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Festival d'Aix : l'opéra aux couleurs des Balkans ou en terre de Jihad

"Svadba" d'Anna Sokolovic, est "une histoire universelle racontée avec une saveur des Balkans", comme l'explique son auteure. Un huis clos entre six femmes qui préparent la mariée la nuit précédant sa noce. Le metteur en scène autrichien Martin Kusej revisite, lui, "L'Enlèvement au Sérail" au temps du jihad. Deux scènes ont dû être enlevées pour éviter toute récupération.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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L'Irlandaise Jennifer Davis (Lena) et les Canadiennes Andrea Ludwig (Nada) et Florie Valiquette (Milica) dans "Svadba" de Ana Sokolovic.
 (BORIS HORVAT / AFP )

Présenté le 3 juillet au Festival, l'opéra "Svadba" de la Canadienne d'origine serbe Anna Sokolovic est à nouveau donné ce soir. Un "opéra de chambre", sans instruments, qui répondait en 2011 à une commande de la compagnie canadienne "Queen of Puddings" d'une œuvre pour six voix de femmes. "Les paroles proviennent de différents chants populaires liés au mariage", explique l'auteure. "C'est un enterrement de vie de jeune fille, dans des dialectes et des époques différentes". Ana Sokolovic a puisé dans la tradition  pour reconstituer l'épisode du bain, la coloration des cheveux au henné, les jeux et chamailleries des jeunes filles.

Propos universel

"Les jeunes femmes de l'époque de ces chansons populaires n'avaient aucun contact avec les hommes et elles avaient autant hâte que peur". Une vérité aujourd'hui lointaine dans les Balkans rompus à la modernité, mais toujours d'actualité dans beaucoup d'autre pays aux quatre coins de la planète. "C'est comme les musiques folkloriques, qui se ressemblent d'un bout du monde à l'autre, on atteint l'universel", dit-elle.
  (BORIS HORVAT / AFP)

Sur scène, les six chanteuses-comédiennes interprètent avec une grande fraîcheur cet adieu à leur enfance, où elles vont faire les folles, danser, jouer avec les comptines des cours de récréation, mais aussi dire la nostalgie du temps qui passe. Les paroles des chansons sont sous-titrées, mais on en a à peine besoin, tant le rythme et la musicalité de la langue serbe s'imposent en à peine une heure. C'est gai, malicieux et mélancolique à la fois.

"Svadba", donné pour la première fois en version scénique à Aix-en-Provence, poursuivra sa carrière à Nantes et Angers en mai 2015.

Modifications de circonstance pour "L'Enlèvement au Sérail" de Martin Kusej

"L'Enlèvement au Sérail" au temps du jihad : le metteur en scène autrichien Martin Kusej a revisité radicalement, au festival d'Aix-en-Provence l'opéra de Mozart, au point que deux scènes ont dû être enlevées. Dans une adresse exceptionnelle au public le 3 juillet au soir, le directeur du  festival lyrique Bernard Foccroulle a expliqué qu'au lendemain des attentats du 26 juin en France, en Tunisie et au Koweït, "la direction du festival et le metteur en scène ont jugé que certaines images devenaient tout simplement  insupportables". Le festival a donc décidé de modifier deux scènes faisant clairement allusion au groupe État islamique (EI).

Dans le premier acte, les jihadistes qui détiennent des Européens séquestrés dans le désert mettent en scène un simulacre d'exécution devant un drapeau noir, sous l'oeil du photographe : les inscriptions initialement portées sur le drapeau et faisant référence à Daech ont été enlevées. A la fin de l'opéra, à la place des têtes décapitées des otages, le second du Pacha, le sanguinaire Osmin, brandit des linges ensanglantés. Dans la version mozartienne, le Pacha magnanime libère ses otages... "La question de l'image est devenue extrêmement sensible, nous n'avons pas voulu que des images piochées dans la production se retrouvent sur internet hors contexte", a expliqué Bernard Foccroulle. Et pour éviter toute récupération sur les réseaux sociaux de photos sorties de leur contexte, aucun filage photo n'a été organisé pour cette production.

Livret réécrit

Comme chaque année, le festival propose une œuvre de Mozart, "l'ADN du  festival", selon Bernard Foccroulle. "L'Enlèvement au sérail", qui tombe souvent dans le piège du kitsch orientalisant, ne courait aucun risque avec la mise en scène ultra contemporaine de l'Autrichien Martin Kusej. L'opéra de Mozart, qui s'inscrivait à l'époque dans la vogue des "turqueries" exotiques, prend ici un tout autre sens.

Martin Kusej transpose l'enlèvement des Anglais décrit dans l'Opéra créé en 1782 dans les années 1920, alors que les puissances coloniales se partagent le Moyen Orient. Mais plusieurs scènes propulsent l'action aujourd'hui, avec des jihadistes cagoulés et armés jusqu'aux dents, Le livret est largement réécrit, où les puits de pétrole et les 70 vierges du paradis islamiste font irruption, sans parler de nombreux dialogues en anglais, dans un opéra écrit initialement  en allemand.

La production, servie par de très belles voix et un orchestre (Freiburger Barockorchester) délicatement mené par Jérémie Rhorer a été très applaudie. Le metteur en scène s'est attiré quelques huées. Sa transposition ne manque pourtant pas de cohérence, dans un beau décor de  désert de sable évoquant "Tintin au pays de l'Or noir". Martin Kusej est connu pour ses mises en scènes radicales, qui interpellent violemment la société actuelle.

"Svadba" d'Anna Sokolovic au Théâtre du Jeu de Paume, à Aix-en-Provence
Ce soir le 5 juillet et jusqu'au 16 juillet 2015 à 18h00.

"L'Enlèvement au sérail" de Mozart au Théâtre de l'Evêché, à Aix-en-Provence
Demain soir, le 6 juillet et jusqu'au 21 juillet 2015 à 12h30. 

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