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"L'opéra doit passer le test du clic" : Pierre Audi, nouveau directeur du festival d'Aix-en-Provence, veut attirer les jeunes

Pierre Audi souhaite un festival à la croisée des arts, pour faire venir un nouveau public à l'opéra.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Pierre Audi, nouveau directeur du festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence, veut ramener les jeunes dans les galeries des opéras. (JOEL SAGET / AFP)

Il est né dans un pays où l'opéra n'existe pas. Le Franco-libanais Pierre Audi, nouveau directeur du festival d'Aix-en-Provence, veut "éveiller l'intérêt" des jeunes pour un art souvent jugé élitiste. A la tête d'un des plus prestigieux festivals d'art lyrique au monde, l'homme de 61 ans est son directeur le plus cosmopolite : né à Beyrouth, il a grandi à Paris, fait ses études d'histoire à Oxford, fondé le théâtre Almeida à Londres et a été directeur du Dutch National Opera pendant 30 ans. Une longévité exceptionnelle pour un directeur de maison d'opéra.

Fort d'un carnet d'adresses enviable, il marque les esprits dès sa première saison, à partir d'aujourd'hui (et jusqu'au 22 juillet) avec des oeuvres jamais vues dans cette manifestation lyrique née en 1948 et considérée comme un "laboratoire d'opéras". Les metteurs en scène qu'il a invités ne sont pas des moindres : Christophe Honoré, Romeo Castellucci, Ivo van Hove, Andrea Breth. Il a également commandé une création mondiale singulière, un opéra en hébreu inspiré du conflit israélo-palestinien.

Relancer la discussion sur l'art de l'opéra

"Nous nous devons d'attirer le public vers une certaine nouveauté, vers des artistes qui se mesurent à des oeuvres inhabituelles du répertoire et ont des visions singulières", affirme Pierre Audi à l'AFP. "Cela suscite un regain d'intérêt et relance la discussion sur l'art de l'opéra", assure-t-il, martelant que les "productions mi-figue mi-raisin ne font pas avancer l'art lyrique".

L'opéra est la forme artistique la plus sophistiquée.

Pierre Audi

Il espère attirer davantage la jeune génération, but de toutes les maisons et festivals d'opéra. Son prédécesseur Bernard Foccroulle avait mis en place des tarifs réduits.  "Devons-nous leur faire découvrir l'opéra en le vulgarisant ? C'est un paradoxe majeur car l'opéra est la forme artistique la plus sophistiquée", estime Pierre Audi, qui dirige encore le Park Avenue Armory, une institution culturelle à New York.

Le public moins curieux à cause d'internet ?

"Les jeunes, c'est une population immenssissime. Il faut chercher parmi eux ceux qui ont une affinité et les intéresser à la musique, c'est cette carte qu'il faut jouer." Et bien que les maisons d'opéra profitent des réseaux sociaux pour promouvoir leurs productions, Pierre Audi est plus circonspect : "avant, le public devait faire (un effort pour aller à l'opéra, ndlr), maintenant il est moins curieux, car internet crée inévitablement un filtre dans lequel cet art doit passer le test du clic-clic".

Ce féru de cinéma, qui encore adolescent au Liban avait invité Pasolini et Jacques Tati à un ciné-club qu'il avait créé, aimerait que le festival "entre en contact avec le théâtre, la danse, les arts plastiques, la technologique, la musique contemporaine" et augmente le nombre de concerts. Face au "dilemme très dur" du prix des places, il travaille d'arrache-pied pour attirer des donateurs privés.Infatigable, il vient de monter à Amsterdam un spectacle de 15 heures comprenant la majeure partie des sept opéras du cycle Licht de Karlheinz Stockhausen.

Amoureux d'opéra depuis ses 12 ans

Il a quitté le Liban à l'âge de 16 ans, deux ans avant que le pays ne sombre dans la guerre civile (1975-1990). "Il y a eu un trou, une période de 30 ans où je ne suis pas revenu. J'étais en colère". Notant que sa culture orientale "a beaucoup nourri son travail", il dit revenir plus régulièrement au pays pour visiter son père (le banquier Raymond Audi). Il en profite aussi pour sentir "cette génération de jeunes Libanais formidables, des artistes nés après la guerre et qui sortent du débat politique".

A 12 ans, il tombe amoureux de l'art lyrique et se souvient encore de son premier opéra : le Tristan et Isolde de Wagner, à l'opéra de Munich, en juillet 1969. "Mon père m'a dit que je ne m'étais pas endormi durant les cinq heures du spectacle, que j'étais fasciné !" En sortant de cette soirée, il a suivi en direct l'alunissage de Neil Armstrong. "C'était comme une juxtaposition cosmique : la musique de Wagner et ce moment historique, pratiquement irréel".

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