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Le festival de Bayreuth ouvre sur fond de querelles entre les descendants de Wagner

A Bayreuth, en Allemagne, le drame se joue sur scène et en coulisses : Katharina Wagner, qui codirige le festival fondé par le compositeur, est critiquée pour sa programmation et ses mises en scènes. On ne se bat plus pour aller à Bayreuth, on se bat pour y rester.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Volet final de la tétralogie "Le Crépuscule des Dieux", mise en scène par Frank Castorf, en août 2013 au festival de Bayreuth

Le rideau se lève samedi sur le célèbre festival d'opéra de Bayreuth, entièrement dédié à l'oeuvre de Richard Wagner, avec une nouvelle production de "Tristan et Iseult" mise en scène par une arrière-petite-fille du compositeur, Katharina.

Comme le veut la tradition, le gratin politico-économique de l'Allemagne, chancelière Angela Merkel en tête, va grimper dans l'après-midi la "Colline verte" sur laquelle est perché le théâtre du Festspielhaus, dessiné par Wagner lui-même. A 37 ans, Katharina codirige depuis 2009 le festival (fondé en 1876 par le compositeur), avec sa demi-soeur Eva Wagner-Pasquier. Eva, âgée de 70 ans, se retire à la fin de l'été, laissant les commandes à Katharina, dont le contrat court jusqu'en 2020.

Un festival qui perd son identité ?

Pour l'heure, la liste des productions montées par Katharina est peu fournie. A Bayreuth elle n'a réalisé qu'un "Maîtres chanteurs de Nuremberg", globalement éreinté. Plus largement, certains estiment que Bayreuth serait en train de perdre son identité, et en accusent Katharina.

Sous sa direction, les choix esthétiques du festival ont évolué, portés par des artistes au caractère conflictuel, à l'image de l'enfant terrible du théâtre allemand, Frank Castorf, dont la production actuelle du "Ring" fait grincer des dents, et pas seulement dans les milieux conservateurs de l'opéra.
Siegfried, mis en scène par Frank Castorf au festival de Bayreuth en juillet 2013
 (ENRICO NAWRATH / BAYREUTHER FESTSPIELE / AFP)

Les aficionados se plaignent également du fait que les meilleurs interprètes se produisent dans les grands opéras à travers le monde, et qu'il n'est désormais plus nécessaire de se rendre à Bayreuth pour les entendre.

Déchirements familiaux

Autre symptôme de ces temps qui changent : la liste d'attente pour obtenir un billet d'entrée -chose qui pouvait durer une dizaine d'années-, s'est considérablement raccourcie, notamment en raison d'internet où les billets sont désormais disponibles en vente directe. Depuis la création du festival, les descendants de Richard Wagner se sont déchirés dans d'amères querelles pour le contrôle de Bayreuth, où se presse chaque année l'élite politique et sociale du moment.

Adolf Hitler était lui-même un wagnérien ardent et se rendait régulièrement au festival. A certains moments, ces querelles intestines entre les différentes branches de la famille Wagner ont même menacé d'éclipser le festival. Cette année n'a pas dérogé à la règle. La presse s'est ainsi fait l'écho d'un complot -vigoureusement démenti- qu'auraient ourdi Katharina Wagner et le chef d'orchestre Christian Thielemann afin qu'Eva Wagner-Pasquier n'accède plus à la "Colline verte" une fois les répétitions de "Tristan" entamées.

Tragédies en coulisses

La tension est encore montée d'un cran lorsque l'actuel chef d'orchestre du "Ring", le Russe Kirill Petrenko, pourtant réputé pour sa discrétion, a publiquement fustigé la façon dont avait été remplacé, à la dernière minute, le ténor canadien Lance Ryan qui campait Siegfried ces deux dernières années. Les spéculations sur une rivalité entre Petrenko et Thielemann sont encore montées d'un cran lorsque le Russe a été élu fin juin à la tête du Philharmonique de Berlin, un poste que Thielemann semblait convoiter de longue date.

Rumeurs

Ces rumeurs ont pris une nouvelle saveur après l'annonce que la soprano allemande Anja Kampe, qui entretiendrait une liaison avec Petrenko, abandonnait le rôle d'Iseult, quatre semaines avant la première. Or c'est Christian Thielemann qui dirige cette nouvelle production...

Par ailleurs, le festival a été inhabituellement long à confirmer la distribution de cette année, annoncée en juin alors qu'elle l'est habituellement en début d'année. Un délai étonnant, même en tenant compte de la mort de deux chanteurs dans le crash de l'avion de Germanwings dans les Alpes françaises fin mars.

Pour couronner le tout pour Katharina, cette année marque le 150e anniversaire de la première de "Tristan et Iseult". Mais la production de 2015 n'est que la onzième à Bayreuth. Dans une récente interview, elle a toutefois affirmé qu'elle n'allait pas se laisser intimider par autant de pression.

Le Festival de Bayreuth se tiendra jusqu'au 28 août avec 30 représentations de sept opéras : "Tristan et Iseult", "Lohengrin", "Le Hollandais volant" et les quatre oeuvres du "Ring".

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