Les enfants spectateurs et acteurs enchantés par une "Cenerentola" de Rossini pétillante au Théâtre des Champs-Elysées
Avenue Montaigne, à Paris, peu après 9 heures du matin : par petits groupes, des centaines d’écoliers longent la façade grise du Théâtre de Champs-Elysées dans une longue file indienne, emmenés par leurs instituteurs ou professeurs. La cadence est vive, quasi militaire, jusqu’à l’entrée, pour assister à l’opéra participatif jeune public intitulé Une Cenerentola, d’après Gioacchino Rossini. Un rendez-vous récurrent du théâtre dans le but de sensibiliser les jeunes au classique et à l’opéra.
Une fois entrés, ici et là, les "waouw, c’est stylé !" et autres onomatopées d’émerveillement devant la beauté de la salle à l’italienne fusent, mais le brouhaha s’arrête net dès l’accordage des violons : 1200 enfants de 6 à 14 ans, dans un silence qui fait impression.
A l’unisson
Le chef d’orchestre Alphonse Cemin prend la parole pour rappeler les règles du jeu sur la participation des enfants : à son signal, quand il se retournera vers la salle, les jeunes spectateurs pourront chanter leur air avec l’orchestre des Frivolités Parisiennes. Six interventions chantées auxquelles s’ajoutent une percussion corporelle – très suivie par les plus petits - et une intervention en langue des signes.
Le premier chant arrive très vite, Il était une fois un roi solitaire, et il demande un léger réglage de rythme. "Avec son tempo plutôt lent et son caractère un peu mélancolique, il est très difficile à mettre ensemble", nous explique par la suite Alphonse Cemin. Les airs suivants, l’air du prince ou des chœurs "au rythme de cavalerie militaire, joyeux", explique-t-il, sont entonnés littéralement à l’unisson. L’effet est bluffant.
"Avoir plus de mille enfants qui chantent à pleine voix des chansons qu’ils connaissent par cœur, qui sont très à l’aise musicalement, c’est formidable", nous dit le chef. "Et puis ça s’entend dans la voix qu’ils sont ravis de chanter, qu’il y a un bonheur de participer au spectacle et de chanter avec l’orchestre". Cela montre enfin, ajoute Alphonse Cemin, "à quel point ils ont été bien préparés par leurs professeurs à chanter en rythme avec nous et à suivre l’histoire".
Tché-né-renne-tola
L’œuvre présentée est une adaptation de La Cenerentola de Rossini réalisée pour l’occasion. L’opéra est réduit à 1h15, le texte traduit en français, mais l’héroïne reste bien Cenerentola (prononcer tché-né-renne-tola, est-il expliqué dans le livret de scène) et non Cendrillon. La nuance est de taille, Cendrillon est le titre d’un autre opéra, de Massenet, composé 80 ans après Rossini. Ne pas confondre.
L’histoire est sensiblement la même que le conte de Perrault. Mais ici pas de marâtre mais un parâtre, Don Magnifico, dont la méchanceté à l’égard de sa belle-fille la dispute au ridicule – il est d’ailleurs coiffé d’une perruque 18e à double pointe bien grotesque qui amuse beaucoup les enfants. Pas de citrouille non plus dans Cenerentola – supprimée -, ni de soulier de vair – c’est un bracelet -, ni enfin de bonne fée, remplacée par un mendiant philosophe, Alidoro, qui prend dans cette production l’aspect d’un coursier.
Guignol et bonbons acidulés
Le metteur en scène italien Daniele Menghini a imaginé un plateau et des costumes tout aux couleurs de bonbons acidulés – rose, vert, turquoise – donnant l’eau à la bouche aux enfants. Au cœur de la scène il a érigé un modeste "Grand Hôtel", nouvelle activité de Don Magnifico, après avoir dilapidé tout l’héritage de Cenerentola en cadeaux divers à ses deux capricieuses filles, Clorinda et Tisbe. Trois grooms, les "lobby boys", porteurs du hall de l’hôtel, y mettent une joyeuse ambiance avec leurs pitreries. Sûrement parmi les plus applaudis.
C’est là que le prince, déguisé en valet - Rossini emprunte l’astuce de l’échange d’identités à Marivaux – fait la rencontre furtive de Cenerentola et en tombe immédiatement amoureux. La mise en scène joue à fond la carte du guignol et les acteurs–chanteurs ne cessent d’interpeller leurs jeunes auditeurs. Mais qui était cette fille ? Comment faire pour la retrouver ? Quelques enfants lèvent le bras poliment, tandis que d’autres crient tout bonnement leur réponse.
Comme dans un concert pop
Le dernier air est chanté par Cenerentola avec le public enthousiaste : "Dans la souffrance et les larmes mon cœur vécut en silence, mais un rêve plein de charme a ravi mon existence…". Le chef d’orchestre en est impressionné. "Les chants que les écoliers ont appris sont disséminés tout au long de l’opéra, donc l’histoire de Cendrillon avance et eux y participent pleinement", se réjouit-il. "D’un point de vue purement acoustique c‘est assez incroyable, je n’avais entendu ça, à part dans un concert pop, quand le chanteur entonne un tube et est repris par tout le public".
"Une Cenerentola, d'après Gioacchino Rossini" au Théâtre des Champs-Elysées
Mise en scène de Daniele Menghini
Direction musicale de Alphonse Cemin
Orchestre Les Frivolités Parisiennes
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