakespeare

Durée : 2h40 avec 1 entracte

Langue : Italien

Surtitrage : français / anglais

Musique : Giuseppe Verdi

Livret : Arrigo Boito

Direction musicale : Michael Schønwandt

Mise en scène : Dominique Pitoiset

Chef des chœurs : Alessandro Di Stefano

Décors : Alexandre Beliaev

Costumière : Elena Rivkina

Distribution : Ambrogio Maestri, Olivia Boen, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Andrii Kymach, Gregory Bonfatti, Marie-Nicole Lemieux, Iván Ayón-Rivas et Federica Guida.

Dates : Jusqu’au 10 septembre

Lieu : Opéra Bastille, Place de la Bastille, 75012 Paris

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